C’est déjà arrivé !!!
Le progrès est éternel, de tout temps, l'homme n'a cessé de progresser. Les civilisations ne disparaissant que pour donner naissance à d'autres. C'est ce qu'on nous apprends à l'école. Si l'accumulation des connaissances et savoir faire est indéniable, il n'est pas dit qu'il n'y ai pas eu quelques "loupés" en cours de route. Loupés qui peuvent durer plus ou moins longtemps, le temps qu'on trouve une solution de remplacement.
Le déclin annoncé serait-il une première historique ?
J'ai déjà abondamment parlé du pic pétrolier, et de l'absence de solution immédiate. Notre système s'essouffle et la crise économique n'est pas un hasard. 1979 est un tournant, c'est le pic mondial de production du pétrole conventionnel onshore (sur terre), vous le constaterez dans les commentaires économiques, comme par hasard, tout le monde dit "les dérives ont commencées il y a 30 ans", qu'on parle de corruption, de déficit public, de dette, de bulles, et de tout ce que vous voudrez comme problèmes. Le pétrole abondant en croissance exponentielle c'était pour les 30 glorieuses.Depuis nous avons eu les 30 piteuses, et maintenant nous entamons les 30 calamiteuses.
Depuis 1979 on remplace le pétrole "pas cher, de bonne qualité et facile d'accès", par du pétrole difficile à exploiter, de moins bonne qualité, pour lequel on détruit la nature massivement(je n'exagère pas). Pour l'instant la production augmente encore. Cependant, nous avons déjà passé plusieurs pics : le pic halieutique (du poisson), le pic uranium, le pic calorifique du charbon, le pic du pétrole conventionnel (en 2005, comme par hasard, juste avant la crise des subprimes), le pic santé, etc... J'ai expliqué que nous avons même passé le pic électrique. C'est la loi des rendements décroissants bien connue en économie.
Alors la question naturelle qui se pose : est-ce que c'est déjà arrivé ? est-ce que le développement de la civilisation a déjà butté sur un problème insurmontable ? Quand je dis insurmontable, je parle de le surmonter suffisamment rapidement pour qu'il n'y ai pas trop de morts, car bien sûr, un jour ou l'autre quelqu'un trouvera une solution.
C'est déjà arrivé ! oui oui
Et la réponse est certainement oui. Il y a quelques cas plus ou moins connus, mais relativement anecdotiques :
- la disparition mystérieuse des mayas. L'effondrement de surexploitation est une hypothèse, mais sans certitude.
- L'île de Pâques, semble elle aussi avoir connu des déboires. Mais ce n'est qu'une petite île.
- L'île de Nauru pourrait préfigurer ce qui nous attend : surexploitation, effondrement, maladies
Mais il y a un cas, Européen, qui montre que le progrès n'a pas toujours été une croissance infinie. Bien au contraire. La fin du Moyen Age a été un long tunnel noir de régression/stagnation pendant plus d'un siècle (4 ou 5 générations) avant qu'une solution ne soit trouvée suite à une crise de surexploitation. Nous pourrions connaître exactement la même chose avec la fin du pétrole.
La crise démarre en 1314. Sur la courbe de population, on ne voit qu'un petit "bump" :
Pourtant d'un point de vue humain, cela a été bien plus terrible qu'il n'y paraît. En 1314 meurt le dernier des capétiens directs et commence la "grande crise" de la fin du Moyen Age qui voit mise en place d'un état "moderne" en 1498.
Tout démarre par une crise de surexploitation, probablement aggravée par le mini age glaciaire (en 1275) déclenché par une série d'explosions volcaniques. La biomasse a connu un pic, comme le pétrole en connaît un aujourd'hui :
At the end of the 13th century, Europe’s forest coverage, as historic data sources show and isotopic analyses of sediments confirm, was as low as approximately 10% of its total land mass. Today, 38% of the EU countries’ surface is covered with forests, up from 25% only 50 years ago. At the same time, today’s population in the EU-27 countries stands at close to 500 million, whereas at the peak in medieval times (between the years 1300 and 1350), Europe was inhabited by 70-100 million people.
Back then, the continent was reaching its biophysical limits for supporting humans in a biomass-based economy, and after the last marginal spots of land were put to use for farming, there was little that could provide any more sources for food, fire and construction wood for a thriving and quickly growing society. The discovery of fossil fuels and the New World were still things of the future. A few poor harvests led to famines in the 14th century all across Europe, and when an already undernourished and thus weakened population was exposed to the black plague, Europe’s population shrank by 35-50% (depending on sources) within less than a century. Things only improved once untapped resources in America were discovered, and new trade routes opened. So clearly, back then, there wasn’t enough sustainably growing biomass for a fraction of the people living today.
