Nous n’en sommes pas là. Pas encore. Et pourtant ! L’important Bank run en Grèce qui s’est rapidement étendu à l’Espagne est le signe le plus inquiétant de la détérioration de la situation financière actuelle. Kesako ?
Où que vous vous tourniez, vous n’aurez évidemment que les chiffres les plus farfelus sur les retraits effectués par les Grecs et à leur suite les Espagnols sur leurs comptes bancaires depuis l’annonce officielle de l’échec de la formation d’un gouvernement en Grèce. Le fait est que le mouvement déjà enclenché depuis le début de l’année s’est
accentué. « Même démentie, la ruée sur les guichets est un signe de crise très inquiétant pour les dirigeants européens. Une panique bancaire est difficile à endiguer au niveau des États. Seule une intervention illimitée de la BCE peut y mettre fin... », lisait-on mardi dans le
Figaro. Et d'importantes migrations internes au niveau de l'ensemble de la zone euro confirment ces turbulences.
On ne peut que démentir
La morale des journalistes, qui par le fait même de l’information contribueraient à créer le phénomène (en gros, il suffit de parler de l’existence d’un bank run pour le créer ou l’amplifier démesurément) participe de leur autocensure bien connue. Après avoir évoqué le phénomène la semaine dernière, tous les médias se sont tus de concert, ce qui en soi n’est pas du tout rassurant.
En outre, ainsi que nous l’avons déjà évoqué à plusieurs reprises, la situation financière se cristallise sur une double crise : crise des États et crise des banques. Mais les États soutiennent les banques pour que… les banques puissent continuer à soutenir les États en leur prêteant ! Situation qui a été interprétée jusqu’à un certain point comme l’infrangibilité du système et qui s’est renversé depuis peu en sa totale absurdité. Le signe majeur de ce renversement est le succès kolossaal de l’emprunt allemand à 0% cette semaine : les banques se sont ruées sur un emprunt aussi sûr que la ligne Maginot en 1939. Quand les banques prêtent de l’argent gratuitement, on peut être sûr que tout le système est sur la tête. Toujours est-il que, vue de la passerelle du Titanic, la situation n’a rien que de très normal, et les journalistes ne peuvent pas moins faire que d’apporter leur contribution à la tranquillité des passagers. C’est bien connu : l’orchestre a continué à jouer jusqu’à l’immersion finale !
Que vient faire le Crédit agricole là-dedans ?
La Banque est fragilisée par une importante filiale grecque qui ne risque pas de ne plus rien valoir, mais qui ne vaut d’ores et déjà plus rien. Pas de quoi paniquer, certes, mais cette situation est une préannonce en quelque sorte des effets ravageurs d’une faillite de plus en plus probable (faut-il dire certaine ?) de l’État grec d’ici un mois ou deux. Le coût pour les banques françaises : de 20 à 30 milliards (dont de fait un sérieux pactole pour le Crédit agricole), le triple pour l’État français.
Dans ce contexte, les opérations de M.
le président normal pour la relance de l’économie sont pour le moins grotesques : les Européens viennent de retrouver au fond d’un placard 230 millions € pour les « grands travaux » qui vont nous ramener la croissance. Ce sont les plans sociaux retardés un moment par la situation électorale indécise qui tiennent la
Une de l’information. Je l’ai dit : 2012 verra la grande entrée de l’économie mondiale dans une ample récession, le chômage va s’envoler. Situation classique où les citoyens
engrangent pour les temps difficiles. D’où la mesure de M.
le président normal de doubler le plafond du livret A.
[1] Une mesure dictée par la volonté des citoyens sensés de retirer leurs billes du système. Les épargnants l’ont fait l’an dernier en convertissant de nombreux placements en propriétés foncières, ce qui a postposé considérablement la crise immobilière en suspens depuis deux ans.
[2]
Les banques françaises n’ont donc pas de soucis à se faire dans l’immédiat, les Français étant toujours aussi réceptifs au chant des sirènes. Et puis, on a déjà tellement crié «
Au loup ! » qu’on ne va pas vivre dans une panique permanente ! Laissez jouer l’orchestre, s’il vous plaît…
La France au Sud
L’opposition de plus en plus marquée entre la France et l’Allemagne n’est pas liée au changement de présidence, mais au fait que la France rejoint de plus en plus nettement les pays du Sud de l’Europe (Grèce, Espagne, Italie, Portugal) et va à terme en prendre la tête. Son endettement est à certains égards moins important que d’autres, son crédit plus sûr, mais sa situation actuelle est des plus préoccupantes, le déficit budgétaire continuant de se creuser alors que d’autres arrivent à le réduire. L’opposition France-Allemagne n’est à ce stade pas technique, elle est ontologique, les pays considérés comme sains (l’Allemagne et les pays du Nord) ne tenant pas à s’endetter pour les autres (le Sud). Ils ne le feront que forcés et contraints lorsque la situation des débiteurs mettra en danger celle des créanciers… nous n’y sommes pas encore, mais cela approche.
