Ce que la filière musicale dit tout bas sur le P2P...
La co-optation des utilisateurs de logiciels de pair à pair est plus profitable pour l’industrie du divertissement que la « mise au banc des accusés ». L’analyse des échanges de fichiers musicaux ou vidéos donne de précieux renseignements marketing, à moindre coût. En plaçant donc le consommateur au centre de la création de valeur, les activités de pair à pair deviennent instrumentalisables à des fins d’étude de marché.
Nielsen Entertainment a montré l’exemple. La fameuse agence d’études de marché a signé, au printemps 2005, un accord avec Big Champagne, société spécialisée dans l’observation des téléchargements sur les réseaux P2P. Avec les statistiques des téléchargements sur les réseaux, les clients des analyses de Nielsen Entertainment, maisons de disque, radios, studios ou tourneurs, accèdent ainsi à un indicateur de demande quasiment en temps réel. Eric Garland, PDG de Big Champagne, affirme ainsi que :
« Parfois, un morceau ayant peu de passages à la radio - par exemple Radiohead, Wilco, ou bien la bande originale du film ‘O’Brother’ - se révèlent être des hits surprises dans les bacs. Comment l’expliquer ? Ces « surprises » sont en partie la conséquence d’un manque de visibilité sur la relation entre le contenu musical et les consommateurs »
Rob Gordon, en charge du marketing de la maison de disque Capitol Record, affirme à ce sujet que :
« Les études de Big Champagne nous ont donné une visibilité sur les goûts de nos clients à laquelle, traditionnellement, notre industrie n’a pas accès. »
Et Marc Geiger, vice-président d’ARTISTdirect, de rajouter que, grâce à ces études tirées du P2P :
« Nous avons avancé les dates de sorties de certains albums (...) et nous avons utilisé les chiffres [de téléchargement] pour déterminer le nombre de personnes manifestant de l’intérêt pour un groupe, ce qui peut être utilisé pour ajuster le nombre d’albums pressés en premier lieu. »
En outre, le téléchargement étant gratuit sur les réseaux de pair à pair, on obtient de véritables propensions à consommer, au dehors de la question du prix et de la disponibilité du produit. Dans un secteur où il est difficile de prédire le succès d’une œuvre culturelle, cette visibilité vaut de l’or. A titre anecdoctique, je me souviens avoir lu, quelques jours avant la sortie du blockbuster de l’été 2005, La guerre des Mondes[1], un critique expliquant que l’affluence dans les salles le 6 juillet dépendrait sans doute du beau temps !
Afin de pallier ce manque de visibilité, Bruno Heese, quand il dirigeait Peoplesound, avait, quant à lui, monté un système de pré-écoute gratuite, permettant de collecter des informations socio-démographiques sur le public potentiel. Il expliquait ainsi que :
« Nous avons montré à l’un des dirigeants d’une des grandes maisons de disques des informations géographiques intéressantes, faisant apparaître que les personnes les plus sensibles à la musique de son artiste habitaient toutes dans certaines régions. La maison de disque, en conséquence, décida d’augmenter ses investissements marketing dans ces régions ».[2]
[1] de Steven Spielberg
[2] Ces quatre citations sont toutes tirées de l’article de Music week - “Can Labels really learn from the downloaders ?”, par Toby Lewis, disponible ici : http://dwsco.com/mediacoverage/us_20020622.html
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