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Considérations économiques

 

1. Je ne sais pas pourquoi j'avais envie de répéter ce poncif de l'économisme, dont on peut dire qu'il est le fond idéologique de toutes les initiatives contemporaines menées en grand par ses férus, qui ont choisi "le bon domaine" puisque c'est celui qui rapporte et par lequel ils peuvent férir en grand... ce qui ne fait pas rire tout le monde.

2. A partir de quand est-il sociopolitiquement permis de parler d'abus ? Manifestement tous les abus ne bénéficient pas du même traitement et ce n'est pas que la faute des économistes (au sens de férus d'économisme) parce que nombreux sont ceux ayant d'autres centres d'intérêt c'est évident. Ainsi les économistes n'ont-ils certes qu'à mettre l'accent "infoxensationnel" sur d'autres abus que les leurs tandis que les concernés profitent logiquement des fenêtres d'opportunités qui leur sont ouvertes de défendre sincèrement leurs justes causes juste causées par les férus d'économisme pour qu'on ne cause pas des abus économistes. Et tout le monde est content ?

3. Les affairistes sont contents et tous ceux qui bon an mal an aiment les affaires ou bien s'y sont faites. Or il faut bien s'y faire professionnellement d'une manière ou d'une autre... surtout dans le privé évidemment, ce que ses ressortissants ne se privent pas de rappeler devant le public qui pour sa part singe allègrement le privé dans la démarche depuis ces dernières décennies en publicités et pas qu'en publicités, suite à des décisions économistes prises sociopolitiquement par les élus soutenus par les férus d'économisme qui eux-mêmes ont à faire au moins un peu d'économisme dans la démarche, quand l'économisme ne leur graisse pas la patte joyeusement. Tout ceci ne saurait être taxé de corruption me souffle-t-on à l'oreille et d'ailleurs les pots-de-vin ne datent pas d'hier : l'expression pot-de-vin signifiait pourboire au XVIème siècle, qu'on a quand même l'impression de voir un marchand romain verser une amphore à un aristocrate gaulois dans l'Antiquité pour commercer à la grande joie dudit aristocrate.

4. Ces dernières décennies il se disait qu'il fallait mettre "un chef d'entreprise" à la tête de l'Etat pour que l'Etat fonctionne mieux et enfin en accord avec les réalités économiques : nous avons aujourd'hui le simili-entrepreneur d'une start-up nation débandante à cause d'une énième variété de coronavirus délirante et d'une ou deux guerres mal placées tandis qu'on tient à y jouer un rôle nous plaçant géostratégiquement à faux par rapport à tout un continent dont notre peuple à charge est solidaire cahin-caha, l'Europe étant avant tout une péninsule asiatique. Autant vous dire que ça n'a rien à voir avec une bonne gouvernance ou avec une bonne gérance ou encore seulement avec une bonne connaissance... d'ailleurs en dehors de connaissance (encore qu'aujourd'hui - passons) ces mots de gouvernance et de gérance désignent des processes impersonnels dont tout le monde et personne n'assume la charge à se déresponsabiliser-diluer derrière la schwabienne notion de stakeholders ou parties-prenantes. En gros ce sont des néo-patriciens simili-romains dans la République mondialiste, République qui n'a jamais eu besoin d'être très démocratique pour être républicaine.

5. Les parties-prenantes ce sont évidemment pour l'essentiel les Etats, les firmes, les ONG, et on nous apprend que leur cartel n'a rien d'un complot puisque leur fonctionnement collusoire est devenu tout à fait normal car cela se nomme néolibéralisme et que ça prétend n'être pas dictatorial puisque ce serait démocratique et d'ailleurs ça se passe chez nous pas chez "les méchants de la Terre" qu'on désigne infoxensationnellement à longueur de news. L'économisme et ses férus s'éclatent bien à nous éclater et le pire c'est qu'ils sont convaincus ou mettent tout en oeuvre pour convaincre qu'ils travaillent pour le Bien, Bien qui comme chacun sait n'a jamais été la bonté (cf. Tzvetan Todorov) mais uniquement un camp idéologique permettant d'asseoir et répandre son Empire idoine comme disait Philippe Muray : l'Empire du Bien.

6. L'Empire du Bien est économiste parce que l'économisme veut qu'on lui foute la paix des affaires et pour lui mieux vaut une mauvaise paix qu'une bonne guerre, tandis qu'il fonctionne de mauvaise guerre à sa paix : le reste c'est forcément "méchant" puisque ça n'est pas économiste et que ça veut (re)mettre d'autres valeurs en place fondamentale. Ainsi tout ce qui n'est pas économiste ou qui ne permet pas à l'économisme de prospérer est-il taxé de réactionnaire : droits sociaux ou territoires nationaux, etc. plus rien de ce qui est populaire n'a droit de cité en dehors de ce qui permet de faire prospérer l'économisme.