Une autre action largement occultée par les médias dans les pays du Sud de l’Europe, et elle aussi liée aux contraintes de la Dette d’État, a été l’offensive déployée par les Italiens contre les bureaux d'
Equitalia, l’agence chargée de recouvrer le produit des impôts dans la péninsule. Ces « attentats » (manifestations, blocages, peintures, cocktails Molotov…) n’ont fait que des dégâts matériels mais ont marqué l’opinion.
[3] Un curieux attentat, meurtrier lui, contre un lycée est alors intervenu pour mettre fin à
toutes ces violences… Malgré quoi il est bien établi que si les Européens retirent leur argent des banques, il ne semble pas que ce soit pour les porter aux Impôts.
On aurait pu croire !
Le taux zéro
Une des clés de la situation actuelle est que depuis plus de dix ans, les États surendettés (à leur tête les États-Unis) ont pu imposer des taux d’intérêt proches de 0%. Au nom de la lutte contre le Mal, l’
inflation, dont les ravages sur le patrimoine avaient été considérables pendant trois décennies. Mais on voit aujourd’hui qu’à la dissipation du patrimoine par l’inflation malgré des taux d’intérêt à deux chiffres, a succédé une garantie du patrimoine
sans intérêts, et que lui fait place maintenant une
double contrainte combinant les deux maux,puisque les taux continuent à descendre alors que l’inflation renaît… Derrière tout cela de sombres manipulations au plus haut niveau (
Le Libor). Plus cela va et plus il apparaît clairement que toute
valorisation est l’otage de la Dette d’État, clé de voûte d’un Système politico-financier dont nous ne sortons pas.
Le deuxième signe de l’accentuation de la Crise dans les mois qui viennent – outre la récession mondiale – sera l’inéluctable remontée des taux d’intérêt, seule « solution » pour remédier à la mort du crédit. Cette solution passe par la condamnation sans appel de l’endettement des États, qui sera alors insupportable, condamnation dont le pendant immédiat est l’écroulement du système bancaire.
Alors ce système : infrangible ou absurde ? Laissons les prochains mois en décider, sans oublier que c’est de nous que dépendra la suite.
MALTAGLIATI
[1] « Les dépôts sur le Livret A ont connu un nouveau bond de 2,53 milliards d'euros en avril, selon un communiqué de la Caisse des dépôts publié mardi 22 mai, à tel point qu'ils semblent se diriger vers une nouvelle année record, malgré la relative faiblesse du rendement du produit. Fin avril, 226,6 milliards d'euros étaient déposés sur le Livret A, soit 31,3 milliards de plus que fin 2010 et 61,6 milliards de plus que fin 2008. Le début d'année en fanfare du Livret A intervient alors que le gouvernement a pourtant dérogé, début février, à l'application automatique de la formule de calcul de son taux, le maintenant à 2,25 % alors qu'il aurait dû remonter à 2,75 %. » (
Le Monde)
[2] « Une étude élaborée par le cabinet PrimeView démontre que les différents leviers qui ont soutenu l'augmentation fulgurante des prix de l'immobilier entre 1998 et 2011 ne seront plus dans les années à venir. Un changement structurel, croisé avec un climat conjoncturel défavorable dans la distribution de crédits, entraînera alors une chute des prix estimée à
plus de 30 % sur les cinq à dix prochaines années. » (
Agefi)
[3] La crise en Italie entraîne une hausse des violences, et le gouvernement veut y faire face. "Il y a au total plus de 14.000 cibles à risque surveillées par les forces de police. Il y a plus de 550 personnes protégées (...) et plus de 2000 policiers affectés à cette tâche", indique un communiqué du ministère de l'Intérieur, publié ce jeudi 17 mai après une réunion des services de sécurité, après les nombreuses agressions contre des bureaux ou des employés d'
Equitalia, l'agence italienne de collecte des impôts, et une dizaine de jours.
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- Silence