Après une crise sans précédent, la question, qui est à l’ordre du jour, est celle de la reprise. L’envolée du marché des actions, du prix des matières premières (pétrole, sources d’énergie et minéraux) en serait le signe annonciateur, même si la tendance est en train de se retourner.
Le taux de croissance, en Allemagne et en France, est repassé en territoire positif (0,3% au troisième trimestre en France et 0,7% en Allemagne ), quant aux Etats-Unis ils ont enregistré une croissance record, au quatrième trimestre, de 5,7% et le marché immobilier se stabiliserait.
Peut-on en conclure pour autant que la crise est finie et est-il possible d’anticiper une reprise forte et durable ?. De nombreux facteurs plaident, en réalité, pour un scénario de récession à double détente (W). Mais il faut comprendre, au préalable, pourquoi la reprise sera faible
Pourquoi la reprise sera faible :
Il y a deux raisons essentielles qui expliquent pourquoi la reprise sera faible : l’insuffisance des plans de relance (si on met de coté le problème de l’endettement) et l’échec relatif des plans de sauvegarde du système bancaire.
Depuis le début de la récession, l’économie américaine à perdu environ 6,5 millions d’emploi ; si on ajoute à cela les 100 000 emplois qui sont nécessaires par mois, pour tenir compte des facteurs démographiques, on arrive à une perte globale de 8,5 millions d’emplois. En conséquence plus le trou sera important, plus il sera difficile à combler.
Paul Krugmann (le prix Nobel d’économie) met en lumière les contradictions de la politique de relance de l’administration OBAMA : « tout ceci est tristement familier à quiconque a étudié les politiques économiques des années 1930. Une fois encore, un président démocrate a impulsé des politiques de création d’emploi qui atténueront la récession, mais sont insuffisamment vigoureuses pour provoquer un redémarrage complet de l’activité. Une fois encore, une bonne part de la relance décidée au niveau fédéral est annulée par les restrictions budgétaires décidées an niveau local et par les états de l’union » (New York Times, 2 juillet).
L’autre point essentiel à considérer, ce sont les dommages subis par le système financier mondial, dûs à l’utilisation de produits titrisés, qui ont rendu celui-ci insolvable (sans l’aide de l’état) et ont entravé sa capacité à s’acquitter de son rôle économique qui est de prêter aux ménages et aux entreprises.
Tant qu’on n’aura pas sorti du bilan des banques les actifs toxiques, on n’aura pas réparé l’essentiel des dommages subis par le système financier.
L’actuel frémissement que l’on sent dans l’économie mondiale ne sera pas relayé et amplifié par la reprise du crédit. Celui-ci est du aux effets mécaniques des plans de relance ainsi qu’a la fin du déstockage des entreprises. La réussite du plan de relance chinois repose aussi sur une politique de crédit facile en direction des ménages et des entreprises.
On peut donc dire qu’aucun des problèmes structurels posés par la crise n’a été résolu.
En outre le relâchement de la politique monétaire a créé une bulle d’actifs.
Le relâchement de la politique monétaire a créé une bulle d’actifs :
L’extrême relâchement de la politique monétaire : intérêts à taux zéro, mesures de détente quantitatives, nouvelles facilités de crédit, émission d’obligations d’état et rachat d’actifs privés non liquides et à risque, auquel s’ajoute la dépenses de sommes colossales pour stabiliser le système financier, est en train de créer une bulle d’actifs, due à l’injection massive de liquidités sur les marchés financiers et ceux des matières premières.
Ceci conduit à une augmentation trop rapide et trop précoce du prix de l’énergie. Si le prix du pétrole se situait au même niveau que lors de l’été 2008 (franchissement de la barre des 100 dollars, voir des 140 dollars), cela nous mènerait tout droit à une récession en forme de W.
On peut donc dire que l’augmentation actuelle du prix des actifs par rapport à leur niveau de mars repose à la fois sur des anticipations, trop optimistes, de reprise rapide de la croissance vers son niveau potentiel et sur une bulle de liquidités qui fait augmenter le prix du pétrole et des actions de manière trop rapide et précoce.
