Demain, 6 milliards de caisses automatiques : chiche !
L’important déploiement de caisses automatiques dans les grandes surfaces suscite de nombreuses réactions qui appellent au boycott ou même qui demandent l’intervention du législateur pour empêcher le mal de se répandre. Au delà de la parfaite arnaque que constitue cette mise en place autant d’un point de vue technique (on fait bosser le client à la place des salariés) que d’un point de vue social (vers la déshumanisation du commerce de masse) les caisses automatiques ne constituent-elles pas également un bon moyen de rendre le travail des employés de caisse moins pénible ?
La rationalisation du travail à la chaine, la mécanisation des travaux de force (bâtiment, industrie, agriculture), l’automatisation des procédés (robotique), l’organisation des flux dans l’entreprise et l’outil informatique sont autant de sources de progrès qui ont permis de faire l’économie de milliers d’emplois (et accessoirement de rendre certaines tâches moins pénibles).
On n’arrête pas le progrès
Le progrès, à force d’efficacité, fini nécessairement par détruire de l’emploi. En effet, hier, pour creuser les fondations d’une construction, il fallait 10 ouvriers armés de pelles et de pioches pendant une semaine, aujourd’hui, avec un tracto-pelle on termine le travail en une journée avec une seule personne (le conducteur de l’engin de terrassement).
L’emploi (de force) est perdu d’un coté et recréé ailleurs pour "construire" ce progrès (engin de terrassement). Sauf qu’il y a des pertes en ligne, à cause de cette efficacité. Plus on progresse, plus on innove et moins le monde a besoin de personnel pour la production économique de la planète. Et on fait ainsi l’économie de milliers d’emplois.
Chaque progrès technique permet, le plus souvent, une amélioration des conditions de travail, une élévation sociale (demandez à une caissière qui surveille 4 caisses automatiques de repasser sur une caisse en "manuel" : elle n’y verra que dévalorisation).
On ne peut pas refuser les évolutions techniques qui rendent la vie plus facile, le travail moins pénible. C’est le sens même du progrès, c’est la seule raison de son existence : l’Homme a les moyens intellectuels de vivre plus aisément sa vie (personnelle ou professionnelle). Grâce à cette aisance, le travailleur peut consacrer plus de temps à la valeur ajoutée "humaine" dans l’entreprise : on améliore la productivité (et on fait ainsi l’économie de milliers d’emplois).
Et demain ?
Dans ce contexte d’efficacité technique, que deviendrons-nous à moyen terme ? Évacuons les prédictions les plus pessimistes de notre avenir à la sauce hollywoodienne : point de SkyNet ou de Matrix à l’horizon. Simplement une automatisation inéluctable de notre monde qui fera inévitablement de moins en moins appel à l’intervention humaine (que ce soit pour sa force ou son travail intellectuel).
Comment accompagner les pertes d’emplois actuelles liées à la crise (dont on est censé n’être qu’au milieu) ? Il y a fort a parier qu’au cours de cette crise, les entreprises sauront faire face efficacement aux nouvelles contraintes économiques pour améliorer leur rentabilité. Les entreprises pourraient mettre la crise à profit et ainsi faire l’économie de milliers d’emplois.
Le progrès, ça sert à quoi ?
Des millions d’entreprises qui fabriquent des milliards de produits qu’elles vendront à 6 milliards de sans emploi : ce pourrait être ça notre avenir, en tout cas, c’est là que nous allons.
Une entreprise peut très bien fonctionner sans salarié, mais le monde peut-il tourner sans travailleurs ? Et si on finit par comprendre que le client et le salarié, c’est une seule et même personne, on choisit quoi comme modèle de société pour rendre tout ça vivable ?
- On continue à traverser la crise en priant pour que la sainte main invisible du marché remette tout ça en ordre ?
- On laisse le système se déséquilibrer en limitant les révoltes avec de la redistribution (RSA, allocations chômage, etc...) ?
- Ou alors, on partage le travail au risque de se satisfaire du temps libre du peuple au détriment de la performance des entreprises ?
La question n’est pas d’ordre économique, elle est politique.
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