On nous rebat les oreilles avec les analyses et les mesurettes alors que le système financier est en train de se volatiliser sous nos yeux. Pourtant des solutions sérieuses viennent d’être avancées au Sénat italien.
Ca y est ! Les experts et les responsables politiques nous gavent de discours et d’analyses sur la crise financière. Mais ils devraient s’entendre dire que c’est un peu tard pour cela…En effet, si la « crise » vient juste de prendre le monde par surprise, il n’aura pas échappé aux observateurs avisés que cette désintégration du système était inscrite dans les gènes du système. Alors les personnages publics auront beau couvrir leurs manquements des vingt dernières années avec de grands mots, il n’en reste pas moins que ce que les gens et les économies ont besoin c’est un plan de sauvetage, non pas des spéculateurs (« faites moi confiance je connais le croupier » qu’ils disaient), mais de ce qui permet de vivre (ce qu’on appelait jadis « l’économie de production »).
Depuis quelques semaines, Sarkozy, Hollande, Attac, Soros, et d’autres se sont tous succédés pour parler d’un nécessaire « nouveau Bretton Woods », mais on a remarqué qu’hélas bien peu sont ceux qui savent de quoi ils parlent. Que feraient-ils dans une nouvelle conférence de Bretton Woods ? Interdire les parachutes en or ? Raviver le fantasme impérialiste de Keynes d’une monnaie supranationale ? Faire une taxe sur la spéculation ? Donner le pouvoir de réguler la finance aux banques centrales qui renflouent déjà les perdants ? Tout ça n’est pas très sérieux.
Pourtant, et nos parlementaires devraient s’en inspirer rapidement (on peut peut-être les y aider), 19 sénateurs italiens viennent d’écrire et de déposer hier une motion « pour une réorganisation du système monétaire et financier international : le Nouveau Bretton Woods ». Et là tout y est ; les griefs sont brefs mais frappant, et les propositions (enfin !) sont solides et inspirées. Loin du blabla régulationniste, il y est question de mise en redressement judiciaire des banques et d’un accord international initié par « les pays européens, les Etats-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde », déjouant ainsi les jeux de blocs régionaux, et visant à un système « de taux de change fixes » permettant d’établir « un système de crédit plutôt qu’un système purement monétaire » permettant d’alimenter l’économie réelle en « crédit productif » pour financer le développement « à long terme ». Et pour ceux que j’entends déjà hausser les épaules d’un dépit habituel et monotone en pensant que ça n’a rien de sérieux, le ministre de l’Economie italien Giulio Tremonti a confirmé que l’Italie présenterait le projet de Nouveau Bretton Woods dès qu’elle prendra la tête du G8 en janvier.
Bien sûr, au Sénat comme au gouvernement, les supplétifs de l’ordre financier feront tout pour altérer et déformer ces propositions, mais c’est au moins un droit et surtout une responsabilité de faire savoir au monde et à chacun que cette bataille a lieu maintenant et au plus haut niveau. Et il conviendrait que le citoyen lambda s’en mêle avant que les guichets des banques ne soient pris d’assaut et que l’on se chauffe au bois !
Puisque le but de cet article est de faire connaître l’initiative des sénateurs italiens, la voici donc :
Motion pour une réorganisation du système monétaire et financier international : le Nouveau Bretton Woods
Le Sénat
Attendu que,
L’intensification de la crise financière internationale ces dernières semaines, avec, entre autres, les faillites de Fannie Mae, Freddie Mac, Lehman Brothers et AIG, a forcé le gouvernement américain et de nombreuses banques centrales à intervenir en urgence pour éviter une réaction en chaîne qui mettrait l’économie mondiale à genoux ;
La gravité de cette crise, représentant une menace pour les conditions de vie des peuples du monde et une source de déstabilisation stratégique, a déjà été dénoncé par le Parlement italien en 2001 (motion Lettieri à la Chambre, motion Peterlini au Sénat, et d’autres) dans des motions appelant le gouvernement italien et la communauté internationale à agir pour créer un nouveau système financier évitant les crises financières futures et promouvant la reconstruction de l’économie réelle ;
Malgré ces appels, les autorités politiques et monétaires en Europe et aux Etats-Unis ont continué à permettre – et promouvoir de fait - une économie basée sur la croissance de valeurs financières fictives, sans aucuns liens avec l’économie productive, comme on l’a vu dernièrement avec la bulle des hypothèques subprime et la spéculation sur les matières premières, l’énergie et l’alimentaire ;