La crise de fin du moyen age était une crise technologique similaire à la notre, suite à développement de la forge et de nouvelles techniques d'exploitation de la terre (la charrue) qui avaient permis une augmentation rapide de la production agricole, et donc de la démographie :
Ma première réaction : la démographie. Il faut avoir en tête la courbe du Moyen-âge. Entre 1100 et 1300, la population européenne triple, jusqu’à 40 habitants au km2, grâce à d’importants progrès techniques : les socs de charrue en fer, la sélection des semences, les premières proto-usines utilisant l’énergie hydraulique (moulins), etc. Le gouvernail arrière arrive de Chine – on le voit la première fois en 1242 dans les villes de la Ligue hanséatique, mais c’est le Portufais Henri le Navigateur qui va généraliser son usage sur les Caravelles, depuis l’Algarve, d’où sortiront Vasco de Gama, Christophe Colomb et compagnie – dans l’idée de la traversée transatlantique. Jean Guimpel décrit tout ça fort bien dans « La révolution industrielle au Moyen-âge » (Seuil, 2002). Donc explosion démographique et grande prospérité… ce qui est notamment du aussi au fait que la classe dirigeante était partie aux croisades ! Privés du bras séculier qui obligeait les impôts à rentrer, les monastères avaient dû se tourner vers la technologie pour ne pas dépérir. Stimulant les copistes, ils s’étaient mis à échanger leurs expériences, notamment sur la sélection des semences. D’où une augmentation de la productivité et, en dépit des Capitulaires de l’an 900 qui interdisaient le marché, un début de grenouillage monétaire… avec de « petites pièces d’argent noir », comme dit très bien Georges Duby. Et donc, l’activité économique s’est développée et la population a triplé en deux siècles. Si bien que, vers 1300, on a l’impression d’être dans un monde plein, Pierre Chaunu le dit assez bien : la technologie de l’époque donne le maximum de ce qu’elle peut donner, elle ne peut pas nourrir plus de 40 habitants au km2. En 1316, après un aléa climatique, arrivent les premières famines. Et en 1348, la grande peste tombe sur une population déjà affaiblie. Ce fléau sera récurrent jusqu’en 1475. C’est le grand déclin et la population va être divisée par deux. Ce qu’on appelle la Renaissance, c’est la sortie du tunnel, la fin du grand déclin de la fin du Moyen Age ! Or, nous ne sommes pas du tout dans ce profil démographique aujourd’hui, puisque, depuis 1900, la population a été multipliée par six ! On est en haut de la courbe. Par ailleurs, pourquoi la Renaissance a-t-elle été possible aux XV°-XVI° siècles ? Parce que le rapport entre ressources naturelles et population avait été rééquilibré. Les forêts avaient repoussé – par jachère obligée. Et on avait conservé le know how des techniques du XII° siècle. Les techniques que les fameux ingénieurs de la Renaissance, Brunelleschi, Valturio, Francesco di Giorgio Martini ou Léonard de Vinci, vont mettre en forme sont celles du XII°.
Les famines qui s'en suivirent ont débouché sur la Peste noire (1347-1352, 35 a 50% de la population en moins) et sur une guerre célèbre : la Guerre de Cent Ans qui couvre une période de 116 ans (1337 à 1453). Peu importe les raisons ou les justifications que se sont données les hommes à l'époque ou celles des historiens, je pense que c'était avant tout dû au fait qu'il n'y en avait plus assez pour tout le monde, tout simplement. Les guerres n'étant finalement qu'un moyen de régulation, avec les pandémies.
La crise de surexploitation a été précédée par une crise financière, qui ressemble beaucoup à la notre. Les banques qui spéculent et s'en mettent plein les poches et sont accusées de tous les malheurs. Mais s'il n'y a plus de quoi nourrir tout le monde, les banques ont bon dos même s'il est vrai que les inégalités exacerbent les choses. Tout comme aujourd'hui en fait. Si les ressources étaient mieux réparties, il y aurait moins de misère et de révoltes. Cependant, ça ne changerait pas la donne au final. La crise s'est finalement arrêtée avec le développement de nouveau savoirs et techniques qui ont permis de découvrir un nouveau continent à exploiter :
- 1456 première bible de Guttemberg
- 1492 Christophe Colomb découvre l’Amérique, 1434 la caravelle permet de nouvelles explorations, et l'introduction de la patate en europe
Et depuis ce temps, nous profitons d'un progrès quasi-ininterrompu (même les guerres mondiales passent quasi inaperçue sur les courbes démographiques) : le charbon (train) puis le pétrole (voiture).
Quel rapport avec aujourd'hui ?
