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Comment résoudre la crise grecque

Le cas emblématique de la crise de l’endettement est la Grèce, qui a subi depuis 2010 neuf plans d’austérité d’une sévérité extrême, auxquels le peuple grec a répondu par quatorze grèves générales. Pourtant, il existe une solution.

Opera Mundi

http://operamundi.uol.com.br/conteudo/opiniao/22483/como+resolver+a+crise+grega.shtml

 

Le cas de la crise de la dette grecque est un cas d’école et illustre l’échec total des politiques néolibérales. En effet, malgré l’intervention de l’Union européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne, malgré l’application de neuf plans d’une austérité extrême – hausse massive d’impôts dont la TVA, hausse des prix, réduction des salaires (jusqu’à 32% sur le salaire minimum !) et des pensions de retraite, recul de l’âge légal de départ de la retraite, destruction des services publics de première nécessité tels que l’éducation et la santé, suppression des aides sociales et privatisations des secteurs stratégiques de l’économie nationale (ports, aéroports, chemins de fer, gaz, eaux, pétrole) – qui ont mis à genoux la population[1], la dette est aujourd’hui supérieure à ce qu’elle était avant l’intervention des institutions financières internationales en 2010[2].

Pourtant, la crise grecque aurait pu être évitée. En effet, il aurait simplement fallu que la Banque centrale européenne prête directement à Athènes les sommes nécessaires, au même taux d’intérêt qu’elle prête aux banques privées, c’est-à-dire entre 0% et 1%, ce qui aurait empêché toute spéculation sur la dette de la part de la finance. Or, le Traité de Lisbonne rédigé par Valéry Giscard d’Estaing, interdit cette possibilité pour des raisons difficilement compréhensibles si l’on part du postulat selon lequel la BCE agit dans l’intérêt des citoyens[3].

En effet, l’article 123 du Traité de Lisbonne stipule qu’il « est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées « banques centrales nationales », d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales des instruments de leur dette est également interdite[4] ».

En réalité, la BCE sert directement les intérêts de la finance. Ainsi, les banques privées ont emprunté à la BCE au taux bas de 0% à 1% et ont ensuite spéculé sur la dette en prêtant ce même argent à la Grèce à des taux allant de 6% à 18%, aggravant ainsi la crise de la dette, devenue mathématiquement impayable, puisque Athènes se trouve désormais dans l’obligation d’emprunter uniquement pour rembourser les seuls intérêts de la dette[5]. Pis encore, la BCE revend à la Grèce des titres de sa dette au prix fort, c’est-à-dire de 100% de leur valeur, alors qu’elle les a acquis à 50%, spéculant ainsi sur le drame d’une nation.

Pour ces raisons, il est indispensable de réformer en profondeur le Traité européen afin d’autoriser la BCE à prêter directement aux Etats et à éviter ainsi les attaques spéculatives de la Finance sur les dettes souveraines. Ce fut le cas en Grèce, en Irlande, en Espagne, au Portugal et en Italie, pour ne citer que ces nations.

 

 Les leçons en provenance de la nouvelle Amérique latine

 L’Europe a beaucoup à apprendre de la nouvelle Amérique latine représentée par le Brésil de Dilma Roussef, le Venezuela d’Hugo, Chávez, la Bolivie d’Evo Morales, l’Argentine de Cristina Kirchner et l’Equateur de Rafael Correa, en termes de lutte contre la finance et de récupération de la souveraineté et du destin national. Toutes ces nations ont choisi de placer l’être humain au centre du projet de société et de se débarrasser du fardeau de la dette, afin de mettre un terme à l’influence des institutions financières internationales tels que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.

 L’Equateur du président Correa a indiqué la marche à suivre. En effet, ce dernier a réussi à faire passer la dette de 24% à 11% du PIB sans appliquer de mesures d’austérité. Celle-ci, contractée dans les années 1970 par des régimes dictatoriaux, était par essence illégitime et entrait dans la catégorie de dette dite « odieuse[6] ».

