Après les « hedges funds » les fonds souverains
Vous connaissez déjà les fonds de pension, les fonds d’investissment, les fonds spéculatifs dit "hedges funds" dont j’ai eu l’occasion de vous parler. En voici un autre type dont on commence à entendre parler, les fonds souverains.
Pourquoi les appelle-t-on souverains ? Parce qu’ils appartiennent à des Etats ou aux banques centrales de ces Etats et qu’ils peuvent avoir des logiques de fonctionnement qui ne sont pas les logiques traditionnelles, c’est-à-dire purement financières, des fonds que je viens de citer. En d’autres termes ils peuvent constituer une arme redoutable entre les mains d’un dictateur ou d’une junte. Leurs fonds proviennent des excédents financiers résultant du fait que certains Etats dépensent moins qu’ils ne gagnent d’argent (si si cela existe !). Ce peut être des pays pétroliers à forts revenus comme les monarchies du Golfe, ou des pays dont la balance des paiements est en fort excédent comme la Chine et ses 1 200 milliards de dollars de trésor de guerre.
Depuis la hausse du pétrole et du gaz ainsi que celle des matières premières de tous types et l’émergence des pays en voie de développement, ils sont de plus en plus nombreux sur la planète.Outre les pays du Golfe, on peut citer les pays pétroliers d’Amérique du Sud, à la fois producteurs de pétrole, gaz et matières premières mais aussi pays émergents, la Russie et certaines ex républiques soviétiques, les pays émergents de l’Asie du Sud est, Chine en tête, et même la Norvège qui a décidé de conserver sa manne pétrolière pour plus tard en la plaçant.
Traditionnellement c’étaient des acteurs financiers très prudents qui plaçaient une large part de leurs fonds dans des bons du trésor du Trésor américain et comblaient ainsi le déficit de l’économie américaine. Avec la baisse des rendements des placements sans risques, certains ont changé un peu de logique en achetant des parts de sociétés industrielles dans le monde. Et bien sûr, ce sont celles des fleurons de l’industrie, celles qui représentent des actifs solides et d’un bon rapport sur la durée dans laquelle ils ont investis. En outre parmi ces fonds, certains peuvent aussi investir dans des actifs qui peuvent être considérés comme stratégiques pour l’approvisionnement des pays (je pense aux ports des Etats-Unis auxquels Dubai s’est intéressé) ou pour le bon fonctionemment des marchés financiers (sociétés de bourse, secteur bancaire) ou encore dans le domaine énergétique ou de la haute technologie.
Ils représentent des sommes relativement modestes par rapport aux fonds d’investissement classiques avec des montants de fonds gérés de l’ordre de 3 500 milliards de dollars contre 21 000 milliards pour l’ensemble des fonds d’investissement privés mais sont quand même deux fois plus importants que les hedges funds dont on nous dit tous les jours qu’ils peuvent déséquilibrer les marchés. C’est dire qu’ils auraient, s’ils le voulaient, un pouvoir de nuisance important.
Et comme nous sommes dans une période de nationalisme économique exacerbé par la fuite vers l’étranger des plus beaux fleurons de notre industrie et l’incapacité de nos Etats devenus impécunieux de continuer à contrôler l’activité industrielle, nous regardons ces fonds avec encore plus de suspicion que les fonds d’investissment. Au moins ceux-ci ont une logique financière claire et de court ou moyen terme. Mais que dire de celle d’un fonds birman ou de la cagnotte de monsieur Chavez ?
L’Allemagne étudie de ce fait un dispositif pour se protéger des convoitises des étrangers en général en imposant à partir d’un certain niveau de prise de participation des déclarations de fanchissement de seuil de la part des acheteurs voire des accord gouvernementaux pour certains secteurs. Comme l’Allemagne, comme nous, opère dans une économie de marché et un système libéral, elle ne peut empêcher les autres de faire ce qu’elle-même se permet vis-à-vis de sociétés d’autres pays dans le monde entier. D’où la définiton de secteurs dit stratégiques soumis à autorisation gouvernementale comme la défense, la presse, l’énergie, les télécommunications, la banque, l’aéronautique(!), l’espace. Autant dire une bonne partie de l’industrie allemande !
Seul hic, l’Allemagne étant dans l’Europe, ces limitations ne s’appliquent en principe pas à des prises de participation intraeuropéennes. Mais même au-delà de l’Europe, on ne peut à la fois promouvoir la coopération avec une Russie, si riche de matières premières, et vouloir interdire à Gazprom d’acheter un EON ou aux banques russe d’investir dans EADS !
Qu’il est dur de constater que tout en faisant partie de seigneurs du monde, il faut néanmoins composer avec ces nouveaux venus, riches de leurs seules sources d’énergies....
NB : Pour mémoire, si vous êtes intéressés par les différentes espèces de fonds, je vous invite à relire un article du 6 avril 2007 sur les "fonds vautours", une autre espèce plus nauséabonde.
8 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON