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Burkina Faso : une tentative de microfinance sous tutelle française échoue lamentablement

par Michel J. Cuny et Issa Diakaridia Koné

Dans le Rapport qu’ils ont rédigé pour la Banque mondiale en 1996, Peter Fidler et Leila M. Webster croyaient pouvoir déclarer que la belle illustration d’une vraie microfinance que constituait, au Burkina Faso, Sahel Action PPPCR « semble s’être engagée sur la bonne voie ». Mais, dès 1999, c’était fini ! La catastrophe était déjà là !…

C’est ce que nous apprenons en lisant un document, daté du mois de septembre 2002, et fourni par Cerise, c’est-à-dire par le Comité d’Échanges, de Réflexion et d’Information sur les Systèmes d’Épargne-crédit. Il nous est donné sur le site prospera-microfinance.org (lu à la date du 13/05/2020) :
«  Le Projet de Promotion du Petit Crédit Rural du Burkina Faso a été mis en liquidation en 1999, après 11 années de développement. Initié en 1988, le PPPCR avait octroyé en 1996, plus de 30 000 crédits aux femmes et comptait, en 1998, 80 salariés. La crise et la liquidation du projet ont entraîné le licenciement des salariés et la fermeture d’un accès au crédit pour les femmes (dans certaines zones d’intervention du PPPCR, une offre de crédit alternative existait, mais pas dans toutes). » (page 33 du document papier) 

Que se sera-t-il passé ? S’il peut arriver qu’un projet qui aura suscité tant d’espoirs et qui sera devenu un exemple pour une institution aussi réputée que la Banque mondiale – qui aurait bien voulu en faire un véritable modèle – a pu s’effondrer après avoir atteint une sorte de gloire internationale, il sera sans doute salutaire pour l’ensemble des pays qui pourraient s’engager sur une semblable piste – finalement très dangereuse – de savoir où est l’erreur, s’il y en a une, qui aura conduit le Burkina Faso à être le théâtre d’un pareil désastre.

Avant même de chercher à savoir qui est « Cerise », nous allons donc regarder l’analyse qu’elle nous propose d’un échec qui ne peut qu’être au centre de ses préoccupations dans la mesure où elle existe précisément pour tracer la voie à la… microfinance. Qu’est-ce donc qui n’a pas fonctionné dans Sahel Action PPPCR ?

Cerise écrit :
« L’idée qui aboutit à la création du PPPCR est née entre 1986-1988, dans le cadre des travaux d’une équipe de recherche–développement INERA–CIRAD, portant sur la gestion de terroir des zones sahéliennes. Pendant les décennies 70 et 80, ces zones ont connu des sécheresses successives sévères qui ont conduit à la destruction de la plus grande partie des troupeaux, et à une modification profonde des équilibres sociaux et économiques traditionnels. » (Idem, page 33)

INERA–CIRAD… Qu’est-ce donc ? Selon le site cirad.fr lui-même, le CIRAD est un « organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes. » 

Pour le « développement durable » du PPCR, il repassera… Et pourtant, c’est bien lui qui en aura eu l’initiative… Pour quoi en faire ?…

Il paraît qu’il était associé à l’INERA… De quoi s’agit-il ? Si nous voulons le savoir, il faut revenir en France sur le site de l’Institut de Recherche pour le Développement (ird.fr) pour l’apprendre :
« L’INERA est un des quatre instituts de recherche du Centre National de la Recherche Scientifique et technologique (CNRST). C’est une structure publique spécialisée et officiellement mandatée pour assurer la formulation, l’exécution et la coordination des recherches environnementales et agricoles au Burkina. » (lu à la date du 13/05/2020) 

De fait, il s’agit d’un organisme qui dépend des autorités du Burkina-Faso, c’est-à-dire de l’État burkinabé lui-même… Il appartient d’ailleurs à une structure plus générale, le Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNTRS), ce qui montre bien que nous sommes en présence d’un secteur public de recherche… qui s’est sans doute constitué contre vents et marées. Serait-ce encore une trace de ce socialisme que les Occidentaux détestent tellement voir persister en Afrique subsaharienne ? En tout cas, selon le site lefaso.net (lu à la date du 13/05/2020) :
« Le CNRST, c’est quatre instituts que sont l’INERA, spécialisé en recherche agricole et environnementale ; l’IRSS spécialisé en recherche en santé publique et recherche sur les médicaments à base de plantes ; l’IRSAT spécialisé en recherches en énergie, technologie alimentaire, substances naturelles, mécanisation agricole et transformation des produits ; et l’INSS, spécialisé en recherche dans les domaines de l’éducation, sociologie, anthropologie, socio-économie, etc. » 

Faudrait-il penser qu’unis dans la mise en œuvre du Projet de Promotion du Petit Crédit Rural (PPPCR) du Burkina Faso, l’INERA burkinabé et le CIRAD français doivent partager l’échec qui sera venu le sanctionner ?

En tout cas, selon Cerise… à la suite de la sécheresse qui avait décimé le bétail… et qui avait ruiné le « capital »…
« Les résultats de la recherche montraient que dans ce contexte de grande pauvreté et de décapitalisation, les populations, et particulièrement les nouveaux acteurs économiques dont la déstructuration des sociétés locales favorisait l’émergence (femmes et jeunes), développaient des stratégies de recapitalisation assez largement fondées sur la diversification vers des activités non agricoles, et que l’une des contraintes majeures de leur développement n’était pas tant technique que financière, par manque d’accès au capital. » (Idem, page 33)

Autrement dit, la crise d’origine climatique avait aidé à la destruction des familles burkinabés… et surtout à l’abaissement des hommes d’âges mûrs… ce qui était une bonne occasion (cela la « favorisait ») pour « l’émergence » des femmes et des jeunes, qu’il allait falloir lancer dans la grande bagarre de l’accumulation (si possible) d’un… capital-argent. Mais où donc trouver la garantie des premières sommes… Du côté du cheptel ? Apparemment, il ne fallait plus y compter… De même qu’on devrait renoncer à l’agriculture en général… La crise était donc devenue financière… C’est-à-dire qu’il faudrait mériter la « confiance » de détenteurs de capitaux, et en obtenir du crédit… Et ceci -puisqu’il s’agirait de petits crédits – grâce à la microfinance… Mais où et à quel prix ?

L’objectif était de briser les réseaux de solidarité de caractère familial, réseaux constitués essentiellement à partir des activités agricoles de culture et d’élevage, et d’obtenir de contrôler l’activité économique non-agricole à partir d’un endettement de départ très accrocheur… Voici comment Cerise nous raconte la suite :
« Les premiers crédits ont été expérimentés dans un village avec des fonds du CIRAD, puis assez rapidement, l’expérience a intéressé un bailleur de fonds, la CFD qui a mobilisé des financements pour la phase expérimentale (1988-1990). La période expérimentale a permis de développer les grandes lignes du « modèle » PPPCR. Elle a été marquée par la recherche d’une forte proximité avec les populations, qui ont largement participé à l’élaboration des procédures de crédit. » (page 34)

Disons tout de suite que la CFD est bien française. Il s’agit plus précisément de la Caisse Française de Développement par laquelle nous aurons le plaisir de faire un petit détour…

Mais ce qu’il faut tout d’abord remarquer dans le texte que vient de nous fournir Cerise (c’est-à-dire le Comité d’Échanges, de Réflexion et d’Information sur les Systèmes d’Épargne-crédit), c’est que – dans un premier temps – la manœuvre a consisté dans le fait d’associer la population à ce que l’on semblait vouloir faire pour elle… « On va vous aider… Aidez-nous à vous aider… »

Il faudra s’en souvenir…

NB. La suite immédiate est accessible ici :
https://remembermodibokeita.wordpress.com/2020/05/21/pour-quelles-raisons-les-femmes-des-pays-les-plus-pauvres-sont-elles-visees-par-la-microfinance/


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3 réactions à cet article    


  • Français du futur Français du futur 13 août 2020 22:56

    Cette haine de la France qui revient sans cesse avec vous.

    J’espère que vous avez mis vos idées en pratique et que vous avez quitté ce pays que vous détestez tant pour vivre en Afrique.


    • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 14 août 2020 09:05

      @Français du futur
      Et vous... Qu’avez-vous donc fait ?...
      http://www.cunypetitdemange.sitew.com/


    • zygzornifle zygzornifle 14 août 2020 08:07

      une tentative de microfinance sous tutelle française échoue lamentablement

      C’est Cahuzac qui s’en occupait ?

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