Dette publique : promesse non tenue ?
Près de 1 200 milliards d’euros de dette... Voilà le poids qui pèse sur les actuels et futurs contribuables. Alors que la réduction de cette dette avait, pour la première fois, fait l’objet d’un vrai débat lors de la campagne présidentielle, et que Nicolas Sarkozy avait annoncé son intention de la combattre, son ministre du Budget vient de repousser toute idée de réduction aux calendes grecques... Coïncidence, l’OCDE annonçait au même moment la légèreté de certains gouvernements en matière de politique budgétaire...

Lancé par François Bayrou lors de la campagne présidentielle, le débat sur la dette publique (et le poids qu’elle fait peser sur les futures générations) avait connu un retentissement inhabituel. Dans ce domaine, la situation de la France est préoccupante : en atteignant 63,7 % du PIB (c’est-à-dire de la richesse intérieure du pays), après un point culminant à 66,2% l’année précédente, la France est sortie des critères de stabilité fixés par l’Union européenne. Et encore, la récente décrue est due à des remboursements ponctuels (de la part de divers organismes publics) et non d’une amélioration structurelle de nos comptes publics. En gros, nous (l’État, notre système de santé etc.) continuons à dépenser beaucoup plus que nous ne gagnons.
Est-ce un problème ? Pour certains, non. Cette dette permet d’investir dans différents domaines pour le long terme, et les taux d’intérêts bas actuellement permettent de le faire. Sauf que, en France, nous n’empruntons pas uniquement pour de l’investissement, mais bien pour payer nos dépenses courantes, comme les salaires des fonctionnaires... D’aucuns rétorqueront que des pays comme les Etats-Unis ou le Japon se portent bien avec des déficits abyssaux, bien supérieurs à celui de la France. Cependant, c’est ne pas tenir compte des spécificités économiques de ces deux pays : un taux d’imposition global beaucoup plus faible au Japon (qui laisse des marges importantes), et des cycles de croissances bénéficiaires aux US (qui devraient être excédentaires vers 2012...). La France en revanche pâtit de cycles de croissance molle, et d’un taux déjà très élevé de prélèvements obligatoires... C’est la raison pour laquelle un consensus s’était établi au sein des principaux économistes, relayée par le rapport Pébereau, pour une réduction des dépenses publiques et une pause des baisses d’impôts, tant que la situation ne se serait pas stabilisée.
Politiquement, François Bayrou avait ainsi proposé l’interdiction de présenter un budget de fonctionnement en déficit (permettant cependant d’emprunter pour des dépenses d’investissement), tandis que Nicolas Sarkozy avait affiché sa volonté de faire repasser le déficit de la France sous les 60% du PIB à l’échéance de 2012. Le Parti socialiste en revanche s’était refusé à prendre des engagements sur ce thème.
Comme les différentes analyses des promesses du candidat Sarkozy le laissaient entendre, le gouvernement se retrouvait donc contraint de choisir entre tenir les promesses de cadeaux fiscaux faites par le candidat de l’UMP, et s’engager vers un budget plus vertueux. A trois semaines des élections législatives, la décision n’a sans doute pas pris plus d’une demi-seconde : le ministre du Budget M. Eric Woerth nous annonçait le 24 mai une « pause » dans la réduction des déficits...
Pour justifier cette décision, M. Woerth souligne que le nouveau gouvernement s’engage dans une série de baisses de prélèvements (bouclier fiscal, crédit d’impôt sur les emprunts immobiliers, réforme des droits de succession...) destinées à une « relance fiscale » et qui constituent un investissement pour la croissance. Contrairement à un accroissement du budget de la recherche et de l’enseignement supérieur, qui ont les faveurs de l’ensemble des économistes, force est de constater que cette interprétation du rôle de ces cadeaux fiscaux est sérieusement contestée. Ainsi, lors de "France-Europe Express" dimanche soir, Patrick Devedjian botta rapidement en touche quand le journaliste Jean-Michel Blier lui fit part des doutes quant aux retombées économiques de ces mesures.
Ironiquement, ce même 24 mai, l’OCDE, en la personne de son économiste en chef Jean-Philippe Cotis, mettait sérieusement en garde certaines économies occidentales, et en particulier la France, contre la tentation de baisses fiscales non financées par des réductions de dépenses équivalentes. Pour celui-ci :
« La réduction des déficits publics enfin observée depuis deux ou trois ans s’est cependant trop appuyée sur l’embellie cyclique des recettes et bien peu sur des économies durables de dépenses. Pour l’avenir, une réduction énergique des déficits structurels apparaît à la fois hautement souhaitable et assez improbable. Étant donnée, cependant, l’ampleur des enjeux, il est à tout le moins nécessaire de ne pas « détricoter » les progrès accomplis dans le passé en matière de consolidation budgétaire.
Dans ce contexte très exigeant, les décideurs publics ont le devoir de sanctuariser les plus-values fiscales qui s’accumulent actuellement. On évitera ainsi d’exacerber la reprise économique en cours tout en prévenant à plus long terme le retour aux tristes crises budgétaires d’après-boom qui ont été si fréquentes dans le passé. Mais les pressions à la dépense seront extrêmement fortes, étant donnée l’ampleur considérable et inattendue des rentrées fiscales en matière d’impôts sur les sociétés et le capital. Tenir ferme sur ses objectifs de dépense et prendre tout son temps avant d’envisager de nouvelles baisses d’impôt, tel devrait être l’« impératif catégorique » de décideurs publics orientés vers l’avenir. »
On le voit, le risque est bien que cette « pause » dans la lutte contre le déficit public, alors que les circonstances économiques sont favorables, ne se prolonge indéfiniment dès que les premières difficultés apparaîtront. Et que, comme d’habitude, les gouvernements et générations suivants paient les pots cassés.
27 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON