Cette « main invisible » qui paralyse nos Banquiers
Les établissements financiers rechignent aujourd’hui à s’engager dans de nouvelles opérations de crédit en faveur des débiteurs les plus solvables, les banques refusant même de se prêter entre elles en dépit des injections de liquidités souvent massives prodiguées par les Etats.
Cette aversion au risque, - incompréhensible et même scandaleuse émanant d’établissements qui se retrouvent dans une telle posture du fait même de risques inconsidérés contractés jusque dans un passé récent - provient en fait des actifs "toxiques " détenus par ces mêmes établissements, actifs qu’il leur est impossible de valoriser aujourd’hui ! Dans ces conditions, quelle Banque engagerait-elle des crédits vis-à-vis d’une de ses consoeurs qui n’est pas en état de quantifier l’état de ses pertes ou - tout au moins - de son passif ? Le marché interbancaire du crédit, c’est-à-dire les prêts entre banques elles-mêmes, n’est donc pas près de ressusciter dès lors qu’un certain nombre d’intervenants ne peut qu’estimer très aléatoirement la valorisation - et le degré de toxicité - des papiers-valeurs détenus et ce malgré les diverses rallonges, garanties et crédits consentis par les Etats !
Ainsi, et en dépit de certains consommateurs qui parviennent toujours à bénéficier de certains prêts, l’économie ne saurait redémarrer sans une reprise franche et généreuse du marché du crédit même si un certain pourcentage de ces futurs débiteurs feront fatalement défaut...La paralysie du marché du crédit force donc nos économies à une impasse qui suscite la mise en accusation par nos Gouvernants d’établissements ayant reçu des fonds publics qu’ils ne parviennent pas à mettre à profit en engageant de nouveaux prêts. Car les établissements financiers sinistrés - c’est-à-dire la quasi totalité des établissements du monde dit développé - préfèrent se cramponner aux actifs encore tangibles et réels dont ils disposent encore plutôt que de les mettre à disposition des autres banques ou des entreprises sollicitant un crédit.
Pire encore : cette aversion au risque n’est en rien amoindrie ou modérée par les aides massives des Etats car ces fonds sont au contraire placés par les banques qui en bénéficient dans des actifs insubmersibles, comme les Bons du Trésor, en lieu et place d’être prêtés aux acteurs de l’économie réelle...Cette situation devenant totalement bloquée dès lors que les banques d’un pays sont sollicitées par un établissement d’un pays étranger tant il est vrai, s’il est déjà très difficile de quantifier les engagements d’un établissement situé dans le même pays, il est impossible de jauger les pertes d’un établissement étranger !
Dans son ouvrage " La richesse des Nations ", Adam Smith (1723-1790 ) décrivait une situation similaire où les marchands Anglais et Ecossais préféraient dans leur grande majorité s’abstenir de s’engager dans d’incertaines opérations vis-à-vis des colonies d’Amérique jugées trop à risques et ce en dépit des rendements nettement plus intéressants que leurs opérations locales. Ces marchands privilégiaient donc les opérations moins profitables mais plus sûres, à l’image des établissements financiers qui aujourd’hui investissent dans des obligations d’Etat au rendement insignifiant plutôt que de s’engager dans de nouveaux crédits autrement plus rémunérateurs mais comportant toutefois un certain degré de risques.
Pour autant, la méfiance compréhensible de ces marchands eut pour conséquence des investissements locaux qui bénéficièrent directement au pays avec, à la clé, enrichissement national et plus d’emplois. Selon la métaphore fameuse formulée à l’époque par Smith, c’était " la main invisible " ( à savoir Dieu ou la Providence ) qui poussait ces marchands à investir dans l’économie nationale. De nos jours, nos analystes évoqueraient plus prosaïquement la théorie des marchés - en l’occurrence l’aversion au risque - en lieu et place de la qualification mystique de Smith pour expliquer la crainte de ces commerçants à placer leurs avoirs dans des contrées lointaines.
De même, nulle main invisible à l’oeuvre auprès de nos actuels banquiers : Le changement de personnel - même au plus haut niveau - n’infléchirait du reste pas cette frilosité car remplacer un PDG ou un conseil d’administration ne supprimerait pas les actifs pourris ! Suspicion, méfiance et peur sont ainsi des compagnes dont nos banquiers ne sont pas près de se débarrasser et ce en dépit de la générosité du contribuable !
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