Le concept de « dette odieuse », c’est-à-dire illégitimement imposée, remonte à 1898 lorsque les Etats-Unis, suite à leur intervention militaire à Cuba, ont décidé de décréter unilatéralement l’annulation de la dette de La Havane vis-à-vis de Madrid, car contractée par un régime colonial illégitime.

Entre 1970 et 2007, l’Equateur a remboursé 172 fois le montant de la dette de 1970. Néanmoins, grâce aux intérêts exorbitants imposés à la nation, le volume de celle-ci a été multiplié par 53. De la même manière, entre 1990 et 2007, la Banque mondiale a prêté 1,44 milliards de dollars et l’Equateur a remboursé à cette institution la somme de 2,51 milliards de dollars. Le service de la dette représentait entre 1980 et 2005 50% du budget de la nation, au détriment de tous les programmes sociaux[7].

A son arrivée au pouvoir en 2007, Correa réduit le service de la dette à 25% du budget national et crée la Commission pour l’audit intégral de l’Endettement public, afin d’évaluer la légitimité de la dette[8]. La Commission publia son rapport et considéra que la dette commerciale équatorienne était illégitime. En novembre 2008, le président Correa a procédé à la suspension du paiement de 70% de la dette publique.

Conséquence logique, la valeur de la dette équatorienne a perdu 80% de sa valeur dans le marché secondaire. Quito en a profité pour racheter 3 milliards de sa propre dette pour une somme de 800 millions de dollars, réalisant ainsi une économie de 7 milliards de dollars d’intérêts que le pays aurait payé jusqu’à 2030.

Ainsi, par un simple audit international, l’Equateur a réduit, sans aucun frais, sa dette de près de 10 milliards de dollars. La dette publique est passée de 25% du PIB en 2006 à 15% du PIB en 2010. Dans le même temps, les dépenses sociales (éducation, santé, culture, etc.…) sont passées de 12% à 25%[9].

 

 L’Europe doit suivre la voie tracée par la nouvelle Amérique latine. En effet, le problème de la dette publique ne peut en aucun cas être résolu par l’application de mesures d’austérité politiquement désastreuses, socialement injustes et économiquement inefficaces. Les vagues de privatisations de secteurs clés de l’économie nationale et la remise en cause des droits sociaux chèrement conquis ne sont pas non plus la solution pour une dette mathématiquement impayable. L’issue est pourtant simple : que la Banque centrale européenne prête directement aux Etats au même taux que celui réservé aux banques privées et que le pouvoir de création monétaire soit une exclusivité des banques centrales. L’intérêt général doit prévaloir sur celui des banques privées. Qui osera en Europe prendre exemple sur le Nouveau Monde latino-américain et avoir le courage politique d’affronter le monde de la finance ?

 

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris Sorbonne-Paris IV, Salim Lamrani est enseignant chargé de cours à l’Université Paris Sorbonne-Paris IV, et l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

Son dernier ouvrage s’intitule État de siège. Les sanctions économiques des Etats-Unis contre Cuba, Paris, Éditions Estrella, 2011 (prologue de Wayne S. Smith et préface de Paul Estrade).

Contact : [email protected] ; [email protected]

Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel



[1] Le Figaro, « Grèce : les 10 nouvelles mesures de rigueur », 13 février 2012.

[2] Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers monde (CADTM), « Le CADTM dénonce la campagne de désinformation sur la dette grecque et le plan de sauvetage des créanciers privés », 10 mars 2012. http://www.cadtm.org/Le-CADTM-denonce-la-campagne-de (site consulté le 29 avril 2012).

[3] Le Monde Diplomatique, « Les Irlandais rejettent le Traité de Lisbonne », 13 juin 2009. http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-06-13-Les-Irlandais-rejettent-le-traite (site consulté le 29 avril 2012).

[4] Traité de Lisbonne, article 123.

[5] Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers monde (CADTM), « Le CADTM dénonce la campagne de désinformation sur la dette grecque et le plan de sauvetage des créanciers privés », op. cit.

