Crise de l’euro, contradictions « incompatibles » et crises politiques
Les évènements survenus la semaine dernière sur tous les terrains ont largement confirmé la pertinence et la justesse du dernier article paru sur Agoravox qui expliquait et analysait en toute liberté scientifique la crise de l’euro dans ses derniers rebondissements :
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/crise-de-l-euro-partie-de-poker-74848
Les faits constatés depuis ont suivi et confirmé les lignes de force décrites, même si les processus se sont accélérés récemment.
Les plus hautes autorités au sein de l’Union européenne sont contraintes de reconnaître « la gravité inégalée depuis 1945 »- (cf : déclaration de Jean-Claude Trichet au nom de la BCE)- de la situation en Europe, même si ces dirigeantes n’arrivent toujours pas à être à la hauteur des exigences nées de la situation totalement inédite qui se révèle à eux.
Patiemment, en nous appuyant sur la pertinence vérifiée par la réalité des articles précédents, nous continuons à expliquer et à analyser cette crise de l’euro dont la puissance est maintenant devenue de facto incontrôlable par les autorités officielles.
La grande contradiction incompatible : spéculation financière et économie réelle prospère sont irrémédiablement antagoniques
Si l’on veut mesurer le degré de panique générale et d’incohérence totale des dirigeants de la zone euro et de l’Union Européenne avec un seul fait qui concentre tous les autres, il suffit de regarder les contradictions éclatantes des discours officiels au fil des jours, voire parfois au fil des heures.
Prenons un exemple que tous les médias, notamment français, ont mis en évidence flagrante avec une grande justesse.
D’un côté, les gouvernements européens, les uns après les autres, annoncent des politiques de réductions des budgets publics, notamment la baisse des salaires des fonctionnaires et des allocations sociales aux plus pauvres -aussi appelées mesures d’austérité- ceci afin de payer aux spéculateurs, via les banques privées, leurs dettes d’Etat, capital et intérêts.
De l’autre, les économistes qui restent dans la réalité expliquent, à juste titre, que cette politique dite d’austérité ne pourrait que conduire inévitablement à une baisse significative de la consommation, donc générer une récession globale des économies concernées. Cette politique creuserait encore plus et plus vite les déficits publics (comptes sociaux, des Etats et des administrations publiques). Ce qui est une évidence !
Pour mémoire, rappelons qu’il y a peu, et cela depuis des décennies, la majorité écrasante des économistes- à l’instar de TOUS les dirigeants politiques de toutes couleurs- présentaient l’austérité budgétaire des Etats comme la SEULE SOLUTION à toute crise, et donc à CETTE crise. !!!
Maintenant, la SEULE SOLUTION qu’ils promouvaient, reviendrait, selon eux, à aggraver le mal ! Justifier l’injustifiable, de plus économiquement pire que le mal devant être soigné, devient décidément de plus en plus difficile
Nous avons là un concentré du problème insoluble de la quadrature du cercle qui est l’essence même de la crise de l’euro qu’on peut résumer brièvement et de manière simple ainsi :
tout ce qui est donné à la spéculation est RETIRE à une ECONOMIE REELLE déjà EXSANGUE alors qu’en même temps, les sommes allouées à « récompenser » la spéculation -alors que cette dernière saigne l’économie concrète- seront utilisées pour développer plus encore cette même spéculation purement financière.
Dit autrement, en termes plus simples, la politique européenne menée au nom de la défense de l’euro est suicidaire pour les économies nationales : elle ruine les économies nationales, appauvrit les populations, provoque des crises politico-sociales explosives et ne fait, pour l’heure, que renforcer ce faisant la puissance de frappe des spéculateurs, ceci dans un cercle nuisible et destructeur sans fin.
De fait, la seule alternative viable, logique, raisonnable serait, pour des dirigeants réellement soucieux des intérêts des peuples, de rompre ce cercle vicieux en cessant tout paiement à la spéculation, en augmentant massivement toutes les dépenses publiques et en les injectant tout de suite dans le circuit de l’économie réelle, en soutien immédiat à la consommation populaire !
