Bitcoin : une bulle ? Quelle bulle ?
Le Bitcoin termine 2017 de façon aussi tonitruante qu’il avait commencé l’année dans l’indifférence la plus totale.
Le seuil des 11'000 dollars par Bitcoin vient d’être franchi alors qu’il s’achetait onze fois moins cher le jour de l’an.
Autant on regrettait le manque de couverture médiatique du bitcoin au premier semestre, autant la presse traite maintenant du sujet quasi quotidiennement.
L’évolution du ton des « experts financiers » est surprenante. Avec l’augmentation des cours, le dédain du début d’année s’est progressivement transformé en courroux paternaliste pour déboucher en cris d’orfraie à l’approche de Noël : c’est une bulle !
Mais au fond : comment définir une bulle ?
Est-ce uniquement la flambée du prix d’un actif ?
Nombreux sont ceux qui commettent cette erreur à propos du Bitcoin : se focaliser sur son prix et non sur sa valeur.
En effet, une bulle existe si le prix d’un actif est en fort décalage avec sa valeur intrinsèque.
On pourrait d’ailleurs demander à ces « experts » s’ils considèrent que le fait que les principaux indices boursiers soient valorisés bien au-delà de 20 fois les bénéfices ne constitue pas une bulle ?
Est-ce normal que la France – en déficit budgétaire chronique – emprunte sur les marchés obligataires à moins de 1% ?
« C’est différent ! » risque-t-on d’entendre.
Soit ! Dans ce cas, on pourrait aussi admettre que le Bitcoin est différent.
En effet, comment valoriser un actif digital hautement sécurisé qui peut servir de monnaie d’échange, de réserve de valeur, et qui est régi de façon décentralisée par la conjonction des mathématiques, de la cryptographie et d’Internet ?
Il n’y a pas de précédent historique.
Dès lors, la loi immuable de l’offre et de la demande s’applique.
Du côté de l’offre, tout est transparent car il y a à ce jour 16.7 millions de Bitcoins en circulation pour un plafond de 21 millions d’unités. Toutes les 10 minutes, 12.5 Bitcoins sont créés par l’algorithme en récompense du travail de validation des blocs de transactions réalisé par les mineurs. Cela représente une inflation de 4% annuellement. Celle-ci baissera à 1.8% à l’horizon 2020 lorsque la récompense sera réduite à 6.25 Bitcoins (halving) et ainsi de suite, jusqu’au minage du dernier Bitcoin.
L’algorithme a donc été conçu sur un modèle désinflationniste. A demande constante, le prix doit augmenter. A demande croissante, le prix doit exploser. C’est ce que nous constatons actuellement.
Les vecteurs de la demande sont bien plus complexes : Appât du gain, compréhension croissante de la technologie sous-jacente, clarification du cadre juridique, défiance vis-à-vis des monnaies traditionnelles ?
Sûrement un peu de tout cela.
Le 20 novembre, Patrick Byrne, CEO d’Overstock, disait : « La question n’est pas de savoir à quel niveau le Bitcoin va monter, mais plutôt à quelle niveau les monnaies traditionnelles vont baisser ».
Le Bitcoin a été créé suite à la crise financière de 2008. Depuis, les banques centrales ont injecté plus de 9000 milliards de dollars dans le système financier selon la société Capital Economics.
L’offre et la demande s’appliquent aussi à l’argent via son prix qui est le taux d’intérêt. Cette suroffre de liquidités a fait chuter les taux de toutes les monnaies principales, entraînant une baisse de la rémunération de l’épargne et une hausse des actifs réels comme l’immobilier ou les actions.
Il est donc normal qu’une partie de la population s’intéresse aux crypto-monnaies comme alternative aux monnaies traditionnelles.
Toutefois, il faut surtout souligner deux éléments favorables aux crypto-monnaies en 2017.
Le premier est la reconnaissance comme monnaie légale au Japon, 3ème économie mondiale, en avril. L’Australie a suivi le pas au mois de juillet et de nombreux pays travaillent à la clarification de leur cadre juridique vis-à-vis des crypto-monnaies.