[6] Jean-Luc Mélenchon, « Comment l’Equateur s’est libéré de sa dette », http://www.jean-luc-melenchon.fr/arguments/comment-lequateur-sest-libere-de-la-dette/ (site consulté le 13 juin 2012).

[7] Ibid.

[8] Comisión para la Auditoría Integral del Crédito Público, juillet 2007.

[9] Guillaume Beaulande, « Equateur : le courage politique de dire non à la dette et au FMI », Place au Peuple 2012, 14 décembre 2011.


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15 réactions à cet article    


  • jaicruvoir 7 juillet 2012 10:54

    Un peu de rigueur administrative en Grèce serait bienvenu.

    Exemple pour les impôts foncier :
    Créer une autorisation administrative d’habitation.
    Si le chantier n’est pas fini on a pas le droit d’habiter, si on decide d’habiter dans le logement alors on paye les taxes tel que c’était prévu dans le permis de construire.

    Les solutions existent il faut la volonté de le faire.

    Autre solution on vends la Grèce à la Turquie pour 1€ symbolique.

    On peut rever les Turcs n’en voudront jamais, ils ont eu la mauvaise experience Grec durant 400 ans c’est notre tour .....

    • foufouille foufouille 7 juillet 2012 11:13

      « 

      Autre solution on vends la Grèce à la Turquie pour 1€ symbolique. »

      j’achetes, faut signer ou ?



    • Rensk Rensk 7 juillet 2012 14:15

      Vous ne saviez pas que l’UE a envoyé des spécialistes cette année pour seulement déjà cartographier le pays ? L’UE est en train de faire en Grèce cette année ce que la Suisse a fait les dernières années c’est a dire : mesurer le cadastre avec des outils de notre siècle, (nous avons perdu 1 m2 et ont a du payer pour cela 480.-)...

      Regardez toujours où est dépensé l’argent de l’UE... pour avoir une réponse plus où moins informative...


    • Aldous Aldous 7 juillet 2012 19:34

      « On peut rever les Turcs n’en voudront jamais, ils ont eu la mauvaise experience Grec durant 400 ans c’est notre tour ..... »

      Quel mépris abject !
      Vous etes à vomir.


    • Francis, agnotologue JL 9 juillet 2012 08:44

      @ Aldous,

      je pense que jaicruvoir est davantage un âne qui dit n’importe quoi, pas un cynique : pour ça, il faut un peu plus de bon sens !


    • lsga lsga 9 juillet 2012 16:30

      @JL


      JL est dans l’insulte, comme à son habitude. 

       smiley

    • Rensk Rensk 7 juillet 2012 14:05

      Concernant la « dette » de la Grèce... n’êtes-vous pas surpris que l’argent ne coule pas « à flot » dans un pays qui découvre autant de réserves pétrolifère juste devant sa porte ?

      Ailleurs ont tue même pour ça... ici ont se tait, ont n’en tiens pas compte...

      Cela ne montre-t-il pas l’arnaque au peuple dit « suprême »  ???


      • anny paule 7 juillet 2012 16:07

        Si je n’ai pas rêvé, il existait un programme, lors des dernières présidentielles françaises, correspondant à ce discours, c’était celui du Front de Gauche, porté par JL Mélenchon et appuyé sur l’analyse économiste de J Généreux !

        Les médias ont tout fait pour « casser » le FDG et monter en épingle le FN, et faire le forcing au « vote utile ». Les médias, c’est la finance ! Nous sommes dans un cas de figure, au niveau européen, analogue à celui des années 1930. Pour la finance et les marchands d’armes, c’était, « plutôt Hitler que de Front populaire », c’est la même chose aujourd’hui, décliné autrement. Ceux qui se « gavent » ne sont pas près de lâcher leur proie. Et nos concitoyens (français et européens) n’ont pas pris la mesure de ce qui les attend et nous attend par conséquent !