Etant donné que la spéculation est l’essence même du système économique actuel (ce qui n’est nié que par ceux qui refusent de regarder en face les réalités), une telle orientation politique des Etats reviendrait de facto à engager la destruction du système existant, ceci afin de protéger les peuples des conséquences de la situation présente, et...... à initier la construction pratique d’un nouveau système fondé sur les seuls intérêts des populations !
Une véritable sortie de crise est donc concrètement possible, mais la condition première de réalisation de cette possibilité est que surgissent, dans les pays concernés, des autorités gouvernementales qui aient le courage du simple bon sens politique, le courage politique de briser le cercle vicieux actuel en n’ayant en vue que les seuls intérêts des peuples.
Tant que la rupture définitive, totale, irrévocable, entre spéculation et économie réelle ( vue aussi comme la défense des intérêts matériels des peuples) n’est pas au centre de l’action politique des autorités nationales, la crise se poursuivra sous les formes les plus diverses et sur tous les plans, avec son cortège de calamités.
Les paramètres de la pensée économique conventionnelle sont périmées : la pensée économique et politique retarde sur les faits
Le retard permanent qu’ont les politiques et les économistes par rapport aux développements rapides des évènements a une seule explication qui n’a rien à voir avec l’intelligence des uns et des autres.
Leur décrochage par rapport aux réalités a pour racine unique que tous les paramètres de pensée économique conventionnelle dont économistes et dirigeants politiques sont nourris depuis des décennies, toutes leurs croyances passées, tous les dogmes qu’ils ont eux-mêmes édifiés et considérés comme éternels autant qu’immanents, sont devenus soudainement inutiles, obsolètes, voire même facteurs d’incompréhension dangereuse en pratique !
Cette crise a, en quelques mois, mis à bas toutes leurs certitudes et a transformé dirigeants politiques et économistes en responsables publics qui prennent sans cesse les mauvaises décisions, car englués dans leurs certitudes dépassées et un mode de pensée invalide.
Ceci explique qu’économistes et dirigeants politiques n’ont rien prévu, rien vu venir, rien anticipé et sont incapables des réactions adéquates.
Cette crise ne fait donc que les désorienter chaque jour un peu plus car économistes et politiques n’ont pas encore acquis les nouveaux outils de compréhension des réalités actuelles, donc les moyens intellectuels de définir des solutions possibles et réalistes.
Jean-Claude Trichet, avec ses déclarations contradictoires incessantes, est l’incarnation même de cette soudaine disparition des cadres de pensée cohérente parmi les hauts dirigeants européens. I
Ceux-ci ont tous perdu leurs repères connus, leurs références rassurantes, et de fait, tous leurs actes affolés et parfois contradictoires ne font qu’étendre l’incendie de la crise et la rendre potentiellement plus dangereuse.
La question des plans d’austérité décidées dans la panique, afin de payer les spéculateurs, est un exemple dramatique de cette rupture des dirigeants européens d’avec les réalités du terrain.
A peine ces décisions saluées par des économistes incapables de sortir de leurs schémas révolus et...par les spéculateurs -le lundi 10 mai 2010-, les uns et les autres s’alertent le lendemain mardi que ces mesures vont faire basculer les 27 pays de l’UE dans une récession infernale, aux conséquences dramatiques qui plongeront les économies de l’UE dans le gouffre de ce qu’ils appellent du joli mot contradictoire de « croissance négative » !
N’ayant plus de boussole pour les orienter dans la tempête qui grossit, économistes et politiques réagissent au jour le jour, sans visibilité et surtout sans stratégie aucune, tandis que, dans chaque pays, la colère populaire monte très vite contre leurs mesures injustes, intolérables, incohérentes et destructrices de l’économie.
Ainsi, quelques rares économistes osent encore soutenir que l’euro ne serait pas un instrument spéculatif merveilleux pour les spéculateurs, ceci alors même que les évènements, depuis des mois, démontrent exactement, concrètement, que l’euro est un outil spéculatif de rêve, efficace à souhait, si on se place du point de vue des spéculateurs, pour saigner l’économie des 16 de la zone euro, et des 11 autres derrière.