Cet environnement légal favorable conjugué à une augmentation du volume de transactions amène l’institutionnalisation du Bitcoin, à savoir l’arrivée des investisseurs professionnels. En effet, les échanges journaliers en Bitcoin dépassent actuellement les 5 milliards de dollars, soit bien plus que les 700 millions du fonds phare sur l’or GLD.
Une liquidité adéquate est nécessaire aux investisseurs institutionnels, tout comme des possibilités de couverture. A ce sujet, la bourse des contrats à terme CME a annoncé fin octobre le lancement imminent de Futures en Bitcoin.
Le journal les Echos du 27 novembre indiquait que 90 fonds « crypto » s’étaient lancés en 2017 pour un total de 2.7 milliards de dollars.
Considérer l’explosion du cours du Bitcoin comme une bulle est donc un raccourci faisant abstraction de dynamiques bien plus profondes. Des corrections passagères peuvent survenir mais la tendance haussière à long terme demeure.
En réalité, la bulle est ailleurs.
Elle est représentée par la quantité d’ICOs (Initial Coin Offering) qui ont été lancées depuis 18 mois sur des modèles d’affaires douteux. Le marché ne s’y trompe pas. Les investisseurs sont majoritairement perdants contre Bitcoin et la tendance devrait s’accélérer avec l’arrivée des investisseurs professionnels.
Quid pour 2018 ?
Aujourd’hui, les monnaies digitales offrent des caractéristiques supérieures aux monnaies traditionnelles sur la rapidité des règlements et sur la perception de réserve de valeur.
La question est de savoir si une seule monnaie peut remplir ces deux fonctions.
Tandis qu’il est possible de recevoir en quelques minutes des Bitcoins des cinq continents, les coûts de transfert ont flambé. En effet, la croissance du nombre de transactions fait que les mineurs exigent des frais grandissants pour les inclure dans les blocs.
C’est dû à la limitation de la taille des blocs du Bitcoin à 1 Mégabyte de données et à l’intervalle de 10 minutes entre les blocs. Cet été, l’introduction de la technologie Segwit a certes permis l’augmentation des performances mais le Bitcoin a les avantages et les inconvénients d’être la première monnaie digitale : son réseau est le plus développé mais son algorithme est le plus ancien.
Son réseau et sa liquidité devraient néanmoins permettre au Bitcoin de garder son rôle de valeur étalon face aux autres monnaies digitales via l’arrivée des investisseurs professionnels.
Qu’en est-il des fonctions de paiement ?
L’architecture du Bitcoin fait que tout changement de l’algorithme doit obtenir le consensus des acteurs du réseau : utilisateurs, bourses d’échange, mineurs, nœuds, etc. C’est pourquoi le débat sur l’introduction de Segwit fut long et a entraîné une scission via le lancement de Bitcoin cash.
Bitcoin cash et ses grands blocks de 8 MB est une solution temporaire aux frais de transactions.
Toutefois, le futur est dans Segwit et dans la technologie subséquente Lightning Networks qui permettra de confirmer les transactions hors blockchain afin de traiter des centaines de millions de transactions par jour. Bitcoin cash n’a pas Segwit.
Bitcoin, Litecoin, Vertcoin, et Groestlcoin l’ont et leurs développeurs travaillent au lancement de Lightning. La phase de test et d’adoption prendra du temps, au minimum 18 mois, avec son lot d’incertitudes.
Durant ce laps de temps, les investisseurs devraient valoriser les monnaies au point technologiquement et qui résolvent la problématique actuelle des frais de transactions du Bitcoin.
Les monnaies ayant un usage précis comme Monero pour les transactions anonymes ou un réseau d’utilisateurs en hausse comme Mona coin au Japon devraient se démarquer.
Nous n’en sommes qu’au début de la révolution digitale mais le temps de la différenciation est déjà arrivé.
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