7. Tout était déjà chez Adam Smith bien sûr quoi que ça ait doctrinalement évolué un peu, mais enfin Karl Marx n'avait rien inventé qui prônait l'association des travailleurs contre le capital : Adam Smith déjà prônait l'association des économistes contre l'association des travailleurs. Des histoires de répartition de la plus-value, certainement, dont nos oncles Picsou ne savent plus que foutre à surnager dans leurs trésors bancaires, apparemment des études ont déjà montré qu'à partir d'un certain montant largement inférieur au million (et même à la centaine de milliers) le gain ne procurait plus de satisfaction personnelle dans la vie. Alors si Bill Gates est certainement le richissime le plus honorable philanthropiquement en dépensant contre la faim et pour la santé dans le monde, cela ne change rien à l'Empire du Bien.

8. C'est vraiment très pénible et redondant mais il n'y a pas d'arrière-monde à l'économisme, tout était là présent sous nos yeux en surface, raison pour laquelle il fallait cultiver le secret des affaires contre les journalistes, sachant que l'espionnage industriel et autres délits d'initiés sont toujours menaçants à cette échelle. D'ailleurs tout un chacun sera d'accord pour dire qu'il n'aime pas que d'aucuns fouinent dans ses affaires... et ainsi d'entériner la situation mastodontale de l'Empire du Bien économiste.

9. L'économisme réduit l'humanité à lui-même comme si tout se résumait à glâner des ressources et les faire fructifier... Dans Décadence le pauvre Michel Onfray conclut en se résignant à l'idée a-critique que "le capitalisme" serait la base depuis toujours... sans comprendre que le capitalisme ne signifie pas "accumuler" mais précisément emprunter (aux supporteurs, aux banques ou aux actionnaires, pour investir : le capitalisme est une technique économique pour entreprendre et qui peut très bien s'effondrer sans bénéfice, d'ailleurs la culture de l'échec est tout à fait honorable dans le monde anglosaxon puisque c'est la culture de l'essai en vérité, la culture de la tentative... Il y a bien un esprit d'aventure dans le capitalisme, qui se perd dès qu'il s'agit d'accumuler et de conserver sa fortune.

10. Dans l'Antiquité on n'était pas capitaliste quoi qu'on cherchât à glâner des ressources et fructifier. Mais concrètement redisons que la vie ne se limite pas à ça puisque normalement l'économie sert justement à pouvoir en vivre - de la vie - voire en jouir. Voilà le sens de l'économie et il n'a pas à tourner comme le petit lait à l'économisme, tandis que le capitalisme n'est même plus la question et que le néolibéralisme n'est qu'une organisation républicaine mastodontale de l'économisme... au point d'avoir largement verrouillé les possibilités d'initiative et de servir sociopolitiquement à l'administration globale. Henri Lefebre disait déjà dans les années 1970 société bureaucratique à consommation dirigée, on n'arrête pas de le voir avec la gestion des prix à la pompe et au caddie.

11. L'économisme, l'Empire du Bien, sont des artifices bourgeois, Charles Péguy en parla tout à fait bien, qui pourtant n'était pas marxiste. Friedrich Nietzsche conspuait l'habitude matinale de lire le journal (aujourd'hui : de consulter ses notifs, ou ses consultants en communication, etc.) parce que cette habitude signifie l'esclavage au productif - tout en considérant que l'honneur du travailleur devait effectivement être dans son travail plutôt que son ressentiment anticapitaliste : le travailleur bien qu'asservit n'est pas aussi esclave que l'escompterait son maître et c'est bien pour cela que de nos jours l'individualisation forcenée des conditions de vie sert bien entendu la rentabilisation, tout en canalisant l'impossibilité de l'esclavage parfait. Et puis d'abord "pourquoi se rebellerait-on contre l'Empire du Bien ? C'est quand même incroyable ! Lui qui nous satisfait et gratifie de quelques chèques et autres loisirs écraniques !"

