Etendre les modalités horaires des cadres ou des enseignants à toutes les professions pour lesquelles c’est possible.
En 1975, Joël de ROSNAY publiait son Macroscope, ouvrage où il anticipait l’essor des nouvelles technologies. Il y développait en outre - un peu comme Edgar MORIN - un fort sens de la complexité et une profonde compréhension des mécanismes sociétaux.
Parmi les conséquences qui semblaient découler logiquement du développement des réseaux informatiques, le biologiste insistait sur la disparition des concentrations spatiales sur des centres et des axes : il n’y aurait plus besoin de s’entasser dans les villes et de faire des bouchons à 17h00. Les concentrations seraient appelées à disparaître, le travail à domicile permettrait de repeupler les espaces ruraux et excentrés.
35 ans après, les conséquences spatiales observables s’avèrent être exactement le contraire : tous les géographes spécialistes de la mondialisation, comme Jacques LEVY ou Jean-Christophe GAY s’accordent pour constater la concentration des activités économiques et le relâchement des maillages territoriaux au profit de concentrations sur des axes drainant de plus en plus de flux. C’est étonnant, illogique et procède d’une régression manifeste.
Cette évolution funeste se double du développement de nouvelles formes d’oppression économique, au travers d’un concept intellectuellement indigent mais à la mode, le "management". La rigidification des relations au travail, le formatage, le calibrage, l’obsession réglementaire sont des traits détestables de notre triste époque. Le pouvoir renforcé aux petits chefs, sous couvert d’une imposture nommée "autonomie des établissements" complète ce déplorable tableau. Ajoutons-y le déclassement de la plupart des métiers, envahis par l’inflation de règles infantilisantes là où auparavant la déontologie et la responsabilité régnaient : on pense en particulier aux professions médicales.
Manifestement, la cause de ces phénomènes n’est ni géographique, ni économique. Elle relève plutôt d’un esprit du temps, tourné vers l’obsession du contrôle social, opposant les catégories les unes aux autres. La jalousie pousse aussi une certaine plèbe à exiger le déclassement des professions qui leur semblent "privilégiées", au lieu de revendiquer pour eux-mêmes une mise à niveau de leurs statuts. Le sarkozysme triomphant n’est pas étranger à cette détestable mentalité ; mais dans cette surenchère démagogique, les socialistes ont donné de belles représentations.
Ainsi, on pourrait attendre de forces progressistes qu’elles développent précisément les idées de Joël de ROSNAY : laisser aux individus plus de latitude dans leur organisation horaire, développer le télétravail. Sur le plan social, c’est devenu une évolution souhaitable : l’argument selon lequel le télétravail isolerait les individus, démolirait les solidarités et renforcerait le management est intenable. C’est au contraire par la présence sur le lieu de travail que le management exerce le contrôle social, excite les rivalités, crée une pression ; les petits chefs sont sans cesse sur le dos des salariés, c’est la nouvelle mode chez les médiocres et les incultes déshumanisés qui remplacent petit à petit nos vieux cadres. Le travail à domicile revient à leur arracher ce minable pouvoir, c’est bien pour cela que les DRH y sont réticents. Question environnement, les bénéfices sont évidents : limiter les déplacements et les émissions de carbone inutiles, éviter les surfaces en bureaux et le chauffage qui va avec. Ajoutons-y la simplification des démarches administratives - de plus en plus nombreuses du fait de l’inflation réglementaire de notre société : les administrations n’étant pas ouvertes le soir et le samedi, je me suis toujours demandé comment faisaient ceux qui ne sont pas cadres ou enseignants.
Or quelles propositions a-t-on entendu de la part des socialistes et des écologistes (en particulier Gabriel COHN-BENDIT) ? Exactement le contraire : retirer la liberté de s’organiser et la possibilité de travailler à domicile aux rares professions qui l’ont déjà ! La démagogie consistant à montrer du doigt les enseignants qui pour la moitié de leurs activités travaillent chez eux (voire dans les bibliothèques ou les musées ou le terrain pour les scientifiques) est affligeante. Ségolène ROYAL et Gabriel COHN-BENDIT nous ont, tour à tour, parlé d’imposer 35h00 de présence à cette profession. C’est regarder l’avenir dans un rétroviseur et exciter démagogiquement la jalousie des petits esprits.
Le socialisme démagogique et l’écologisme bobo n’ont pas su prendre la mesure des évolutions que permettent les nouvelles technologies ; ils n’ont pas su faire une proposition réaliste et révolutionnaire : étendre les modalités horaires des enseignants aux professions pour lesquelles c’est possible.