Des profits sans nationalité
Aborder la question des profits des entreprises du CAC 40 sous l’angle national n’a plus grand sens dans un contexte économique mondialisé.
La totalité des sociétés du CAC 40 ont dévoilé leurs bénéfices pour le 1er semestre 2005 : au total ce sont plus de 40 milliards d’euros de profits engrangés, avec en ligne de mire un record absolu pour 2005 à plus de 75 milliards d’euros (pour donner un peu plus le vertige cela correspond à 500 milliards de nos anciens francs...)
Les commentaires ont donc démarré, sur deux modes : « c’est très bien, c’est un signe de bonne santé de nos entreprises » d’un côté, « c’est scandaleux, voire immoral », de l’autre. Une société comme Total, avec presque 6 milliards d’euros de résultat lors de ce semestre, au moment où le prix de l’essence s’envole, cristallise cette ambivalence des appréciations. Comme d’habitude la réalité est un peu différente.
Que des entreprises françaises fassent des bénéfices est une bonne nouvelle, mais aujourd’hui leur nationalité ne veut plus dire grand chose : ces entreprises sont majoritairement détenues par des acteurs étrangers (fonds d’investissements, fonds de pension...) qui empocheront donc de beaux dividendes ; elles emploient majoritairement hors de France, et dans la quasi-totalité des cas leur croissance ne génère que marginalement des embauches dans l’hexagone ; et enfin, au travers de leurs filiales, une partie des impôts payés ne tomberont pas dans l’escarcelle du fisc français. Les bénéfices de Total feront sans doute plus d’heureux du côté des retraités californiens ou dans certains pays d’Afrique en cours de prospection qu’à Gonfreville ou à Rouen.
En même temps, l’objectif de ces entreprises est bien de faire du profit - la question de sa redistribution et de son usage entre investissements, dividendes, baisses des prix pour les clients, ou amélioration des rémunérations pour les salariés est un autre débat - et en ce sens, déplacer la discussion sur le terrain de la morale n’a pas beaucoup de pertinence.
Dès lors, on peut penser que les arguments avancés par les commentateurs sont en décalage avec les vraies questions à poser : dans la mesure où la nationalité de ces entreprises n’a plus grand sens, quel est le vrai impact de leur croissance sur l’économie française ? comment s’assurer, dans la mesure où cela serait possible, que ces bénéfices très importants ne profitent pas uniquement à des actionnaires ou à des salariés hors de nos frontières ?
De façon symétrique, les bénéfices de sociétés étrangères pourraient massivement bénéficier à notre pays, si nous en détenions une fraction importante, ou si ces sociétés investissaient en France, y créant des emplois.
Ainsi nous voyons bien que dans un monde économique globalisé, financiarisé, et finalement apatride, la nationalité des très grandes entreprises devient un facteur secondaire quant à leur impact sur leur environnement d’origine. Il en va différemment des PME, et peut être mériteraient-elles plus d’attention dans les médias.
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