L’absence de mesures pour changer de direction a mené aux évènements dramatiques de ces derniers mois et de ces derniers jours. A l’heure actuelle, les autorités se retrouvent à courir d’un feu à l’autre, rendant plus évident encore que le trou engendré par la spéculation ne peut être bouché. Malheureusement, plutôt que de suivre l’exemple de la reconstruction d’après guerre en Europe ou du New Deal du président américain Franklin Delano Roosevelt pendant la Grande Dépression, les autorités tentent aujourd’hui d’utiliser les fonds fournis par les Etats pour couvrir les pertes engendrées par les titres hypothécaires (MBS – Mortgage Backed Securities) et les instruments dérivés qui ont multipliés les valeurs spéculatives au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. On peut noter l’exemple du but déclaré dans le sauvetage d’AIG et d’autres institutions, de garantir la couverture des titres dérivés liés à la spéculation dans le secteur des prêts subprime plutôt que de protéger les activités économiques ordinaires. Une telle tentative est non seulement inutile, mais elle promet d’aggraver la crise qu’elle prétend résoudre en provoquant de surcroît une hyperinflation. En effet, une enquête récente du Congrès américain a montré que les liquidités émises par les banques centrales pour sauver les opérateurs financiers sont utilisées pour de nouvelles activités spéculatives qui ont amenés à l’explosion des prix du pétrole et des produits alimentaires ces derniers mois.
Par conséquent,
Le gouvernement italien doit agir au niveau international pour promouvoir une réorganisation du système monétaire et financier international, et coopérer avec les principales puissances mondiales pour établir un nouveau système, sur le modèle du Nouveau Bretton Woods proposé par l’économiste américain Lyndon LaRouche :
1. La réorganisation du système financier devra suivre le modèle de redressement judiciaire dans lequel les dettes spéculatives – qui représentent la grande majorité des valeurs inscrites dans les bilans des principales banques commerciales et d’affaires, ainsi que d’autres institutions financières et même des collectivités locales italiennes ( !) – seront annulées afin de sauver, jusqu’à un certain montant, les investissements des petits épargnants, y compris dans les fonds de pension et les autres instruments financiers non-spéculatifs, et de garantir le financement des activités essentielles de l’économie réelle. Le Bien commun (General Welfare) doit précéder les obligations financières créées pour alimenter la bulle spéculative.
2. De nouvelles règles devront garantir la stabilité nécessaire pour la production et le commerce international : a. des taux de changes décidés par voie de traité (« fixed exchange rates »), évitant ainsi les oscillations spéculatives des marchés ; b. un contrôle des transferts de capitaux spéculatifs (« capital controls »), favorisant les investissements à long terme dans l’économie productive ; c. un système de crédit assurant des investissements à bas taux d’intérêts et à long terme dans l’infrastructure, l’industrie et la haute technologie (« productive credit ») afin de rompre avec la tendance de ces dernières décennies encourageant la recherche du profit facile qui pénalise l’activité productive.
3. Un système de crédit plutôt qu’un système purement monétaire. Considérant que les banques centrales émettent arbitrairement de la monnaie pour des raisons d’ajustement monétaire, il convient de créer un système qui fournisse le crédit dans le but d’encourager le développement économique. Ce modèle trouve son origine dans la Constitution des Etats-Unis et fut appliqué par le secrétaire au Trésor Alexander Hamilton, mais aussi par Lincoln et le grand président Roosevelt face au krach et à la dépression des années 30. Un système de crédit plutôt que monétaire fut l’idée inspiratrice du système de Bretton Woods, qui fonctionna très bien jusqu’à ce qu’il soit abandonné en 1971 ; il est aujourd’hui ravivé par l’ influent économiste Lyndon LaRouche.
Enfin, considérant l’histoire tragique des guerres qui ont éclaté, coïncidant avec les crises économiques passées, le Sénat engage le gouvernement à agir pour que les pays européens travaillent en accord avec les principales puissances mondiales, en particulier les Etats-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde, afin de poser les bases d’une coopération internationale pouvant réaliser les objectifs précités et surmontant l’opposition de ceux qui veulent conserver leur pouvoir en encourageant les conflits et les divisions qui entravent le progrès du monde dans son ensemble.
Les sénateurs PETERLINI, D’ALIA, PINZGER, THALER, FOSSON, GIAI, CINTOLA, CUFFARO, BAIO, BOSONE, MOLINARI, NEGRI, RANDAZZO, ROILO, GHEDINI, BERTUZZI, GUSTAVINO, BLAZIMA, MARITATI.
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