Le scénario d’une récession à double détente se précise, d’autant plus que l’augmentation du chômage aggrave considérablement les choses.
Les conséquences de l’augmentation du chômage :
On peut prédire que le taux de chômage sera supérieur à 10% dans l’ensemble des pays développés en 2010. En effet les chiffres récemment publiés montrent une aggravation du chômage.
En réalité les données brutes masquent l’ampleur du problème. Tout d’abord, si l’on ajoute les emplois à mi-temps et les travailleurs découragés par la recherche d’un emploi, alors le taux de chômage monte à 16,5% aux Etats-Unis.
Les politiques de relance, mises en place par l’ensemble des pays, ont été incapables d’inverser cette tendance.
Cela a pour conséquence une baisse dramatique des revenus du travail.
Ainsi aux Etats-Unis, la productivité a augmenté de 6,4% au second trimestre, du fait d’une contraction dramatique des heures travaillées (-7,6%) ainsi que d’une baisse du coût unitaire du travail -5,8% (la plus forte baisse depuis 9 ans).
En effet les entreprises demande à leurs salariés, afin d’éviter les licenciements, d’accepter des réductions de salaire. British Fairways a demandé ainsi à ses salariés de travailler un mois sans percevoir de salaire.
Cette compression importante des emplois et des revenus du travail aura des conséquences majeures sur l’économie et les marchés financiers.
La baisse des revenus implique une baisse de la consommation, d’autant plus que les ménages ont du faire face à une diminution de la valeur de leurs biens (et donc de leur richesse) et à une augmentation de leurs dettes.
La consommation représente, dans l’ensemble des pays développés, 70% du PIB, c’est dire l’ampleur du problème. La bonne tenue de la consommation (0,3%), dans notre pays (et en Allemagne), est due pour l’essentiel à la prime à la casse.
Mais cela va aussi entraîner une crise immobilière bien plus conséquente et lourde, puisque le chômage et la baisse des revenus va entraîner une augmentation des taux de défaillances et des saisies immobilières.En 2009 ce seront prés de 8,4 millions d’américains qui ont contracté un emprunt qui seront incapables de l’honorer.
L’augmentation des taux de défaillance ne se fera pas sentir uniquement sur les prêts immobiliers, mais aussi sur le marché des prêts commerciaux, des cartes de crédit, des prêts étudiants, des prêts automobiles ….etc.
Les pertes des banques sur leur actifs toxiques et leurs besoins en capitaux devraient être bien plus important que prévus (stress test).
Enfin l’augmentation du chômage enferme les politiques économiques des Etats dans un véritable « dilemme cornélien ».
Le dilemme de la politique économique :
Celle-ci (l’augmentation du chômage) entraîne une augmentation du déficit budgétaire, puisque les stabilisateurs automatiques font augmenter les dépenses et diminuent les recettes fiscales (dans notre pays, les recettes fiscales ont diminuées de 30%°).
D’un autre coté une telle augmentation (d’un point de vue politique) appelle la mise en place de nouveaux plans de relance.
Mais avec un déficit budgétaire dépassant les 10% aux Etats-Unis et les 8% en France (en 2010), une dette publique dont on estime qu’elle va doubler, par rapport au PIB aux Etats-Unis, et atteindre 100% du PIB en France, d’ici 2014 et la monétisation des déficits, on peut craindre (à moyen terme) une forte augmentation de l’inflation et donc des taux d’intérêts réels plus élevés, ce qui freinera la consommation des ménages.
Donc, même si les plans de relance sont nécessaires pour limiter la progresion du chômage, les gouvernements n’ont plus les moyens d’une telle politique.
Si, comme le Japon dans les années 1990 et les Etas-Unis en 1937, ils réduisent les dépenses et augmentent les impôts top tôt, leur économie sombrera de nouveau dans la récession.
