BNP-Paribas : la banque d’un système qui ne change pas

BNP Paribas a confirmé, après un temps d’hésitation, avoir provisionné plus d’un milliard d’euros en 2009 pour être en mesure de payer les bonus à venir de ses traders. Après avoir refusé d’indiquer le montant total de bonus distribués, se repliant derrière le fait qu’il s’agirait d’une donnée non publique, la banque française a donc avoué. Et voilà les dirigeants bancaires pris la main dans le pot de miel.
BNP Paribas qui a reçu 5,1 milliards d’euros d’aide de l’État dans le cadre du plan français de soutien au secteur bancaire (21 milliards), présente au deuxième trimestre 2009 un bénéfice net de 1,6 milliard d’euros. Certes, ce résultat est en grande partie lié au rachat d’une partie de la banque belge Fortis mais, cette seule opération n’explique pas tout.
Choquant ce tour de passe-passe dans un paysage de désolation économique ? Côté banquiers, on évacue les critiques d’un haussement d’épaules en rappelant que les banques françaises, à la différence des autres pays, n’étaient pas confrontées à un problème de solvabilité mais seulement de liquidités.
En 2008, juste avant la crise, les trois premiers groupes bancaires de France affichaient de confortables profits : 3 milliards d’euros pour BNP Paribas, le sixième meilleur résultat au monde ; 2,4 milliards pour le Crédit agricole ; et 2 milliards pour la Société générale, en dépit de l’affaire Kerviel.
Le mauvais signal en terme de bonus envoyé par la BNP Paribas ne fait que répondre à celui émis depuis Wall Street. Outre-atlantique, on évoque une enveloppe record de 20 milliards de dollars provisionnée chez Goldman Sachs pour payer les bonus à venir. Ramené à quelque chose de très concret, c’est l’équivalent de la somme allouée par le G8 à la lutte contre la faim dans le monde.
De cette situation anachronique se dégage le sentiment dangereux de deux mondes qui cohabitent. D’un côté celui de l’argent facile qui coule à flots, gagné sans risque, de l’autre celui de l’argent besogneux gagné au prix de la sueur et des larmes. En tout état de cause, le retour des bonus atteste de l’incapacité du système financier à s’amender et pire, de l’incapacité des États sinon à le réformer, au moins à mettre en place des garde-fous.
Difficile pour la classe politique mondiale d’être encore crédible lorsque, comme Christine Lagarde, elle dénonce, le scandale des retours à de vieilles pratiques. Ce qu’un G20 a été incapable de faire, le suivant, celui de Pittsburg, fin septembre y arrivera-t-il mieux ?
Jacques Attali dans un article publié sur le site Slate.fr (Banques : le triomphe des coupables) résume bien la situation. L’ancien conseiller de François Mitterrand préconise de faire la révolution (!). Le président de PlaNet Finance rappelle qu’après 1929, des réglementations très strictes ont été imposées aux banques américaines, aujourd’hui, rien n’est imposé à personne.
Il est vrai que l’incompréhension de l’opinion publique mondiale est forte lorsqu’elle constate que si grâce à l’argent public les établissements financiers se sont allégrement “refaits”, dans le même temps, il est toujours aussi difficile pour les particuliers et entreprises d’accéder au crédit.
Drôle d’époque pour Michel Rocard dans Les Echos. “Nous sommes maintenant dans une très étrange période où gouvernements, banquiers et journalistes célèbrent la fin de crise parce que l’effondrement bancaire est arrêté. Mais rien d’autre n’est résolu et le chômage continue d’augmenter. Pire que cela, la profession bancaire profite de ce sauvetage sur fonds publics pour tenter de préserver tous ses privilèges, notamment des surrémunérations immorales et insensées. Pendant ce temps, l’activité peine à se stabiliser à un niveau inférieur de 5 % à 10 % selon les pays, à celui de 2007. S’agissant de la macroéconomie, il n’y a guère de sortie en vue.”
Cette arrogance de la finance pourrait bien, un jour, être facturée au prix fort. Celui au mieux d’une sur-taxation des bénéfices ou, au pire pour les concernés, d’une nationalisation.
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