        Nous avons manqué une occasion de faire basculer un système qui nous conduira, inexorablement, à notre perte. L’humain est devenu une variable d’ajustement pour les technocrates assoiffés... l’éducation, la santé, les biens communs (eau, énergies, air) sont des « objets » très juteux, et l’intérêt général a quitté la place publique.

        Quand nous serons enfin éveillés, l’air sera irrespirable, l’eau sera tarie, la maladie aura eu raison des fragilisés non éduqués... C’est très grave, et la Grèce n’est que le laboratoire de ce qui se trame dans certains salons très mondains... au même titre que ce que les Chicago Boys de M Friedmann avaient imposé aux latino-américains avant qu’ils ne réagissent.

         

         

        o


        • Jukap 7 juillet 2012 16:54

          L’analyse est ici un peu trop simpliste, même si la logique et la perspective de fond me semblent bonnes : je ne connais pas particulièrement la situation qui fait que l’Equateur en particulier peut y échapper, mais l’article ne dit rien des conséquences inflationnistes plus que délicates en Bolivie, Argentine, Venezuela.


          • BA 7 juillet 2012 18:07
            Le Conseil des experts économiques allemands regroupe les cinq économistes les plus respectés d’Allemagne : Wolfgang Franz, Wolfgang Wiegard, Peter Bofinger, Claudia-Maria Buch, Christoph M. Schmidt. 

            Sa mission est de publier des rapports pour conseiller le gouvernement allemand.

            Vendredi 6 juillet 2012, le Conseil des experts économiques allemands publie son rapport sur la zone euro.

            C’est une bombe. 

            « L’union monétaire européenne est confrontée à une crise systémique, qui menace la survie de la monnaie unique comme la stabilité économique de l’Allemagne. »

            « Die europäische Währungsunion befindet sich in einer systemischen Krise, die den Fortbestand der gemeinsamen Währung und die ökonomische Stabilität Deutschlands gleichermaßen gefährdet. »


            Eux-aussi, ils parlent de la « crise systémique » en zone euro.

            Pour éviter cette « crise systémique », je propose de réunir ce week-end un sommet européen de la dernière chance.

            Après tout, le dernier « sommet européen de la dernière chance » a eu lieu il y a une semaine.


            • Jukap 7 juillet 2012 21:04

              En quoi est-ce particulièrement une bombe ? (je ne comprend que très mal l’allemand)


            • alinea Alinea 8 juillet 2012 14:07

              Je trouve qu’on sous-estime beaucoup le fait que la Grèce, comme le Portugal, vend son patrimoine, son énergie, ses industries, ses structures, aux « chinois » ( terme générique !) ; ainsi, pour survivre quelques instants de plus, elle se coupe l’herbe sous les pieds !
              À la campagne, on dit : « quand on vend le capital, c’est qu’on est foutu ! » ou bien « quand on mange les semences de pommes-de-terre, la disette est pour l’an prochain ».
              Le bon sens paysan ! On l’oublie trop souvent.
              Article qui n’apprend rien à la militante du parti de Gauche que je suis, mais que je trouve concis et très pédagogique.


              • mano mano 8 juillet 2012 16:59

                .....attendez.....Giscard d’Estaing.....c’est pas celui des avions « renifleurs de pétrole » ??? 


                • BA 8 juillet 2012 22:05

                  C’est une bombe car l’expression « crise systémique » indique que tout le système de la zone euro va s’effondrer.


                  En clair : sept Etats de la zone euro sont en faillite. Ce sont le Portugal, l’Irlande, l’Italie, la Grèce, l’Espagne, Chypre, la Slovénie. Ces sept Etats sont incapables de sauver leurs banques de la faillite.

                  Malheureusement pour ces sept Etats, les Etats européens riches ne veulent pas donner de l’argent pour les sauver.

                  Conséquence : la zone euro va exploser.

                  C’est ce que l’on appelle une crise systémique.

                  • André-Jacques Holbecq André-Jacques Holbecq 10 juillet 2012 11:33

                    Très bon article, merci ...

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