Mais s’ils acceptent l’augmentation des déficits, les taux longs monteront de manière inexorable traduisant l’impact des déficits budgétaire sur le risque souverain et sur l’incitation à monétiser ceux-ci. En conséquence et de la même manière, l’augmentation du prix de l’emprunt sur les marchés obligataires freinera la reprise et pourrait entraîner une rechute dans la récession, en obligeant les Etats à monétiser systématiquement leurs déficits.
Les Etats sont prisonniers de leurs dettes.
Ils n’ont plus de cartouche de réserves et la politique monétaire a peu d’impact sur les économies qui souffrent de problème d’insolvabilité et de dettes. En outre, le risque inflationiste est très fort à moyen terme.
En conclusion l’existence d’une bulle d’actifs sur le marché des actions et des matières premières auquel s’ajoute les conséquences du chômage sur la consommation, le prix de l’immobilier, les bilans des banques, ainsi que le dilemme de la politique économique des Etats permettent de valider le scénario d’une récession à double détente, en forme de W : commencement de la seconde jambe haussière, en France et en Allemagne, au second trimestre, et aux Etats-Unis au cours du troisième trimestre. La rentrée dans la troisième baissière pourrait se produire au début du troisième ou du quatrième trimestre 2010.
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Nous ne sommes pas dans une récession mais dans une dépression et bien plus profonde que celle de 1929. C’est le système dans son ensemble qui explose.
Vous dites : " Tant qu’on n’aura pas sorti du bilan des banques les actifs toxiques, on
n’aura pas réparé l’essentiel des dommages subis par le système
financier."
Comment ?? en les transférant sur les comptes des États..... on en voit déjà les limites. En les passant par perte et profit, (surtout par perte ) peu de banque y résisteront ( La FDIC prévoit déjà la faillite de 700 banques US dans les deux ans) Alors ou est la solution ?
Les sommes sont tellement colossales que personnes ne peut les absorber, le système financier est mort. Depuis plus d’un an, on biaise on truque les bilans, on modifie les plans comptables, on fait marcher la planche à billet etc, c’est un jeu de dupe, on gagne du temps, plus dur sera la chute.
On a transféré un partie de la dette privée, vers les Etats, et maintenant qu’allons nous faire ?? transférer la dette publique vers le FMI ou essayer de la faire payer l’addition aux citoyens qui n’en ont pas les moyens ???
Il serait temps de sortir des analyses purement macro économique et de regarder la réalité en face. Ce Week-end les Islandais vont se prononcer par referendum sur le règlement de leur dette. Hier les Grecs étaient dans la rue, demain ce sera d’autres peuples qui feront entendre leurs voix, de crise économique , nous sommes passé à une crise politique globale qui pourrait bien emporter dans la tourment les États.
Dans votre tableau, vous omettez de préciser que partout les rentrées fiscales diminuent et que les dépenses sociales explosent, comment dans ces conditions croire que le plan d’austérité imposé à le Grèce va pouvoir être couronné de succès ????
Il y a un principe simple dans une économie capitaliste : Celui qui ne peut plus acheter, ruine celui qui ne peut pas vendre. Tout le monde semble l’avoir oublié....... Dans ces conditions se demander si la reprise sera en W en L en V en X ou autres, n’a pas de sens.
vous écrivez : "Le taux de croissance, en Allemagne et en France, est repassé en
territoire positif (0,3% au troisième trimestre en France et 0,7% en
Allemagne ), quant aux Etats-Unis ils ont enregistré une croissance
record, au quatrième trimestre, de 5,7% et le marché immobilier se
stabiliserait."
Et j’ai bien failli m’arreter là .... ces données sont-elles réellement crédibles ?
Si les Etats ont pu dissimuler leur situations réelles depuis (et même avant) le passage à l’€, qui me dit qu’ils produisent aujourd’hui des données sincères ?
Vous êtes un des premiers sur Avox a parler d’une stabilisation du marché immobilier. Quelles sont vos sources ?