Si la question du climat est devenue, pour certains, l’affaire du siècle qui commande toutes les autres, il va falloir expliquer pourquoi, en cette veille d’échéance fatale pour la planète, on en est encore à chipoter sur quelques dizaines de milliards d’euros (ou de dollars, peu importe) qu’on a si facilement trouvés quand il s’est agi de sauver les banques ?
Et comment il se fait que dans ces mêmes Etats plus libéraux les uns que les autres, on n’a pas envisagé une seconde de réduire les budgets militaires qui pompent la plus grosse part des finances publiques alimentées par les contribuables, de manière très inégalitaire d’ailleurs, au détriment des plus modestes ?
Il faut savoir : si l’on est capable de trouver des centaines de milliards par an, aux Etats-Unis (670 mds de $), des dizaines en France (32 mds d’Euros), comme en Grande-Bretagne, 36 en Russie, 56 en Chine toujours convertis en euros…les dépenses d’armement étant annuellement estimées dans le monde autour de 1 500 milliards de $ (dont près de la moitié pour les USA), on doit pouvoir en consacrer quelques centaines, par an, à l’aide au développement des pays les moins avancés pour qu’ils puissent accéder à une alimentation suffisante et à une croissance durable et écologique, à partir de leurs propres ressources.
Ce serait la moindre des choses puisque ces milliards d’humains sont évidemment les plus vulnérables aux catastrophes et aux conditions climatiques mais aussi au fait, non négligeable, qu’ils ne constituent pas des partenaires économiques car insolvables. Sans oublier que nous, les gouverneurs du monde, nous leur avons pas mal entamé leurs richesses naturelles.
L’ONU avance le chiffre de 100 mds de $ par an jusqu’en 2 020, pour les pays en développement, c’est-à-dire 6,6% seulement des dépenses d’armement toujours à la hausse dans les pays « riches ». L’UE parle de 100 mds d’euros, (146 mds $), qui dit mieux ? Des chiffres loin du compte selon les pays africains. Et qui ne sont même pas confirmés, la répartition faisant l’objet d’âpres négociations. L’UE envisage une participation de l’ordre de 3 à 22 mds de$ : c’est très élastique. Une partie proviendrait de la taxe carbone. On en est là.
Et voilà qu’on nous dit : « sauvons-les en sauvant la planète et ses habitants de la catastrophe imminente dont nous serions tous responsables... » Au point de modifier le climat !
Je ne relance pas le débat. Mais à supposer que ce soit vrai, serait-il incongru de poser la question des budgets d’armement et de la mise au rancart des armes nucléaires ? Neuf pays ont en stock quelques 23 000 ogives nucléaires. S’il y a une menace permanente bien réelle aujourd’hui sur la planète et nous tous, c’est bien celle-là ! Et ça nous coûte très cher.
Ce serait être populiste diront les tenants de la force comme seule garante de notre sécurité. Ou bien encore irréaliste, compte tenu que l’on parviendra difficilement à un consensus à l’échelle mondiale, du moins à court terme, ajouteront ceux, souvent les mêmes, qui s’accommodent fort bien du système ou qui lui font confiance par défaut.
Sans aucun doute faut-il en avoir la volonté politique et donner l’exemple plutôt que de poursuivre le surarmement et d’organiser le monde autour des intérêts de quelques grandes puissances elles-mêmes solidaires de celle d’où est partie la crise financière qui n’est que l’un des aspects de la crise plus générale du capitalisme.
Alors on cherche à transférer le coût des mutations économiques, écologiques, imposées par la proche pénurie des énergies fossiles et par un mode de production obsolète, incompatible avec l’environnement comme avec la justice sociale, sur l’ensemble des peuples dont on réduit sans cesse le pouvoir d’achat et les acquis au nom du « réalisme économique », « de la réduction des déficits publics », « du capitalisme moralisé ».
