Bitcoin : valeur refuge du 21ème siècle ?
Depuis la création du Bitcoin en 2009, jamais autant d’éléments favorables n’ont été rassemblés pour en faire une valeur refuge.
Endettement mondial record
La politique de coupes fiscales voulue par Donald Trump aggrave le déficit budgétaire et la dette publique américaine. Cette dernière se monte à 21'100 milliards de dollars, en hausse de 600 milliards depuis janvier.
Des mesures protectionnistes ont été prises par les USA à l’encontre de ses principaux partenaires commerciaux : la Chine, l’Union Européenne, le Canada et le Mexique, qui ont frappé les marchandises américaines de tarifs douaniers en représailles.
Cette guerre commerciale rend soucieux Mario Draghi, le président de la Banque Centrale Européenne (BCE). Mi-juin, il annonce que les taux d’intérêt en Euro ne seront pas relevés avant 2019, du fait d’une inflation inférieure aux objectifs et du climat politique incertain.
L’Union Européenne a en effet de lourds dossiers à régler : La Grèce vient d’obtenir un échelonnement du remboursement de sa dette jusqu’en 2060. Cela devrait permettre à Athènes de réduire le fardeau de 180% à … 150% de son produit intérieur brut (PIB) en une quarantaine d’années.
Après 70 jours de marchandages politiques, Rome s’est dotée d’un gouvernement populiste qui entend obtenir davantage de Bruxelles. La dette publique italienne se monte à 133% du PIB, voire 160% si on inclut les 400 milliards dus par la Banque d’Italie à la BCE.
Faut-il rappeler que l’Italie est la troisième économie de l’UE et qu’un sauvetage serait bien plus douloureux que celui de la Grèce ?
160% ? C’est aussi une estimation de la dette des entreprises chinoises relative au PIB. Le fait que les banques locales soient toutes nationalisées permet certes d’éviter une crise bancaire et mais reporte in fine les pertes sur le budget national.
On constate donc que les principaux blocs économiques sont gravement endettés.
Qui paiera la note ? A la fin, il y a toujours un payeur.
Un Etat peut réduire sa dette de plusieurs façons :
- Par la croissance économique et davantage de rentrées fiscales
- Par l’austérité et davantage de coupes budgétaires
- Par une dévaluation de sa monnaie et une hausse de l’attractivité
- Par un défaut sur sa dette
On peut également ajouter la confiscation, récemment illustrée en Arabie Saoudite par la séquestration des familles fortunées devant s’acquitter d’un chèque pour recouvrer leur liberté.
Souvenons-nous aussi de la crise bancaire chypriote où les déposants ont dû passer à la caisse.
A l’heure actuelle, la dévaluation des monnaies se fait de façon cachée via les banques centrales. Tous les pays veulent une monnaie bon marché pour stimuler les exportations et relancer l’activité économique. Du coup, match nul.
Reste l’austérité, qu’aucun gouvernement ne veut promouvoir au risque de perdre les élections suivantes, et la croissance que tous recherchent mais que peu trouvent.
Faut-il par exemple se réjouir de la bonne santé de l’économie américaine lorsque le pays creuse chaque jour sa dette davantage ?
L’avenir nous le dira.
L’or digital
Dans ce contexte, les chances que le Bitcoin joue un rôle de valeur refuge à la manière de l’or vont grandissantes.
Comme brillamment décrit par Vijay Boyapati, https://medium.com/@gregguittard/un-sc%C3%A9nario-optimiste-pour-le-bitcoin-fdd8bc249e07, le Bitcoin a des qualités supérieures à l’or en termes de :
- Portabilité
- Divisibilité
- Traçabilité
- Résistance à la censure
D’ailleurs, l’Iran et la Russie ont récemment indiqué s’intéresser à l’utilisation de monnaie digitale pour leurs échanges commerciaux en remplacement du dollar.
Selon Boyapati, l’or est encore supérieur au Bitcoin en termes de durabilité et d’historique de confiance : une pièce d’or datant de 1000 ans a toujours de la valeur aujourd’hui.
Rappelons que la valeur de l’or en circulation se monte à 7000 milliards de dollars tandis que celle du Bitcoin est de 104 milliards.
L’échec des fourchettes
En 2017, plusieurs monnaies ont été lancées en s’inspirant de l’algorithme du Bitcoin (BTC), par une opération appelée fork (fourchette). La plus connue étant Bitcoin cash (BCH).
Malgré la propagande effrénée de ses supporteurs sur les réseaux sociaux, la Blockchain de BCH est soutenue par environ dix fois moins de puissance de calcul que celle du Bitcoin. Cette proportion se reflète également dans le différentiel de prix des deux monnaies.
Un réseau ne se crée pas du jour au lendemain. Le premier entrant a souvent un avantage décisif, surtout lorsque ses concurrents n’offrent aucune amélioration décisive.
Le Bitcoin n’a pas de concurrent sérieux, comme décrit par Jimmy Song (en anglais), https://medium.com/@jimmysong/why-bitcoin-is-different-e17b813fd947
Amélioration des performances
Fin 2017, le réseau Bitcoin était saturé devant l’explosion du nombre de transactions à traiter. La conséquence principale fut l’augmentation des frais de transactions : le comble pour une monnaie se voulant rapide et pas chère.
