De l’utilité de sauver les restes de notre industrie
Sans Merlin le moteur enchanteur, pas de chasseur Spitfire de la RAF, sans Spitfire pas de bataille d'Angleterre, sans bataille d'Angleterre peut-être pas de seconde guerre mondiale gagnée
Je ne cherche pas à imiter Morice (comme lui j'aime l'aviation) mais simplement à illustrer la nécessité impérieuse de sauver les restes des fleurons de l'industrie européenne, étant entendu que l’industrie allemande est un cas à part puisque c’est le fond de commerce de ce pays, industrie lourde mise à part peut-être
Quand au début des années 70 — juste avant l’ère Thatcher, Ouf ! — le premier ministre conservateur Edward Heath sauva Rolls Royce qui était à l'agonie en le nationalisant (bien sûr une fois sauvé RR fut re-privatisé par Margaret Thatcher en 1987), sans doute ne se rendait-il pas compte qu'il permettrait ainsi à l’Europe, 40 ans plus tard, d’équiper en moteurs les meilleurs avions d’Airbus et de Boeing
Depuis cet industriel moribond à la haute technicité, constructeur des sous marins nucléaires de Sa Majesté, a pris le contrôle des activités de contrôle-commande des centrales nucléaires françaises et constitue une des firmes majeures dans le domaine de l’armement et de la motorisation marine. J’ai conscience de friser les moustaches des gens de gauche en évoquant le lobby militaro-industriel responsable de ventes d’armes « agrémentées » de pots de vins ignobles. Ceci étant, il faut bien disposer d’une défense (si possible aussi d’un W. Churchill, cf la bataille d’Angleterre), et d’emplois techniques sous peine d’être un jour colonisés
Cette histoire exceptionnelle ne saurait cependant compenser à elle seule le mal qu’a pu apporter la politique de l’ère Thatcher-Reagan qui vit le démantèlement à tout va des industries anglaises et américaines au profit des activités de services et financières en parallèle à une ouverture sur les pays émergeants devenus lieux des productions sous-traitées
La France sous Mitterrand et Bérégovoy s’y est essayée aussi, initiant l’ère des fusions acquisitions, en général suivies de la vente à la découpe, tout cela pour servir des intérêts à 15% et plus aux investisseurs, lesquels se trouvaient parfois être des fonds de pensions, autrement dit les retraites des travailleurs anglo-saxons. Adieu Péchiney, CGE, Usinor, RVI, … nos champions nationaux sacrifiés sur l’autel de la dérégulation et de la mondialisation.
Dans ce monde de compétition implacable, nos derniers champions semblent avoir de plus en plus de mal à exporter leurs produits (exemple : Alsthom et son TGV) pourtant reconnus. En arriverait-on à une spécialisation implicite au niveau mondial selon laquelle la hauteur des salaires et la renommée (image de marque) détermineraient à elles seules à qui revient le marché : à l’Allemagne la mécanique et les voitures de haut de gamme, aux USA les cœurs d’ordinateurs et de logiciels, à la France le Champagne et les articles de luxe, au Japon les appareils photo et caméras vidéo, … ?
S’imagine-t-on que tout français, tout européen, doit se considérer aujourd’hui comme un citoyen du monde potentiel, qu’il soit volontaire pour s’expatrier ou délocalisé par son employeur avec salaire à la clé , polyglotte sur commande ?
Certes les cadres, peu solidaires des simples employés ou ouvriers en général, s’y voient bien et se la jouent en faisant mine de contrôler la situation (au début c’est flatteur de passer sa vie dans les avions et de baragouiner un pauvre anglais) ; ils se moqueront moins de la piétaille le jour ou le patron global délocalisera leur bureau d’études lui aussi, comme cela commence à se pratiquer.
Face à cette situation, les réflexions d’un Emmanuel Todd sont évidemment à prendre en compte. Il ne s’agit plus de soutenir l’UE sans condition mais au contraire de l’amener à négocier solidairement au sein de l’Europe une certaine dose de protectionnisme géographique basée sur le différentiel des prestations sociales entre notre UE et les pays émergeants.
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