Dorénavant, la propriété c’est le vol
Le 22 janvier 2012, en pleine campagne électorale pour les élections présidentielles, François Hollande déclare à 15H48 : « Les banques sauvées par les Etats mangent désormais la main de ceux qui les a nourries ». Quelques minutes plus tard et sous un toner d’applaudissement il rajoute : « Mon véritable adversaire, c'est la finance ». Le soir même au journal de 20H, alors qu’au même moment sur RTL, François Baroin lâche : « Il n'y a pas d'économie sans finance, il n'y a pas d'économie sans banques », François Hollande annonce qu’il séparera les banques de dépôts des banques d’investissement.
Depuis, François Hollande a été élu président, Michel Sapin ministre des finances déclare qu’il « aime la bonne finance » et Arnaud Montebourg nous fait un trait d’esprit : « La finance, c’est comme le cholestérol. Il y a la bonne et la mauvaise. ». Macron qui a fait carrière à la banque Rotchild et est conseillé de l’Elysée devient notre nouveau ministre des finances et est bien placé pour remplacer Manuel Valls à son poste lors du prochain remaniement ministériel après la déroute annoncée des élections régionales.
Sans être naïf, on aurait pu penser que le renoncement sémantique de notre cher président se serait borné à une attitude passive vis à vis des établissements financiers de notre pays, il n’en est rien.
Le 15 mai 2014, le parlement européen établit une directive visant à assainir la situation des banques et établissements financier, afin qu’à l’avenir, ce ne soit plus aux états à renflouer les banques lors des crises bancaires, comme celle que l’on a connu en 2008. Cette directive de 190 pages, très technique est sortie tout droit des bureaux de la City à Londres et est tellement restrictive que même un pays comme le Luxembourg a refusé de la transposer dans son droit national. Pour cela, ce pays sera poursuivi, avec aussi les Pays-Bas, la Suède, la République tchèque, la Pologne et la Roumanie par la Commission européenne devant la Cour de justice de l'Union européenne.
Le 20 août dernier, en pleine période de vacances, Bercy transpose cette directive, par une simple ordonnance et sans débat à l’assemblée nationale. Si vous ne savez pas à quoi sert Emmanuel Macron, maintenant vous le savez.
En 2008, les états ont été contraints de renflouer les banques en difficulté suite à la crise des Subprime. Cette recapitalisation des banques par l’argent de l’état a entrainé une récession due à l’accroissement de la dette publique. C’est pour éviter de nouvelles déconvenues que cette directive a été créée. On pourrait penser qu’elle part d’un bon sentiment. Mais comme l’enfer est pavé de bons sentiments et que le diable est dans le détail, il suffit de lire cette directive pour s’apercevoir que ça ne va pas se passer comme prévu.
Donc la directive dit qu’avant que l’état ne vienne en aide à une banque en difficulté, ce seront les actionnaires et les créditeurs qui devront subir leur part des pertes. Si ça ne suffit pas, les dépôts bancaires dépassant les 100 000 euros seront ponctionnés et ensuite ceux de moins de 100 000 euros qui sont censés être garantis par le Fonds de garantie des dépôts bancaires. Dit comme cela, le français moyen n’a pas de souci à se faire, car il est quand même très rare qu’il ait plus de 100 000 euros sur son compte. Et si c’est le cas, il est très mauvais gestionnaire. De plus il est normal que l’actionnaire qui aime bien, prendre des dividendes au passage, prenne enfin sa part de risque dans l’entreprise. Mais dans une banque, qui est l’actionnaire ? Celui qui, par obligation et sans même en avoir connaissance, a pris une part sociale lors de l’obtention d’un crédit, soit 90% des détenteurs de prêts immobiliers. Celui qui a fait l'acquisition d'obligations bancaires dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie multisport en unités de valeur, soit 100% des contrats multisport. Et déjà là ça commence à faire beaucoup d’actionnaires qui vont voir leurs économies disparaître lorsque la banque éternuera.
Quant à ceux qui ont moins de 100 000 euros sur leur compte, le Fonds de garantie des dépôts bancaires devrait en théorie les rembourser. Seulement, le Fonds de garantie des dépôts bancaires européen qui a été créé pour l’application de cette directive et devait recevoir 55 milliards d’euro (même pas de quoi sauver les dépôts d'une seule banque en faillite) a été refusé par l'Allemagne en septembre dernier et le Fonds de garantie des dépôts français ne dispose qu'un peu plus de 3 milliards de réserves.
Il suffit de se souvenir, qu’un simple courtier, comme Jérôme Kerviel, a pris des positions sur des contrats à terme pour un total d’environ 50 milliards d'euros (plus que les fonds propres de la banque) et a entrainé des pertes à hauteur de 4,82 milliards d'euros, pour se rendre compte que 3 milliards de réserves ne pèsent pas lourd et ne garantissent rien du tout.
Certain vont encore me dire que je suis très pessimiste, que les banques sont redevenues sérieuses et que le système s’autorégule pour éviter de nouvelles catastrophes financières. Dans une économie mondialisée où la croissance se situe au niveau de zéro, est-ce qu’il est raisonnable de penser que nous vivons une situation économique normale ? Quand l’argent ne rentre pas, les banques ne vivent pas. Pour toutes les banques, les activités classiques de dépôts sont peu rentables et l’émergence de de nouveaux acteurs du numérique pour le paiement en ligne, les transactions, le crédit, etc., détruit de plus en plus leurs marges. Pour survivre, les banques n’ont pas d’autres choix que d’aller sur les marchés dérivés plus risqués mais plus rémunérateurs. La séparation des banques de dépôts des banques d’investissement n’était qu’un leurre pour électeur en mal de promesse et n’a aucun fondement réel.
A cela il faut ajouter la situation économique de tous les états, car aucun n’est vertueux dans ce domaine. Le montant total de la dette mondiale est passé de 142 trillions de dollars en 2007 à 199 trillions de dollars en 2013, soit 269 % du PIB mondial en 2007 à 286 % en 2013. La dette augmente plus vite que l’économie mondiale et il arrivera un moment où la croissance générée ne sera pas suffisante pour payer la dette. Les dettes publiques sont devenues des actifs toxiques et les banques qui possèdent la totalité de ces actifs sont tous au bord du gouffre.
Dans le passé, les états garantissaient les risques financiers des banques, à partir du 1er janvier 2015, ce seront les particuliers (vous et moi) qui garantiront et financeront avec leurs économies les prochaines crises bancaires. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 déclare dans l'article 17 la propriété comme un droit inviolable et sacré. On savait la commission européenne antidémocratique, aujourd’hui elle est contraire aux droits de l’homme. Quant aux adeptes de Proudhon qui pense que « la propriété c’est le vol », ils viennent de trouver des émules en la personne de Macron et des membres de l’UE.
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