Dans l’univers crypto, il faut s’intéresser aux feuilles de route, roadmap, des développeurs de monnaies digitales. Le réseau Bitcoin travaillait depuis de nombreuses années au Réseau Eclair, Lightning Network, permettant de traiter davantage de transactions à moindre coût. Un explicatif détaillé est disponible ici, https://bitconseil.fr/bitcoin-lightning-network-histoire-fonctionnement/
C’est désormais une réalité et prouve que le réseau Bitcoin peut s’améliorer grâce au consensus des acteurs.
Institutionnalisation
En décembre dernier, le Bitcoin a été introduit aux marchés à terme (futures) de la Bourse de Chicago (CME). Cela permet aux professionnels de la finance d’investir dans la monnaie digitale tout en pouvant se protéger à la baisse.
Il s’agit d’une étape très importante dans le développement du Bitcoin. En effet, il rejoint le club des grands actifs financiers et peut ainsi attirer davantage d’investisseurs.
Une valeur refuge en chute libre ?
L’histoire du Bitcoin s’écrit chaque jour.
N’oublions pas qu’il s’agit d’une invention financière récente. La première dans son genre, à cheval entre monnaie et actif durable.
Et pour comprendre où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient.
Le mirage des ICO
La frénésie crypto de 2017 s’explique entre autres par les ICO (initial coin offering), soit les levées de capitaux en monnaie digitale qui ont attiré 5.5 milliards de dollars d’investissement l'an dernier.
Pour y participer, il faut posséder des Bitcoin ou Ether contre lesquels l’investisseur recevra des jetons (tokens) lié au projet financé, d’où la forte demande pour ces deux monnaies.
La tendance ne faiblit pas. Le 19 avril, le site spécialisé Coindesk annonçait que 4.6 milliards de dollars avait été levés depuis janvier, soit 84% du total de l’année précédente.
Pourtant, 46% des ICO de 2017 se sont déjà soldées par un échec selon cet article de février https://news.bitcoin.com/46-last-years-icos-failed-already/
Pour quelle raison les investisseurs plébiscitent-ils autant des placements aussi risqués ?
L’appât du gain !
En effet, certaines ICO se sont révélées extrêmement lucratives comme l’indique le site Icostat https://icostats.com/roi-since-ico
Les plus téméraires acceptent donc de perdre 90% de leur investissement si les 10% restants génèrent un rendement colossal !
La multiplication des ICO a plusieurs effets négatifs sur le Bitcoin :
- Augmentation du nombre de vendeurs : les promoteurs d’ICO ayant levé des Bitcoins vendent progressivement ces derniers pour financer le développement de leur projet ou, au pire, partir avec la caisse.
- Piège de liquidité : les jetons d’ICO ne sont pas vendables avant de longs mois durant lesquels les investisseurs rongent leur frein. Dès la mise en bourse, ces derniers se précipitent pour les revendre. Encore faut-il trouver un acheteur et les pertes peuvent être sévères. Si c’est le cas, l’investisseur préfère souvent reporter la vente et récupérer des liquidités via le peu de Bitcoin qu’il lui reste. C’est ce que l’on a constaté lors du crash de février.
- Crise de confiance : nombreux sont les investisseurs ayant perdu tout ou partie de leur mise initiale et associant à tort les ICO au Bitcoin. Les ICO sont possibles grâce au Bitcoin. L’inverse n’est pas vrai.
Les ICO permettent de parier sur divers aspects de la Blockchain mais les vecteurs de demande à long terme des jetons associés sont souvent manquants. Rappelons aussi que les investisseurs ont rarement leur mot à dire et signent donc un chèque en blanc.
Enfin, les ICO deviennent de plus en plus chères. En 2014, celle d’Ethereum avait levé 2.3 millions de dollars. EOS, son énième concurrent déclaré, vient de boucler la sienne avec 4 milliards !
L’exubérance ne semble pas avoir de limites mais elle aura tôt ou tard un coût.
Les cendres de Mt. Gox
Mr Nobuaki Kobayashi, surnommé la baleine de Tokyo, a également sa part de responsabilité dans la chute des cours.
Il s’agit du liquidateur de Mt. Gox, défunte plateforme d’échange japonaise délestée de 850’000 Bitcoins par des hackers en 2014. Mr Kobayahi est chargé de dédommager au mieux les victimes du piratage en vendant les 200’000 Bitcoins qui ont pu être recouvrés.
S’il a annoncé avoir déjà récupéré 400 millions de dollars, la valeur de son stock serait encore de 2 milliards selon une estimation du mois de mars !
Nul doute que de tels volumes de vente tirent les prix à la baisse, dans un marché où les acheteurs sont déjà distraits par les ICO.
Conclusion
2018 semble donc être une année de transition pour le Bitcoin. Le marché digère l’impact des ICO et de la liquidation de Mt. Gox.
Il faut s’attendre à un marché volatil tant que les spéculateurs prennent le pas sur les investisseurs voyant le Bitcoin comme une valeur refuge.
Pourtant, les fondamentaux n’ont jamais été aussi bons : la dette publique mondiale enfle, le Bitcoin est l’incontesté leader des monnaies digitales, ses performances techniques sont améliorées et son réseau est désormais ouvert aux investisseurs professionnels.
Le Bitcoin devrait donc séduire ceux voulant se protéger d’une éventuelle crise de la dette ou de gouvernements confiscatoires.
Barry Silbert, célèbre investisseur crypto qui avait annoncé le boom de 2013, a récemment tweeté que 2019 serait un excellent cru. Affaire à suivre !
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