La crise de l’euro est d’ailleurs la meilleure preuve vivante de la nature réelle de l’euro.
De même, le débat franco-français sur la fiscalité et les dépenses publiques est devenu un non-sens absolu.
En effet, alors que les 27 maisons nationales de l’UE brûlent et que leurs économies sont au bord de l’effondrement, ces débats sont totalement hors sujet et sans utilité aucune pour personne, d’autant plus que les nécessités propres à la spéculation systémique ne peuvent, quelles que soient les vertus supposées des uns ou des autres, que les amener tous un jour, dans ce contexte, à être en banqueroute, eu égard aux normes du système actuel.
Car l’antagonisme mortelle pour les deux entre économie réelle et spéculation financière est irréductible dans le cadre de ce système.
Ce qui est en cours sous nos yeux...
Les évènements des derniers jours ont montré aux esprits les plus bornés que la crise est bien systémique, même si son expression au niveau de la zone euro et de l’UE est particulière du fait de l’existence de l’euro comme monnaie collective à 16 pays.
Les initiatives et déclarations, de tous bords politiques, qui poussent à un abandon de l’euro et à la restauration de monnaies nationales, n’ont de sens réel, sur le plan économique et social, que si ces décisions éventuelles de quitter l’euro sont associées à des mesures politiques visant à ne plus soumettre les économies nationales à la spéculation, donc à ses conséquences destructrices pour les Etats, et derrière eux, contre les peuples.
Le cours des évènements est de plus en plus tumultueux.
Ceci dit, il est vrai qu’une des grandes craintes des spéculateurs à ce jour est que l’euro explose, se désintègre et disparaisse de la scène. Eux mesurent bien les significations profondes, pour le système épuisé qu’ils maintiennent en vie par leur activité dévastatrice, de la mort annoncée de l’euro...La fin de l’euro signerait un coup terrible porté aux spéculateurs.
Pendant ce temps, du fait des politiques gouvernementales suivies, la crise de l’euro, la crise des dettes étatiques se transforme partout en crise politique d’une ampleur sans précédent.
C’est vers le présent et le futur que doit se tourner maintenant l’action citoyenne collective organisée car les évènements qui se dessinent vont exiger des peuples et des dirigeants de rebâtir de fond en comble un système économique viable, ceci afin d’assurer le devenir de l’humanité..
Nous reviendrons bientôt sur cet aspect de la crise qui change de nature et de puissance à grande allure.
PS : Après les rumeurs sur les menaces, vraies ou fausses, de Nicolas Sarkozy de sortir la France de la zone euro, des informations, réelles ou non, surgissent de tous côtés sur des souhaits politiques de restauration de monnaies nationales.
Ce qui est intéressant dans ces rumeurs ou initiatives est qu’elles tendent toutes à insinuer dans l’opinion publique l’idée que l’euro est déjà une monnaie condamnée. En même temps, ces rumeurs, colportées par des journaux réputés, indiquent bien l’état de panique et de désarroi qui règne dans les sphères dirigeantes.
Il est aussi significatif que des médias nationaux divulguent des dires attribués à Nicolas Sarkozy selon lesquels Angela Merkel rêverait de redonner le DM (Deutsche Mark) à l’Allemagne. A quoi répondent des rumeurs qui courent, indiquant que l’Etat allemand imprimerait en cachette des billets dans sa monnaie nationale d’avant 2002.....
Nous avons là des pâles reflets des contradictions immenses et dislocatrices de l’UE qui se font jour entre Etats et au sommer même de l’UE, où Barroso veut que la Commission Européenne, organe non élue, décide les budgets des Etats avant que les parlements nationaux ne les votent. Cette déclaration de Barroso signe le mépris ultime des vestiges de la démocratie en Europe par cette Commission que personne n’a élue, ni mandatée !
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