Comment fonctionnent les finances publiques, et la dette publique ?
Ou quand le serpent se mord la queue ! Il meurt étouffé, et les braconniers viennent dépecer la bête.
Le Parlement vote le budget chaque année, c’est la loi de finance de l’Etat. Cette loi autorise le recouvrement de l’impôt et l’engagement des dépenses. Jusque-là, rien d’extraordinaire.
Mais comment cela se traduit-il concrètement ?
Une fois le budget voté, le Parlement est « hors jeu », il n’exercera plus qu’un contrôle a posteriori. La gestion annuelle des deniers publics va faire intervenir plusieurs acteurs : le Trésor public (qui est intégré au ministère de l’économie et des finances), la Banque de France, et un troisième, catégorie hétéroclite, qui regroupe le reste, ce sont les acteurs tiers.
Chacun de ces acteurs a une fonction particulière dans le processus : Le Trésor public, comme son nom l’indique, gère les fonds publics, la trésorerie, c’est l’agent financier de l’Etat, il assume la couverture des charges de l’Etat. La Banque de France est la banque de l’Etat, c’est ici que sont ouverts ses comptes, mais son rôle ne se limite pas à la tenue des comptes. C’est une société en capital où l’Etat est actionnaire unique (son statut est inscrit au Code monétaire et financier, art L141-1 à L144-4). Les acteurs tiers, quant à eux, sont là pour alimenter le fonds de roulement de la trésorerie de l’Etat. Leurs statuts sont différents (privé et public), mais ils remplissent tous, grosso modo, la même fonction.
Déjà, un oeil attentif peut se demander : pourquoi faire intervenir ces acteurs tiers, puisque, normalement, c’est l’impôt (employé, ici, au sens large, on y inclut aussi taxe fiscale et parafiscale, juriquement de nature différente), qui assure le financement de l’Etat ? La raison en est simple, c’est qu’une fois le budget voté pour l’année suivante, la perception de l’impôt n’est pas immédiate, alors que les dépenses commencent dès le 1 janvier de l’année suivante. Il y a donc un décalage dans le temps entre la perception et les dépenses.Ou bien, pour un mois donné, il y a plus de dépenses que de recettes, et cela même si le budget est voté en équilibre. Donc, comment faire pour couvrir les dépenses ?
Le Trésor public possède, auprès de la Banque de France, un compte-courant, qui sert à alimenter les caisses des comptables publics (Etat ou collectivités locales). Lorsqu’ils ont besoin de sous, le Trésor public débite son compte-courant à leur profit. Mais, pour pouvoir être débité, ce compte doit au préalable être crédité des sommes correspondantes. Or, il y a un décalage entre perception et dépenses, et il se peut que ce compte-courant ne soit pas suffisament crédité pour couvrir une dépense. Il faut donc combler l’écart en faisant appel à des intervenants tiers. Le Trésor public (donc l’Etat) va alors emprunter auprès de personnes privées ou publiques pour faire en sorte que le solde soit toujours positif dans le but de couvrir les dépenses. Ce sont les fameux bons du Trésor, obligation d’Etat, ou tout autre instrument financier. Ces instruments financiers sont rémunérés, c’est-à-dire que l’Etat, lorsqu’il rembourse ses emprunts, rembourse plus qu’il n’emprunte ; il y a un taux d’intérêt rémunérateur. Ce mécanisme correspond à ce qu’on appelle la dette publique, qui correspond donc à ce que l’Etat emprunte pour faire fonctionner sa trésorerie, plus les intérêts liés à ces emprunts, ce qu’on appelle le service de la dette. Et ce mécanisme est obligatoire, car le compte de l’Etat auprès de la Banque de France doit toujours être positif. L’Etat est contraint d’emprunter. Auparavant, l’Etat avait des facilités de trésorerie car la Banque de France pouvait lui consentir des découverts (bien qu’il ait très peu recouru à cette pratique). Le régime de ces concours était fixé par une loi du 21 décembre 1973, où le Trésor pouvait tirer jusqu’à 10,5 milliards de francs sans intérêt, plus 10 milliards supplémentaires aux taux du marché. C’est désormais impossible à cause de la loi du 4 août 1993, en application du Traité de Maastricht, qui interdit à la Banque de France d’accorder tout type de découvert au Trésor public ou à tout autre institution publique. (Noter la « coïncidence » avec l’abolition des privilèges, la nuit du 4 août 1789).
Quelles sont les conséquences d’un tel mécanisme ?
Premier constat, la trésorerie de l’Etat est alimentée pour partie par les marchés financiers (pris au sens large), une partie de l’impôt servant à rembourser la part correspondant aux emprunts. On comprend aussi que plus l’Etat emprunte, plus la dette publique augmente. Ensuite, le volume des dépenses publiques importe peu si le budget est voté en équilibre, et exécuté en équilibre. (Le fait est que le budget n’est pratiquement jamais exécuté en équilibre). En effet, la part de la dette publique dans le budget augmente mécaniquement, puisqu’il faut toujours rembourser davantage qu’on a emprunté, et ce processus se répète chaque année. Se répétant chaque année avec un budget constant, la part de la dette publique dans le budget de l’Etat continue d’augmenter, avec en parallèle, une baisse des dépenses dans des secteurs plus utiles (santé, éducation...). Le déficit budgétaire n’est qu’un facteur aggravant, mais il n’est pas la cause génératrice de la dette. Hélas la carrière de certain homme politique se fonde sur de belles promesses, et les budgets ont augmenté, la dette publique suivant alors. D’autres, se disant réalistes, ou « pragmatiques », décident de limiter les dépenses, et se lancent dans la privatisation du secteur public, avec des coupes budgétaires dans les services hospitaliers par exemple. On rationalise les dépenses, pour ne pas dire « rationner ».
Deuxième constat, ce mécansime équivaut à redistribuer l’impôt à ceux qui alimentent la trésorerie. Naturellement, ce n’est pas le citoyen lambda, mais plutôt ceux qui rachètent le secteur public, alors privatisé.
Troisième constat, la dette publique augmente par elle-même ! En effet, les taux d’intérêt sont indexés sur le taux du marché, et sont définis par un organisme indépendant, la Banque centrale européenne (BCE). Or, la BCE fait varier ses taux directeurs et donc le service de la dette (qui rentre dans la dette globale). Il y aura, probablement, pour l’année prochaine encore, des coupes budgétaires et d’autres privatisations. En rappel, la BCE n’a aucune légitimité démocratique, mais décide « rationnellement » d’aggraver les politiques d’austérité.
Quatrième constat, je ne dois rien, pas plus qu’aucun citoyen pris individuellement. C’est l’Etat, personne morale, qui est endetté. Aucun des créanciers n’a de titre opposable contre les individus. Comment sortir de l’impasse ?
Techniquement, c’est facile ; politiquement, c’est risqué.
Interdire à l’Etat d’emprunter. Mais comment, alors, assurer le fonds de roulement de la trésorerie ? Il suffit de modifier la loi du 4 août 1993, et de garantir que les dépenses de fonctionnement de l’Etat ne se fassent que par l’imposition et par avance. (Découverts qui sont remboursés par l’impôt). Bien sûr, ces avances ne sont pas rémunérées, et donc il n’y a pas d’inflation. La dette publique restante sera remboursée au fil du temps, mais sans augmentation de sa part dans le budget, et sans privatisation abusive. Seules les dépenses d’investissement pourraient être financées par l’emprunt.
Evidemment, ce qui vient d’être décrit n’est pas méconnu des groupes parlementaires, et ils seraient bien incompétents s’ils l’ignoraient.
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