Faisons un peu d’économie bancaire. Si le crédit exprime de la part de l’emprunteur un besoin de liquidité, c’est-à-dire de monnaie, il exprime aussi chez la banque prêteuse un besoin de liquidité, mais en une monnaie très particulière, la monnaie banque centrale, c’est-à-dire la monnaie BCE. En effet, la banque qui a fait un crédit doit faire face à plusieurs contraintes qui l’amèneront à devoir disposer de liquidité en monnaie BCE. D’abord, la contrainte des ratios prudentiels et de solvabilité (comité de Bâle et Mac Donough) qui lui imposent de maintenir un équilibre entre ses fonds propres et les risques pris (rappel : un crédit comporte un risque potentiel de non-remboursement). Ensuite, le ratio de liquidité qui lui impose de maintenir un volume d’actifs liquides proportionnel au volume de son passif exigible, dont les dépôts naturellement (rappel : les crédits font les dépôts). Enfin, la contrainte d’honorer son courant de fuite, toujours en monnaie banque centrale (exemple : le virement que son client effectue chez une banque concurrente fait partie du courant de fuite).
Donc, plus une banque fait des crédits et plus son besoin en liquidité BCE grandit. Rappelons que c’est par ce biais que la banque centrale règle le volume de la masse monétaire dont la principale source est la création monétaire effectuée par les crédits à l’économie dispensés, normalement, par le système bancaire. Mais, plus elle fait crédit et plus elle court aussi le risque de voir son crédit non remboursé du fait de la défaillance de l’emprunteur. Et, c’est bien là le vrai problème d’aujourd’hui. En période de récession, chacun sait que le nombre de faillites augmente. La banque, aujourd’hui confrontée à des difficultés liées aux actifs pourris venus des Etats-Unis, ne veut pas, en plus, prendre de nouveaux risques sur des crédits qu’elle accorderait à des agents économiques eux-mêmes fragilisés par la récession.
On le voit, le besoin de liquidité prend sa source dans l’octroi de crédits à l’économie. Donc, il n’y a quasiment pas de besoin de liquidité bancaire si les banques ne font pas de crédits, comme aujourd’hui. Le problème est donc bien ailleurs ! Et, actuellement, c’est ce type de risque que les banques n’entendent pas du tout prendre avec de nouveaux crédits à l’économie. Les bourses l’ont bien compris et c’est pour cela qu’elles continueront leur baisse tant que le problème du risque de crédit n’aura pas été réglé.
Si les pouvoirs publics veulent arrêter cette spirale baissière infernale, ils doivent se préoccuper de manière urgente des causes du credit-crunch, tel que nous l’écrivions hier dans ces mêmes colonnes.
Il faut que les banques puissent rapidement revenir à leur métier de base qui est de recevoir des dépôts et… de faire des crédits. Sans crédit, c’est l’asphyxie de l’économie. Des faillites, des files de chômeurs et, in fine, des bourses qui ferment et des Etats aux abois qui risquent de voir ressurgir des nationalismes haineux et de toutes sortes.
Alors, que faut-il faire ?
Il faut un électrochoc ! La nationalisation des banques est-elle pertinente ? Non, car certaines banques sont largement in bonis, mais ne veulent pas encore prendre de nouveaux risques sur le crédit. Par ailleurs, si l’Etat nationalise, il devra dire qui prendra le risque de contrepartie né de tout crédit à l’économie qui sera distribué ?
Alors, avant d’aller vers une solution de facilité telle que celle de la nationalisation, nous avançons deux idées, peut-être les dernières. Il faudra :
1- Que les pouvoirs publics disent qu’ils prennent à leur charge et durant quelques semaines, afin que les choses se calment, le risque de crédit né des crédits nouveaux. Naturellement, les banques devront continuer à faire l’analyse normale du risque afférent à tout crédit dispensé. Pas question de ne plus être professionnelle et de financer tout et n’importe quoi, sous prétexte que c’est l’Etat qui paie.
2- Parallèlement à cela, il faut que la BCE baisse à nouveau son taux d’intervention. En le ramenant, par exemple pour deux ou trois mois, au niveau de celui de la Fed, à 1,50 %. On rappelle ici que celui de la Banque centrale du Japon est toujours à 0,50 %. Oui, proche de zéro pourcent. C’est bien cela !
Donc : baisse des taux de la BCE de 2,25 points et prise par l’Etat du risque de crédit durant quelques semaines, c’est ce type d’électrochoc que les marchés attendent. Les chômeurs et futurs chômeurs aussi !
Alors, courage Messieurs les politiques, c’est au pied du mur qu’on voit le maçon. Et, pas devant les caméras, tant qu’il n’a pas réussi !