12. Dans l'Antiquité la condition d'esclave était une condition courante et n'a pas tout à fait à être jugée uniformément pour criminelle car courante qu'elle était, elle recouvrait une variété de situations tout à fait différentes : du condamné envoyé mourir au bagne afin qu'il produise avant que sa punition ne le tue à la tâche, jusqu'au serviteur de confiance à qui l'on confie la direction de sa propre maisonnée durant notre absence. Mais dans cette antique culture où l'esclavage était si acquis qu'Aristote en faisait un élément naturel de l'organisation de la cité (nos contemporains l'accusent d'esclavagisme alors que même les esclaves d'époque pensaient pour ainsi dire en aristotéliciens) les problématiques modernes ne se posaient pas. Et puis d'ailleurs l'humanité était infiniment moins nombreuse sur Terre puisqu'elle ne dépassa le milliard voilà seulement que deux siècles (c'est dire ce que l'industrie a permis jusqu'à nous pronostiquer dix millards d'ici la moitié du siècle). L'Antiquité n'était pas économiste non plus et l'on peut dire que c'est l'économisme, c'est-à-dire l'activité la plus basique de l'humanité élevée au rang suprême qui craint raisonnablement pour sa légitimité : dans tous les sens du terme c'est laborieux. Et puis franchement il est au Pouvoir alors il est naturel que sa légitimité soit interrogée.

13. Les nantis s'ébaubissent comme des fleurs et disent en souffrance autrui jusqu'à le dédaigner ès populismes. Bah oui. Or dans les conditions où autrui est en souffrance, ses réactions se sauvegarde populaire ne sont pas maladives mais naturelles : la compassion du nanti n'y peut rien et serait même plutôt une insulte à la dignité humaine.

14. Les oncles Picsou sont mignons... que cela ne change rien à la médiocrité de la condition humaine dans laquelle ils s'enferrent eux-mêmes techniquement : à lire Friedrich Jünger et sa description de la pieuvre technicienne, qui oblige parfaitement tout le monde, piégeusement, et pour ainsi dire oecuméniquement. Oncles Picsou ou Gripsou : même combat !

 

Lire aussi : 
- Considérations hiérarchiques et bonne année ;
- Considérations musulmanes ;
- Considérations informatives ;
- Considérations narcissiques, ou "animeuses" ;
- Considérations gauche-droite ;
- Considérations françaises - pour l’étranger européen, oxydantal* et autre ;
- Considérations émeutières ;
- Considérations sexuelles ;
Condisérations entrepreneuriales et administratives ;
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Considérations bourgeoises ;
Considérations décoloniales.


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11 réactions à cet article    


  • Jason Jason 22 février 20:09

    La quantité colossale de capital qui flotte autour de la terre et l’enserre complètement comme un aérosol continue de croitre sans entraves. Mais la terre ne pouvant donner qu’une quantité finie de ressources pourrait mettre fin à l’aérosol toxique : Bientôt, il n’y aura plus rien à acheter, sinon des êtres humains, en surnombre et sans conscience de ce qui leur arrive.

     
    Toutes les considérations, les théories qui servent à modéliser des modèles viciés sont des drogues de l’esprit, au pouvoir suprêmement soporifique et anesthésiant. Le commerce prédateur, vieux de plus de 6000 ans continuera à faire marcher les ânes à la poursuite de la carotte insaisissable. J’aime bien la définition de Rosanvallon ; « Le capitalisme est un opportunisme de classe ». Jusqu’à quand ?


    • Alain Malcolm Alain Malcolm 23 février 09:12

      @Jason. Il est devenu un opportunisme de classe en s’oubliant fondamentalement par peur du risque c’est-à-dire de lui-même, doublement à ne privilégier que les mastodontes collusoires organisant le droit à son avantage de sorte à ce qu’il se saborde en économisme pur à visage capitaliste par une organisation néolibérale. Mais le premier capitalisme je dirais heureux est celui de la culture de la tentative réduite en bouillie par l’économisme. L’économisme c’est récent parce que c’est l’économie au Pouvoir or si elle fut toujours le nerf de la guerre elle n’en est la vraie raison que depuis deux siècles et c’est ça qui est fondamentalement médiocre de haut en bas de l’échelle sociale, du plus haut au plus bas les profiteurs de cette chienlit se reconnaissent : cols blancs ou rappeurs se ressemblent fondamentalement.


    • Seth 23 février 12:23

      @Alain Malcolm
      Ce fut le fin du politique au seul profit de l’économique, la fin de l’idéologie et de la pensée remplacées par la cupidité et de la possession.

      Arnault : 238,5 milliards de dollars, ce qui ne signifie rien et est au delà ce que l’esprit peut concevoir.
      A ce propos, nono la rondelle pleurant 10 malheureux milliards peut peut être aller se servir, la nécessité de l’Etat passant avant toute possession individuelle.

