Comment un mail a créé une rumeur et mis le feu à la dette grecque
Les rumeurs qui ont fait flamber à 14,5 % les taux d'intérêt de la dette grecque ne sont pas nées de l'opération du Saint-Esprit. Le département "criminalité informatique" du Parquet d'Athènes enquête sur l'origine du mail qui a lancé la rumeur de restructuration de cette dette. La banque Citygroup serait sur la sellette.
C'est par un bref article en première page du Figaro Economie (pages saumon) du 22 avril que l'incroyable nouvelle est parue :
Les récentes rumeurs de restructuration de la dette grecque proviendraient d'un mail mystérieux, sans indication de nom de banque, adressé à quelques investisseurs privilégiés. Il évoquait la possibilité d'une restructuration de la dette grecque pendant le week-end de Pâques, avec les conséquences que l'on connait : chute des bourses (y compris celles de grandes places financières) et envolée des taux de la dette grecque (et de quelques autres pour faire bon poids).
Les démentis du FMI et de Bruxelles furent de peu de poids : le marché-roi avait parlé.
Le ministre grec des Finances, Georges Papaconstantinou, saisit le Parquet, qui aurait remonté la piste jusqu'aux ordinateurs de la banque Citygroup. Celle-ci a fait paraître un communiqué reconnaissant qu'elle coopère avec les autorités grecques, mais déclare qu'à son avis ni elle ni un de ses employés n'a violé la loi.
Au delà de l'anecdote, quelques problèmes politiques sont à poser.
D'abord, on rappellera que l'émission de monnaie est un privilège régalien qui revient légitimement à l'Etat et à lui seul. La Grèce, comme les autres pays, devrait être libre d'émettre sa monnaie au lieu de l'emprunter à des banques. Oh ! nous connaissons les arguments des monétaristes : il est immoral que les Etats créent de la monnaie à partir de rien, et, si on le leur permet, ils abuseront. A ceci, nous répondrons qu'il est bien davantage immoral que des banques priviées créent de la monnaie à partir de rien et la prêtent contre intérêt aux Etats. Quant au fait d'abuser, les banques ne se gênent pas, comme le montrent les quantités incroyables de monnaie en circulation, monnaie qui, par un révoltant paradoxe, peine à trouver le chemin qui la conduirait jusqu'à l'économie réelle, dont les besoins restent insatisfaits, ou satisfaits à grands coups de fonds publics même quand l'initiative est supposée privée.
Un autre problème à poser est celui de la politique européenne, qui créée de la dette à l'infini. Elle étrangle les pays déjà endettés, permet l'augmentation sans fin des taux d'intérêt que le marché leur applique, et permet la généralisation du problème aux pays plus riche, puisque ceux-ci viennent au secours des pays endettés eu détriment de leurs propres finances publiques.
La Banque centrale européenne pourrait mettre fin à ces abus en émettant la quantité de monnaie qu'il faut et en la prêtant directement aux Etats, à faible taux ou à taux nul. Son refus de le faire rend la dette exponentielle, en crée là où il n'y en a pas (rappelons l'exemple de l'Irlande, dont la dette est d'origine bancaire et a été nationalisée), et fabrique une rente pour les spéculateurs, qui peuvent prêter à des taux énormes une dette supposée risquée alors qu'en réalité les autorités européennes sont prêtes à réduire les peuples à la misère plutôt que de faire perdre de l'argent aux spéculateurs.
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