Comprendre l’affaire du service universel des télécommunications
Vous avez dit service universel des télécommunications ? Suite à un petit micro-trottoir, tout est clair, plus de 90% des Français ne connaissent rien à ce ˝truc˝, c’est un signe révélateur sur l’état des connaissances concernant de tout ce qui est en rapport avec la téléphonie... et pourtant, une dotation annuelle de plusieurs centaines de millions d’euros est en jeu.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH212/presentation_service_universel_next_up_org_420-34f42.jpg)
Si ce dossier très peu connu remonte à la surface dans un déballage au grand public, c’est que des enjeux financiers excessivement importants à l’échelle d’une nation attisent les tiraillements et les convoitises.
Définition du service universel des télécommunications :
Le service universel (SU) est une des principales composantes du service public des télécommunications, qui a pour objet de fournir à tous un service téléphonique de qualité à un prix abordable (social) avec l’accès à des cabines téléphoniques sur le domaine public, la fourniture et la gestion des annuaires, des renseignements téléphoniques, les raccordements en zones rurales, etc.). Historiquement, c’est France Télécom qui avait la gestion du service universel en France.
Mais, conformément à une directive européenne de 2002, le gouvernement français a lancé un appel d’offre en 2004 pour lui trouver un successeur. Il exigeait que les candidats couvrent l’ensemble du territoire pour chaque prestation (annuaires, renseignements, cabines téléphoniques...), au lieu d’une mise à disposition au niveau régional.
La sélection des offres des candidats devait se faire en fonction de leur capacité à fournir le service, des tarifs et du coût de la subvention demandée. Les lauréats devaient ensuite remplir des obligations de performances (temps de raccordement inférieurs à 8 jours, appel établi en moins de 2,9 secondes...). Les tarifs devaient être les mêmes partout, sauf "difficultés exceptionnelles".
Au niveau national, c’est France Télécom qui, étant le seul opérateur à avoir répondu à l’appel à candidatures lancé par le gouvernement, a été désigné en mars 2005 "opérateur du service universel des télécommunications pour 4 années supplémentaires". (Notons aussi au passage que l’opérateur historique français en profite pour réclamer une hausse de 20% du tarif de l’abonnement sur trois ans, dont 7,8% dès 2005. Les pouvoirs publics (Bercy) veulent bien accepter le principe d’un réajustement mais à condition qu’il soit compensé par une baisse des tarifications au niveau des communications locales).
Le financement du service universel :
Depuis 2002, conformément aux directives européennes, tous les opérateurs contribuent au financement du service universel au prorata de leurs chiffres d’affaires à hauteur d’un prélèvement d’environ 0,41% . Une première à partir de cette date, les fournisseurs d’accès à Internet vont aussi contribuer à ce financement. Cette contribution fixée par l’ART (Autorité de régulation des télécommunications) s’élève à 125 millions d’euros, mais elle est moins élevée que celle des années 2000 (128,7 millions) et 2001 (142,1 millions).
Réactions de Bruxelles :
Bruxelles dénonce une discrimination à l’encontre des opérateurs concurrents. Selon les services de la concurrence de la Commission européenne, la désignation du prestataire ne devait exclure aucune entreprise a priori ; pour remplir cette condition la France aurait dû choisir sur une base régionale les opérateurs chargés du service universel au lieu d’imposer la fourniture d’un service national que bien évidemment seule France Télécom pouvait prendre en charge.
Du côté du gouvernement français, on s’étonne. Selon La Tribune, on estime que la Commission n’a pas à s’immiscer dans l’organisation territoriale des Etats et de leurs services publics. Et on rappelle que la directive européenne en matière de SU n’interdit pas sa gestion au niveau national.
Toujours est-il que la Commission européenne vient de lancer une nouvelle procédure à l’encontre de l’Etat français, accusé d’avoir favorisé France Télécom pour l’attribution du service universel, sur la base que cette attribution ne respecterait pas plusieurs clauses incluses dans la directive sur le service universel.
Notons au passage que c’est la troisième infraction similaire reprochée à la France.
La France avait déjà eu en 2001 une première condamnation par la Cour de justice des communautés européennes relative aux privilèges accordés à l’ancien monopole public. Par ailleurs, le pays fait partie des Etats membres de l’UE rappelés à l’ordre l’été dernier, faute d’avoir transposé à échéance les directives du "paquet télécoms". Pour se résumer en termes clairs, concernant le SU : le gouvernement français aurait fermé le marché à toute candidature alternative en imposant une couverture globale du territoire, couverture que seul l’opérateur historique est en mesure d’assurer.
Cette action de Bruxelles fera néanmoins quelques heureux : les opérateurs concurrents réunis au sein de l’AFORST (Association française des opérateurs de réseaux et de services de télécommunications) qui multiplient depuis plusieurs mois les recours contre le SU.
L’ AFORST estime notamment que les modalités de l’appel à candidature de l’hiver dernier, désignant France Télécom comme opérateur du SU, sont contestables. D’abord, l’association souligne qu’il n’y pas eu d’opérateur du SU entre le 31 décembre 2004 (début du nouvel appel à candidature) et le 3 mars 2005 (moment où France Télécom a été désigné).
Ensuite, elle souligne (comme Bruxelles) que la directive précise qu’aucune entreprise ne pouvait être exclue a priori. Mais l’appel à candidatures imposait de fournir le SU sur tout le territoire. Ce qui a permis à France Télécom d’être le seul en lice.
Autres problèmes déclencheurs de cette affaire :
Le nouveau paramètre que personne n’avait prévu depuis cette date (2002) est l’explosion des revenus engrangés par la téléphonie mobile et Internet . Chacun peut prendre une calculatrice, faire la petite multiplication, (attention de ne pas se tromper en comptant les zéros), c’est exactement ce qu’a fait le Conseil d’Etat, qui n’a pas manqué de s’étonner du nouveau montant de la contribution dès 2002, celle-ci ayant fait un bond en avant phénoménal, le chiffre avant réévaluation passant à 297 millions d’euros !
Par comparaison avec un pays comme l’Italie qui a les mêmes contributeurs, le financement du service universel s’élève à... 59 millions d’euros !
Le Conseil d’Etat doit se pencher également sur les avantages indirects que tire bien évidemment France Télécom en tant que gestionnaire du service universel. Un point que l’AFORST compte mettre en avant pour démontrer que ces contributions constituent en fait une aide déguisée de la part de l’Etat.
Affaire à suivre
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