Bitcoin : rempart contre la crise monétaire ?
Nous vivons une période spéciale de l’histoire financière.
La semaine dernière, les actions américaines ont perdu 7% et ont effacé leurs gains depuis le début de l’année.
Le déclencheur ? 200'000 emplois créées en janvier par l’économie américaine et un niveau de chômage de 4.1%, au plus bas depuis l’an 2000.
« Ce qui est bon pour l’économie ne l’est pas forcément pour la bourse » selon l’adage bien connu. En effet, le plein emploi tend à tirer les salaires à la hausse et à créer de l’inflation via la consommation.
Qui dit inflation, dit risque de hausse des taux d’intérêt par la Federal Reserve afin de maîtriser l’augmentation des prix. Quand les taux montent, les investisseurs tendent à favoriser les obligations au détriment des actions, ce qui a conduit à la disparition de 4000 milliards de valorisation boursière en 8 jours.
Faut-il vraiment craindre la hausse des taux américains ? Rien n’est moins sûr.
En effet, la réforme fiscale voulue par Donald Trump a été avalisée par les Chambres avant Noël et entraîne des baisses d’impôt pour les entreprises et les ménages. Alors que le département du Trésor dévoilait fin octobre un déficit de 666 milliards – mauvais augure ? - de dollars en 2016, ce dernier pourrait se creuser à 750 milliards pour les 5 prochaines années.
Une étude du Comité pour un Budget Fédéral Responsable prévoit que la note finale se montera à 2000 milliards pour les finances publiques, même en tenant compte de la hausse de la croissance – et donc des recettes fiscales – liée à la réforme.
Ce déficit budgétaire XXL sera donc financé par de la dette publique, alors qu’elle atteint déjà 103% du PIB américain au 3ème trimestre 2017 (source : https://fred.stlouisfed.org/series/GFDEGDQ188S)
Dans ce contexte, la Fed peut-elle raisonnablement augmenter les taux et creuser davantage le déficit ? L’avenir nous le dira.
En tout cas, les marchés ont déjà sanctionné le dollar qui a perdu 17% en un an face à l’euro dont 6% depuis l’introduction de la réforme fiscale de décembre.
Un euro cher ne fait pas les affaires de Mario Draghi et de l’Union Européenne qui ont besoin d’une monnaie attractive pour doper les exportations, l’emploi et l’inflation. C’est pourquoi, aucune augmentation des taux d’intérêt en euro n’est à prévoir avant mi-2019 comme l’a annoncé Thomas Weidmann de la Bundesbank mi-janvier.
Les épargnants des deux côtés de l’Atlantique devront donc attendre pour toucher des rendements satisfaisants.
Qu’en est-il du Bitcoin et quel rôle peut-il jouer dans ce cadre monétaire complexe ?
Après s’être époumonés en vain pendant toute l’année 2017, les détracteurs de la monnaie digitale ont enfin eu raison en janvier avec le crash du cours qui est passé de près de 20'000 dollars avant Noël à 6000 dollars début février, soit une baisse de 70% et 400 milliards de valorisation envolés.
Comparé à février 2017, le Bitcoin est néanmoins en hausse de 800%.
Revenons sur les causes de ce crash.
Premièrement, tout actif dont la valeur explose aussi vite passe par une phase de prise de profit par les investisseurs.
Deuxièmement, le marché des crypto-monnaies a été victime d’un manque de liquidité technique fin décembre.
En effet, il est important d’observer l’évolution de la capitalisation du Bitcoin par rapport à celle de toutes les crypto-monnaies. Celle-ci est passée de 66% le 7 décembre à 37% un mois plus tard.
La capitalisation relative du Bitcoin et de l’Ether est quant à elle passée de 76% à 46% sur la même période.
Etant donné que l’immense majorité des monnaies secondaires s’échange contre Bitcoin ou Ether, on constate que la valeur combinée de ces deux monnaies était insuffisante pour absorber les ordres de vente des monnaies secondaires qui n’ont pas manqué de survenir. S’en est suivi une course à la liquidité, qui consiste à revenir à n’importe quel coût en Bitcoin ou Ether et de les convertir dans la foulée en monnaie nationale (fiat). D’où le crash.
Si ce crash a dû échauder les investisseurs nouvellement arrivés, ces derniers en sont néanmoins la cause. En effet, le mois de décembre a vu des milliards être investis sur les monnaies valant moins d’un dollar comme Ripple, Cardano, Verge, Tron, IOTA, etc… dans un mouvement qui laisse penser que les derniers venus estimaient avoir « raté le train » du Bitcoin et préféraient investir dans des monnaies « moins chères ».
Rappelons que la valeur d’une monnaie n’a aucun rapport avec son prix unitaire en euro. Il convient, entre autres, d’étudier la technologie sous-jacente, les développements à venir, la taille de son réseau, sa capitalisation et sa… liquidité. Gageons que les nouveaux investisseurs s’en souviendront pour leurs futures décisions d’investissement, et notamment qu’un Bitcoin fort est nécessaire pour un marché sain.
A cette heure, la capitalisation relative du Bitcoin n’est que de 35% (combinée avec l’Ether de 55%) et apparaît insuffisante pour envisager d’investir dans des monnaies secondaires. On risque donc d’avoir un marché volatil tant que le Bitcoin ne reprend pas de l’importance.
La frénésie de décembre a rendu la publication de l’excellent papier de John Pfeffer sur les crypto-monnaies moins visible (https://medium.com/john-pfeffer/an-institutional-investors-take-on-cryptoassets-690421158904).
Si la première partie est trop technique pour le novice, la seconde décrit de façon puissante le rôle que le Bitcoin est amené à jouer dans le contexte monétaire actuel.
En tant qu’actif décentralisé dont l’émission d’unités est limitée, il représente un potentiel de réserve de valeur indéniable, alors que les monnaies traditionnelles sont rongées par la dette publique.
Certains Etats pourraient réduire leur dépendance à l’Occident en accumulant des réserves de Bitcoin. Des voix se sont exprimées dans ce sens au Ghana. https://www.ccn.com/ghanas-central-bank-should-invest-1-of-its-reserves-in-bitcoin-groupe-nduom-executive/
Infalsifiable et facilement transmissible, le Bitcoin est supérieur à l’or dans le cadre d’échanges internationaux sur une base équitable. Une cargaison de blé entre la Russie et la Turquie a été pour la première fois réglée en Bitcoin en janvier. https://www.bloomberg.com/news/articles/2018-01-23/first-cryptocurrency-freight-deal-takes-russian-wheat-to-turkey
Si le début d’année a rappelé que le Bitcoin est un actif encore jeune et volatile, son formidable essor de 2017 a montré au monde entier qu’une nouvelle solution fonctionne : la monnaie digitale.
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