      Laissons nous aller : pourrait aussi imaginer la saisie de tous les bien matériels et immatériels en laissant une masure meublée Ikéa, 100 000 euros et quelques boulots peu qualifiées, ces gens-là n’étant pas bons à grand chose, à la famille.
      Et comme on n’est pas chien, on se fend d’un petit monument pas cher pour les remercier de leur « aide ». smiley


    • Alain Malcolm Alain Malcolm 24 février 13:58

      @Seth. Moui c’est un peu l’idée de l’article le montant de la fortune de Bernard Arnaud...

      Mais ces effets d’annonce (la fin de...) me blasent beaucoup et ils datent de Jean-François Lyotard et sa prétendue fin des grands récits à l’ère post-moderne, mais moi je vois que nombres de grands récits sont à l’oeuvre tels que « le monde libre capitaliste », « le monde libre démocratique », « l’universalisme du monde libre », « le transculturalisme heureux », « l’écologisme » et j’en passe des tas d’autres tels que « l’égalitarisme sexuel » ou encore « la post-sexualité » dont bon à un moment donné cher ami il va falloir arrêter de vous bercer d’illusions et ce qu’il est à dire, c’est que la cupidité et la possession ne sont tout simplement rien que les leitmotivs de l’économisme tandis que les autres leitmotivs sont soit affichés publiquement en faire-valoir soit perpétués quotidiennement parce qu’ils sont inextinguibles et que ceux eux le Pouvoir économiste serait en fait invivable... sachant déjà qu’il se ment lui-même sur l’inextinguibilité et la nécessité des autres leitmotivs qu’il cherche à rentabiliser autant que possible.



      • Alain Malcolm Alain Malcolm 23 février 10:58

        @zygzornifle. Mais oui c’est bien ça le délire puisque même quand ça surnage en haut ça continue à donner dans le conservatisme trésorier et l’accumulation pour l’accumulation qui en soi n’est même pas capitaliste puisqu’elle ne prend plus aucun risque et se sécurise en verrouillant le monde et donc en le fallaciant.


      • Étirév 23 février 10:34

        Jimmy Goldsmith disait : « Le succès d’une nation ne se mesure pas exclusivement en terme économique. Le relèvement national n’est pas seulement le résultat de la croissance économique. Un des défauts de la culture moderne est qu’elle fait croire que tout problème, quel qu’il soit, est réductible à l’analyse chiffrée et par conséquent peut être mesuré. Lorsque la mesure, plutôt que la Sagesse, devient l’outil privilégié, cela peut conduire à de graves erreurs. »
        Blog


        • Alain Malcolm Alain Malcolm 23 février 11:03

          @Étirév. Je vais vous taquiner en disant que la mesure est synonyme de prudence, de réserve, de circonspection... en quoi elle est une forme de sagesse mais évidemment vous faisiez référence au pur calcul en disant mesure et je taquine. Cela dit je ne crois pas la sagesse soit vraiment ce qui nous sauvera : la sagesse c’est un fourre-tout dans lequel chacun met ses lubies idéales or ici il s’agit très concrètement de retrouver le sens de la mesure justement qui me semble (é)perdu par l’économisme pur au Pouvoir qui se prend pour la seule aune de valeur au point que le mot valeur ait une connotation chiffrée alors qu’il désigne à l’origine les lignes de forces. Ainsi quand une entreprise affiche « ses valeurs » on n’est loin du compte puisqu’il ne s’agit que de valeurs au service de « la valeur » chiffrée, sans mesure justement !


        • Seth 23 février 12:25

          @Étirév

          Jimmy Goldsmith disait...

          On peut toujours se donner une bonne image en n’appliquant aucune des idées que l’on profère.


        • Alain Malcolm Alain Malcolm 24 février 14:02

          @Seth. Ça c’est même la base et je vous renvoie à notre échange plus haut mais en fait c’est très banal « faîtes ce que je dis mais pas ce que je fais » est d’un banal ! Nous avons tous des contradictions qu’on réalise mal même quand on nous met en face des faits accomplis... mais l’humanité il est vrai se laisse berner par « la magie du verbe » plutôt que de se détromper par « les yeux en face des trous »... c’est très infantile ce besoin d’être rassuré par des mots parentaux plutôt que de sortir du giron et prendre froid : le confort avant tout c’est d’une banalité !


        • Alain Malcolm Alain Malcolm 24 février 14:08

          En fait là où ça devient croustillant mais aussi risible et donc médiocre, c’est que nos économistes prétendent être réalistes en prenant les réalités économiques pour le Réel-même.

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