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Chine : vers une ouverture du système juridique

Depuis le début des années 1990, à travers les négociations du GATT, de l’OMC et sous la pression notamment des sanctions commerciales américaines, la Chine a apporté des modifications radicales de son droit et a renforcé la protection des droits de propriété intellectuelle. Plusieurs administrations sont habilitées à intervenir dans ce domaine : les autorités douanières, les bureaux d’administration de l’industrie et du commerce, la Sécurité publique, pour n’en citer que quelques-unes.

Les autorités douanières sont chargées du contrôle aux frontières des marchandises pour l’import et l’export et de la saisie des produits contrefaits ou piratés. Ces autorités agissent d’office ou à la demande des titulaires des droits après qu’ils aient apporté les preuves de la contrefaçon ou du piratage de leurs produits. De plus, afin de prévenir les abus d’utilisation de cette voie administrative, les titulaires de ces droits sont amenés à verser des cautions.

Par ailleurs, à l’intérieur du territoire chinois, plusieurs autorités administratives peuvent intervenir d’office ou à la demande des titulaires des droits. Il s’agit des bureaux d’administration de l’industrie et du commerce, présents à tous les niveaux, national et régional, qui mènent des actions individuelles ou collectives. Là aussi les preuves de contrefaçon ou de piratage doivent être apportées lors d’une demande d’intervention. Ces bureaux peuvent saisir les produits contrefaits ou piratés, infliger des amendes, mais aussi décider du montant des dommages et intérêts qui seront versés aux titulaires des droits de propriété intellectuelle. Leurs décisions sont de nature administrative et sous contrôle judiciaire.

Un point peu connu est la mise en œuvre de la coopération entre les bureaux administratifs et les entreprises titulaires des droits pour l’accomplissement des actions de protection des droits de propriété intellectuelle. Non seulement la preuve de la violation des droits doit être apportée mais il faut aussi veiller à donner des moyens matériels à ces services qui en ont très peu, voire parfois aucun. Il ne s’agit pas de corruption mais d’apporter des soutiens directement liés à l’accomplissement des actions, comme fournir ponctuellement des véhicules pour les opérations. Les bureaux de l’administration de l’industrie et du commerce ont d’autres champs d’intervention que la protection de la propriété intellectuelle et leur budget ne leur permet pas de mener de telles actions à la fréquence voulue. C’est pour cela que des efforts de soutiens techniques, juridiques et financiers ont été faits au niveau gouvernemental entre les pays développés et les pays en développement conformément aux dispositions de l’accord de l’OMC en matière de propriété intellectuelle (Accord ADPIC). Par ailleurs, quand les actions contre la contrefaçon ou le piratage se déroulent sur une grande échelle et qu’elles peuvent être qualifiées de crime, les titulaires des droits peuvent faire intervenir en même temps la police qui, elle, mènera les enquêtes. Ensuite, le procureur se chargera de poursuivre les criminels devant le juge. Il faut souligner l’efficacité, le dynamisme et la simplicité procédurale des administrations chinoises, qui malheureusement ont encore peu de moyens. En effet, en l’état actuel du pays, le gouvernement chinois ne peut financer toutes les actions de protection des droits de propriété intellectuelle.

La voie judiciaire de plus en plus fiable.

Bien que l’accord de l’OMC en matière de propriété intellectuelle (Accord ADPIC) n’exige pas un régime spécial pour la protection des droits de propriété intellectuelle et que le droit de la propriété intellectuelle soit un droit étranger à la société chinoise, la Chine a établi des tribunaux spéciaux pour les affaires de propriété intellectuelle dans les capitales de province et dans certaines villes importantes sur le plan économique. Par ailleurs, ces tribunaux spéciaux sont du niveau des cours d’appel, ce qui souligne l’importance donnée aux affaires de la protection des droits de propriété intellectuelle, et sont constitués de juges experts dans ce domaine. Il faut également souligner que les juges chinois sont de plus en plus compétents parce qu’ils sont, pour la plupart à ce niveau, titulaires de diplômes universitaires en droit et doivent de plus passer le concours national de qualification.

Selon le rapport annuel de la Cour populaire suprême, les affaires judiciaires traitées sont en hausse. Entre janvier 2000 et novembre 2004, les départements judiciaires chinois ont réglé 1 710 cas concernant les violations de droits de propriété intellectuelle soit une hausse de 56,42%. Ces quatre dernières années, les parquets à tous les niveaux ont de leur côté approuvé 2 462 arrestations dans 1 539 cas de violations de la propriété intellectuelle et ont poursuivi en justice 2 491 personnes impliquées dans 1 500 cas, selon cette même source.

La voie politique

Si nous sommes plutôt familiers avec les démarches judiciaire et administrative, nous le sommes moins avec la voie politique qui pourtant doit retenir notre attention. En Chine, la volonté politique et le soutien du gouvernement, national ou local, jouent un rôle important dans tous les domaines, a fortiori dans les affaires de protection des droits de propriété intellectuelle. Le climat politique actuel en Chine est favorable à l’ouverture pour permettre le développement économique du pays et aux investissements étrangers. Les autorités nationales et locales sont prêtes à donner tout leur soutien pour permettre l’installation d’entreprises à capitaux étrangers et l’exportation de leurs produits. Ce soutien politique facilite non seulement les procédures administratives mais aussi la protection des droits de ces entreprises à capitaux étrangers, y compris les droits de propriété intellectuelle.

