Bulles financières et famines dans le monde...
Dans notre société actuelle, le prix d’une denrée alimentaire comme le blé n’est pas fixé : il fluctue en fonction de la quantité disponible (variation de l’offre) et des spéculations boursières effectuées sur la valeur commerciale de cette denrée. Ces fluctuations restent néanmoins, pour la grande majorité des cas, dans des limites acceptables pour les matières premières alimentaires. Cependant, il arrive que, par le biais de spéculations et autres manipulations boursières, le prix du bien soit jugé très « excessif » par rapport à la valeur réelle du bien (appelée « valeur financière intrinsèque ») : c’est ce que l’on appelle une « Bulle financière », ou « Bulle spéculative ». Ce terme de « bulle » explique, par métaphore, que cette rapide augmentation des prix sans raison valable est terriblement vulnérable car ces prix sont exposés à un risque de forte chute instantanée, à l’image d’une bulle qui s’élève et éclate.
Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001, expliquait qu’une « Bulle Spéculative » est un état de marché dans lequel « la seule raison pour laquelle le prix est élevé aujourd’hui est que les investisseurs pensent que le prix de vente sera encore plus élevé demain ». L’exemple le plus simple est la bulle spéculative immobilière de 2007-2008, dont la chute vertigineuse des prix s’est traduit par une régression profonde des économies mondiales : c’est ce que l’on a appelé la « Crise des Subprimes ».
Aujourd’hui, le rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation de l’ONU s’est alarmé de la hausse des prix des denrées alimentaires dans le monde, en diagnostiquant un « début de crise alimentaire similaire à celle qui frappa le monde en 2008 ». Les prix des denrées alimentaires avaient à l’époque atteint des valeurs largement excessives : les prix du pain et du lait avaient presque doublé, le prix du blé avait atteint une niveau record en février 2008 (plus de 10 Euros le boisseau (35,3 dm3)), le prix du riz avait atteint son niveau le plus élevé depuis 10 ans, à l’instar du Soja et du Maïs. Cette flambée des prix, et la pénurie de nourriture qui avait immédiatement suivi, avait provoqué des émeutes au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Haïti, en Egypte et dans bien d’autres pays : plus de 37 pays étaient menacés de famine dans le monde....
Or, la production de blé a atteint un record en 2008 : plus de 650 millions de tonnes de par le monde, une augmentation de 46 000 tonnes par rapport à 2007. De même, la production de riz a atteint des niveaux records dans la plupart des continents : + 3,6 % en Afrique, + 7,4 % en Amérique latine, plus de 661 Millions de tonnes de riz produit contre 583 Millions de tonnes en 2003. Paradoxalement, les prix ne cessèrent de grimper, malgré l’augmentation de la quantité disponible...
De nombreux économistes se penchèrent sur les raisons de cette flambée des prix, et découvrir que de nombreux acteurs non commerciaux (banques, assurances, fonds de pensions,etc...) avaient spéculé de manière excessive sur les denrées alimentaires, faisant ainsi augmenter de manière significative leurs bénéfices. Suite à la crise des Subprimes, ces fonds d’investissement avaient cherché à placer leurs liquidités là où les profits semblaient être les plus rapides à s’accumuler, sans penser aux conséquences désastreuses que pourraient engendrer cette brusque augmentation des prix sur les populations du monde.
La bulle spéculative de 2008 sur les denrées alimentaires n’est pas uniquement dûe aux spéculations boursières, mais celles ci ont largement contribué à catalyser cette flambée des prix. Aujourd’hui, nous sommes peut être à l’aube d’une nouvelle crise alimentaire mondiale : plus de 80 pays souffrent actuellement de déficit alimentaire, et de nombreux autres pays en développement touchent aujourd’hui à leurs dernières réserves (Corée du Nord, Mozambique, Afghanistan notamment). Or, lors de la campagne 2009-2010, la production mondiale de blé était de 660 millions de tonnes, soit près de 100 kg par habitant...
Les « Bulles spéculatives » sont des phénomènes boursiers ayant des conséquences dévastatrices pour les économies des pays du monde, et pour les populations. Il est grand temps que cette soif de profits soit combattue avec la plus grande fermeté. L’économie, à l’heure de la mondialisation, doit retrouver son objectif premier : la sustentation de tous, l’approvisionnement et l’assouvissement des besoins élementaires des individus.
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