Ils seraient tellement plus crédibles, les chefs d’Etats occidentaux, s’ils annonçaient un transfert de leurs dépenses d’armements vers l’aide aux pays les moins avancés ou en développement, pour compenser les dommages qu’ils ont causés à la planète et les détournements de richesses qu’ils ont accumulées au fil des derniers siècles. S’ils annonçaient des réductions nettement plus ambitieuses des pollutions dont ils sont responsables. S’ils répondaient aux attentes de leurs propres peuples et aux besoins élémentaires des pays qui ne veulent pas rester au bord du chemin. Quelle nouvelle espérance soufflerait sur le monde !
Hélas, on n’en prend pas le chemin, d’autant qu’Obama, récemment nobélisé pour les objectifs de paix, de dialogue entre les peuples qu’il avait annoncés au monde, n’aura même pas le feu vert pour signer quelque engagement que ce soit à Copenhague. Le pays, premier pollueur de la planète, n’avait déjà pas ratifié le protocole de Kyoto !
Quant aux Européens, arrimés à l’OTAN, ils sont les brillants seconds producteurs et marchands d’armes engagés sur divers théâtres d’opérations extérieures, en tout bien tout honneur. On imagine très bien que les lobbies industriels de l’armement, comme ceux du pétrole, de la pharmacie et des autres secteurs d’activités que se partagent quelques grands groupes…sans oublier les banques, ne sont pas prêts à lâcher leur emprise sur l’économie qui leur assure des profits colossaux auxquels ils sont très attachés.
Ce n’est pas parce qu’ils se découvrent un penchant assez récent pour l’écologie qu’il faudrait y voir un virage de leur cuti idéologique. Pour ce qui est de la communication et de ses relais, ils savent faire. Les frasques d’un ministre de la culture et la fulgurante ascension d’un rejeton présidentiel sont abondamment commentées. Mais presse, télés et radios oublient de donner la parole aux scientifiques qui ne partagent pas les thèses officielles dont le GIEC est le dépositaire.
Les sceptiques, comme ils disent, n’ont rien compris au danger, au mieux ils le sous-estiment. Pas du tout : en général, ils n’aiment pas marcher au pas quand d’aussi nombreux climatologues à travers la planète dont on peut consulter les travaux grâce au net, qui parlent dans des conférences mondiales (sans retenir l’attention des « grands » médias)…avancent des arguments sur les origines et les causes des changements climatiques qu’il ne faudrait pas prendre en compte !
Comment se fait-il que des débats publics entre chercheurs, climatologues de préférence, ne soient pas organisés pour que l’opinion publique se fasse une idée de la nature des problèmes en discussion et de l’état de la recherche ? Plutôt que de nous asséner que le débat est tranché, qu’il y a consensus de la communauté scientifique, ce qui est manifestement faux.
L’urgence commanderait de ne plus discuter mais d’agir !
Un exemple : il y a deux ans, le patron de la NASA, Mickaël Griffin avait eu le malheur de déclarer sur radio NPR : « je n’ai aucun doute sur le réchauffement du climat de la planète mais je ne suis pas sûr qu’il soit exact de dire qu’il s’agit d’un problème contre lequel nous devons lutter… »
Malgré les précautions oratoires, ce fut un tollé parmi les adeptes du réchauffement d’origine anthropique, le conseiller d’Al Gore, James Hansen qualifiant le directeur de la plus grande agence mondiale d’étude de la terre, de l’espace et du climat « de grande ignorance de la situation actuelle ». Griffin a dû y aller d’un rectificatif tempérant ses propos qui nuançaient l’alarmisme qui n’allait cesser de se développer. Il vient d’être remplacé.
Nous n’en ferons pas un martyr, ni un révolutionnaire, simplement l’exemple des pressions qui s’exercent sur les voix discordantes qui risquent de se voir supprimer leurs crédits et d’être mises à l’écart si elles vont à l’encontre des positions du GIEC. Plusieurs de ses membres en ont d’ailleurs démissionné pour cette raison.
Vive la transparence et la démocratie !
René Fredon
Liens et références
Frédéric Lordon : »La crise de trop »
Gérard Le Puil : « Planète alimentaire : l’agriculture française face au chaos mondial »
Vincent Courtillot : « Nouveau voyage au centre de la terre »