Ainsi, les entreprises étrangères se trouvent-elles dans une situation plus favorable que les entreprises chinoises car les autorités tiennent à faire savoir que la propriété intellectuelle est respectée pour attirer les entrepreneurs étrangers. Ce contact peut s’effectuer de façon individuelle dans une affaire particulière ou dans une action collective d’entreprises étrangères pour influencer positivement le déroulement des actions. Dans ce sens, l’Association des entreprises à capitaux étrangers de Chine créa une commission de protection des grandes marques (CPM) et regroupe plusieurs grandes sociétés transnationales dont les investissements en Chine dépassent 19 milliards de dollars US, telles que Unilever, Kodak, Nike. Eli Lilly, JT International, General Motor, 3Com, Syanyo et Oakley, pour n’en citer que quelques-unes. Cette association remet chaque année des prix afin d’encourager les efforts d’application des lois sur la protection de la propriété intellectuelle, tel que le prix de la Contribution spéciale à la protection de la propriété intellectuelle, en choisissant parmi 22 institutions dont le bureau d’enquête sur les délits économiques relevant du ministère de la Sécurité publique de Chine, le bureau de la propriété intellectuelle du département des mesures et de la justice relevant de l’Administration générale des douanes...

Les exemples suivants nous montrent qu’il existe de nombreuses possibilités d’action. A Shanghaï, l’usine Johnson & Johnson était sur le point de fermer après avoir subi une baisse de 70 % de son chiffre d’affaires en un an et avoir dû licencier 15 % de ses ouvriers. Grâce à la lutte conjointe de la Sécurité publique et d’autres organes responsables de l’application de la loi, la source de fabrication des produits contrefaits fut supprimée et cette usine connut à nouveau une augmentation de plus de 10 % de son chiffre d’affaires.

A Fuqing, dans le Fujian, un fabricant chinois d’appareils électriques a produit et vendu des VCD et des presse-fruits sous la marque « Philips », société hollandaise qui avait pourtant enregistré sa marque. Après enquête, le Bureau de l’administration de l’industrie et du commerce du Fujian décida de confisquer les produits et condamna le contrevenant à une amende de 90 000 yuans (environ 9 000 euros). Mais Philips constata que la société chinoise continuait de vendre des presse-fruits tout à fait identiques aux produits Philips mais sans porter l’inscription de la marque. Des actions furent menées par les autorités locales et tous les produits copiés furent détruits.

Les avocats peuvent trouver les stratégies et les techniques sur le plan juridique et politique pour protéger l’intérêt d’un titulaire dans un cas concret, comme le montre l’affaire Microsoft. Lorsque la société Microsoft voulut lutter contre le piratage, omniprésent en Chine, elle choisit d’attaquer les grandes entreprises chinoises qui utilisaient ses logiciels piratés. D’une part, les grandes entreprises avaient les moyens financiers de payer des dommages et intérêts élevés et, d’autre part, une affaire entre Microsoft et une grande entreprise chinoise attira beaucoup plus l’attention du gouvernement chinois. Les autorités chinoises furent amenées à tenir compte des réactions de la communauté internationale et eurent une influence positive sur les actions administratives de Microsoft et sur le sérieux du résultat judiciaire. Quant aux PME-PMI étrangères, même si les recours pour la protection des droits de propriété intellectuelle représentent un coût (toujours moins élevé qu’aux Etats-Unis ou en Europe), elles peuvent choisir soit d’agir collectivement, soit choisir des stratégies individuelles leur convenant.

Pour conclure, la protection des droits de propriété intellectuelle s’améliore avec la construction et le développement de l’économie de marché non seulement du fait des actions des entreprises étrangères et de la communauté internationale mais aussi des entreprises chinoises elles-mêmes qui veulent de plus en plus protéger leurs propres créations et du fait des consommateurs chinois qui réalisent l’importance du lien entre la protection des marques et la garantie de qualité des produits.


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2 réactions à cet article    


  • Darkfox 31 mai 2007 15:31

    on est encore tres tres loin de resultats satisfaisant, la Chine reste le 1 er producteur de contrafacon et pour la plupart du temps nous envoie beaucoup de poudre au yeux. Que ce soit les reportages sur M6 ou bien même quand vous allez dan sles magasins en Chine. Les contrafcons sont parti intégrantes de leur économie.

    Le fait de combattre la copie ne devrait être fait que par les autorités et pas une lutte de toutes intances que les sociétés doivent payées de leur poches... non pas pour intégrer le pays et vendre mais pour ne pas être ruiné et copié...

    Vos exemples de quelques geants industrielles le prouvent il faut avoir des moyens colossaux et faire pressions sur les autorités pour ne pas sombrer donc les pme pmi ne font pas le poids.

    On en reparlera peut etre dans 10 ans car pour le moment la chine est plus un gouffre qu un eldorado et beaucoup de société s en rendent compte


    • chris11 3 juin 2007 23:52

      Il me semble bien que le mot « contrefaçon » n’existe pas en chinois .

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