Baisse des prix à la pompe : un mauvais signal
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Baisse des prix à la pompe : un mauvais signal.
Les prix de l’essence vont baisser. C’était une promesse de François Hollande pendant sa campagne électorale. Ironie du sort, peu de temps après son élection, les prix à la pompe reculaient du fait de la baisse des cours du pétrole brut. Il n’était donc plus question de les bloquer. Déjà on appréhendait la problématique du blocage des prix d’un produit. Lorsque les prix montent on bloque et lorsqu’ils baissent, que fait-on ? On débloque bien sûr. Une gymnastique quelque peu hasardeuse où il est difficile de trouver le juste équilibre.
Aujourd’hui les prix de l’essence remontent, il est donc l’heure de ressortir du carton des promesses celle du blocage des prix. Enfin pas tout à fait, à l’annonce de la mesure, on voit qu’il ne s’agit pas d’un blocage, mais d’une baisse de quelques centimes négociée avec les grandes compagnies pétrolières et les distributeurs.
François Hollande n’a donc pas tenu sa promesse. Certes, les prix baisseront mais ne seront pas bloqués car ils restent toujours soumis aux variations des cours du brut.
Les prix à la pompe vont donc subir une baisse de 6 centimes d’euros maximum. Je voute invite à bien décrypter les messages et ne pas attendre une baisse systématique d’un tel montant (il s’agit bien d’un maximum). L’état dans cette affaire diminue pour un temps seulement le niveau de ses taxes. Il faut savoir que 1 centime de baisse sur les taxes des carburants, engendre un manque à gagner pour l’état d’environ 600 millions d’euros par an. L’état évoque dans cette opération un simple manque à gagner de 300 millions d’euros, car la mesure est provisoire. Vous allez me dire que 300 millions face aux 30 milliards d’euros à trouver l’an prochain, n’est que gnognote. Oui, mais cela s’ajoute à d’autres mesures dispendieuses. Comme on dit souvent, ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières.
Je croyais que le nouveau gouvernement s’engageait sans faiblesse vers la réduction des déficits budgétaires ! Nous aurait-il menti ? Où alors le manque à gagner serait-il compensé par un nouvel impôt ou une nouvelle taxe ? L’imagination débordante de nos gouvernants ne l’interdit aucunement. J’en perds un peu mon latin dans cet imbroglio budgétaire. Si on vous donne d’une main ce qu’on vous prend de l’autre, j’ai bien l’impression que l’opération est nulle. Finalement le contribuable qui n’a pas de voiture, et qui n’a jamais mis les pieds dans une station service se verrait bien contraint à régler une facture pour un produit qu’il n’a pas consommé.
Peut-on donner un sens économique à cette généreuse action ? A mon humble avis, il n’y a aucun sens économique lié à une telle décision. Dans une économie de marché, les prix sont libres, et fonction d’un certain nombre d’impératifs et de paramètres liés pour le cas à l’extraction du pétrole brut, au transport par bateau, au raffinage, à la distribution, aux investissements des compagnies pétrolières, à la rareté de la ressource, aux prix du marché, … L’essence devient chère parce que le pétrole devient rare et des tensions s’expriment de plus en plus fréquemment sur les marchés. C’est d’une logique implacable : si la consommation mondiale augmente alors que la production stagne, il n’y a que le facteur prix qui permet de réguler et d’ajuster l’offre à la demande.
Mais que disent les écologistes sur cette baisse de prix ? j’ai l’impression qu’ils sont bien silencieux. On connaît tous les méfaits de la consommation de produits fossiles que sont le charbon, le gaz, le pétrole. Leur usage entraîne pollution, gaz à effet de serre, maladies respiratoires, engorgement de nos centres ville. Le coût pour la société est astronomique, car elle est complètement articulée autour de la voiture ; il faut construire des routes, des autoroutes, des parkings, des garages, au détriment des surfaces cultivables, installer une signalisation plutôt abondante, construire, installer et gérer des radars de plus en plus nombreux, et que dire des dégâts humains en terme de morts, de blessés graves, et de blessures morales. Notre société est « voiture-dépendante ». N’est-il pas opportun dans un contexte de rareté de certaines ressources naturelles et face à une planète qui souffre et qui chauffe, de trouver des solutions différentes et mieux adaptées pour aider les gens à se déplacer ?