Alors ou en sommes nous aujourd'hui ? La population n'a pas commencé a décliner. Mais pourtant son taux de croissance lui décline fortement déjà :
Ça c'est en valeur absolue, et valeur relative (en pourcentage de l'année précédente) ça nous donne :
Mais, tel que, ça pourrait simplement vouloir dire que la population mondiale se stabilise et pas du tout qu'elle est au bord du gouffre. Et bien il n'en est rien : la production de céréale par personne diminue depuis 1985 :
On pourrait croire qu'on à de la marge, et que revenir aux années 1960 ne serait pas mortel, mais les sols sont épuisés comme nous l'explique Claude Bourguignon :
[youtube=http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=CGZtf_Srkqo# !]
Ce qui est confirmé par le pic de production de phosphore qui plus est :
Plutôt que d'utiliser intelligemment la nature nous nous substituons à elle, un peu comme pour les abeilles qui disparaissent, nous polenisons à leur place maintenant. Mais cela coûte cher. De plus en plus cher.Et nous sommes à la limite. Le retour de manivelle risque d'être très violent, car nous avons abîmé beaucoup de choses et compensé grâce au pétrole. Pétrole qui vient à manquer. D'ici 10 ou 20 ans la situation risque d'être beaucoup plus grave qu'un simple retour en arrière ...
Tout ceci vous montre que les émeutes de la faim de 2007-2008 ne sont pas du tout un accident, un hasard, mais bien au contraire, des signes annonciateurs. De même que les révolutions arabes. Les Arabes ont supporté leurs dictateurs tant qu'ils avaient du travail et à manger. Mais la hausse du prix du pétrole et les biocarburants ont changé la donne.
Vous l'avez compris, ce n'est que le début. La guerre mondiale qui se profile avec l'Iran, risque d'être une longue guerre de contrôle des ressources. Les pandémies n'ont pas encore commencé, mais l'OMS les craint et ce n'est pas pour rien. Quand les gens sont mal nourris, les corps résistent moins bien aux agressions et les épidémies peuvent se répandre. D'ailleurs la ré-apparition de la tuberculose en région parisienne n'est qu'un signe de plus.
A ce stade vous vous classez soit parmi les optimistes qui se disent "le génie humain trouvera une solution", et vous pensez à la pile à hydrogène, aux algues bleues ou autres reportages que vous avez vu sur TF1 pour vous endormir, soit vous êtes pessimiste, les animaux disparaissent, on est foutu, etc...
Et toutes les inventions qui n'attendent que leur tour alors ?
Je vais essayer d'ouvrir un peu les perspectives. Il y a des solutions à la crise énergétique. Pour simplifier je les classerais en 2 grand types :
- les énergies centralisées : les centrales au thorium, les algues bleues, ITER, l’hydrogène
- les décentralisées : les nano-énergies, les virus producteurs d'électricité, etc...
Dans le premier cas, les recherches se heurtent à des difficultés de coût et de scalabilité et de faisabilité. Aucune solution n'est envisageable à grande échelle dans l'immédiat, comme je l'ai montré ici plusieurs fois. Par exemple, les voitures électriques utilisent des "terres rares" pour les batteries hautes performances, et comme leur nom l'indique, les terres rares sont ... rares. Tout le monde ne pourra pas rouler en électrique, loin s'en faut ! Ou bien, les recherches aboutirons peut-être dans 50 ou 100 ans ... (ou peut-être on trouvera un moyen d'exploiter la Lune ?) quand il sera trop tard, d'ici là les crédits recherches n'existeront plus (ils ont déjà commencé à diminuer). Le peu de ressource qu'il restera seront gardées pour la survie. Entre temps on sera retourné dans un "âge des ténèbres", avec 20 ou 50% de population en moins.
Dans le 2ème cas, la difficultés majeure réside dans le modèle commercial (inventing is the easy part). La plupart des solutions qui existent, une fois mises sur le marché, ne sont pas "contrôlables". Le virus qui produit de l'électricité, il est très facile de le reproduire dans une éprouvette et d'en donner "un peu" au voisin qui aura lui même son propre producteur d'énergie sans acheter quoi que ce soit. Aucun industriel ne voudra vraiment investir la dedans, car il ne pourra en tirer aucun profit. Du coup, ce sont les universitaires et quelques fondus (geeks) de science qui s'occuperont de ceci de celà , sans vraiment avoir de crédits. Je garde un oeil sur ces inventeurs fous, mais il ne faut pas se faire d'illusions.
Donc les solutions sont à notre portée, mais je crains, très sérieusement, qu'elles ne verront pas le jour avant l'effondrement (quelque soit la forme qu'il prenne)... peut-être après si nous avons de la chance et que nous avons su préserver les bons savoirs ...
Je crains fort que l'épisode 1314 ne soit déjà en train de se renouveler.
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