En finir avec le « tout voiture » ? Il ne s’agit pas de supprimer du jour au lendemain ce modèle qui a perduré pendant des décennies et qui a encore de beaux jours devant lui ; Il faut tout simplement penser à la transition et sensibiliser les consommateurs au changement qui paraît inéluctable dans le moyen terme. La planète nous rappelle tous les jours que notre mode de vie (j’entends par là bien sûr celui du modèle occidental) n’est plus compatible avec ce qu’elle est en mesure de nous offrir. Il y a les ressources renouvelables et celles qui ne le sont pas. Les énergies fossiles sont non renouvelables, et il serait peut être généreux de penser aux générations futures en leur laissant quelques gouttes de pétrole.
Alors le bon sens serait de laisser monter les prix progressivement en comptant sur une adaptation tout aussi progressive de la société. Elle aurait dû déjà amorcer cette adaptation car cela fait longtemps que les spécialistes de l’énergie nous alertent sur une inexorable augmentation des prix. Pourquoi roulons-nous toujours autant ? Pourquoi les voitures consomment-elles encore 5 à
Il y a des solutions pour se désintoxiquer de la voiture. Il suffit d’avoir un peu d’imagination et de courage politique pour les mettre en œuvre. C’est bien évidemment plus facile dans les villes que dans les campagnes. On évoque souvent les personnes vivant à la campagne qui n’ont pas d’autres choix que de prendre leur voiture pour se rendre au travail. Certes, ces cas spécifiques sont moins faciles à résoudre, et il est évident que l’essence chère affecte leur budget trop lourdement.
L’objet de cet article n’est pas de livrer des solutions ; j’y reviendrai peut-être prochainement. J’ai voulu juste évaluer la décision en termes de pertinence et de bon sens.
La baisse de 6 centimes annoncée (au mieux !), est le résultat d’un effort partagé entre état et pétroliers. Cela représente au mieux 4% d’allègement. Est-ce bien significatif ? Celui qui dépense 100 euros à la pompe par mois verra une économie de 4 euros au mieux (ou ne la verra pas !) ; C’est donc complètement insignifiant, d’autant plus qu’il faudra bien compenser le manque à gagner. Un petit impôt caché et les 4 euros vous seront repris, mais cette fois sans tambours ni trompettes. Imaginez un Moscovici apparaître à la télévision pour vous annoncer que le trou de 300 millions d’euros est comblé par une petite taxe supplémentaire sur les cigarettes ou sur les mutuelles santé !
N’est-il pas plus judicieux de réduire nos déplacements ? Réduire de 10% nos trajets ne paraît pas insurmontable, et c’est beaucoup mieux que les 3 ou 4% consentis et négociés par Bercy, à la fois pour le portefeuille, pour notre bien-être, et pour la planète.
Le gouvernement nous livre vraiment un très mauvais signal. Il est à contre sens. Il bouleverse toute la logique environnementale qui exige un autre modèle, une société plus sobre en énergie. Si les prix baissent, la consommation restera soutenue, et l’adaptation ne se fera pas. On risque d’être mis au pied du mur le jour où les prix s’envoleront sérieusement à cause d’une réelle pénurie liée à la rareté de la ressource ou bien à d’autres facteurs exogènes comme les conflits régionaux.
J’aimerais tant voir la société dans laquelle je vis se libérer du carcan automobile, et voir apparaître plus de vélos dans nos rues. Moins de bruit, moins de pollution, moins de CO2. Un réel confort de vie. Pour cela il ne faut pas baisser le prix de l’essence. Il faut faire œuvre de pédagogie et expliquer aux français pourquoi les prix doivent rester élevés en leur proposant des solutions simples en vue de réduire la facture énergétique : transports en commun (avec gratuité dans certains cas), covoiturage, rationalisation des déplacements, voitures économiques, réduction des vitesses, mode de conduite, efficacité énergétique, et j’allais oublier le vélo électrique.
On le ressent, le gouvernement a été pris au piège de ses promesses. Cette mesure est provisoire et non pérenne. Elle est simplement symbolique. La société était en attente et il fallait y répondre. C’est chose faite ; attendons la suite. Les réalités finissent toujours par l’emporter sur les illusions.
Alain-desert
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