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Accueil du site > Actualités > Economie > Doutes sur la croissance mondiale… Regarder plutôt du côté des taux (...)

Doutes sur la croissance mondiale… Regarder plutôt du côté des taux de profit ?

 

Les prévisions de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ne sont guère optimistes pour l’économie mondiale. D’après la vénérable institution, la croissance mondiale se situera, en effet, à son niveau le plus bas (soit 2,9%) depuis la Grande Récession de 2008-2009.

 

Pour 2021 et 2022, les perspectives ne sont guère meilleures puisque pour ces deux années, le taux de croissance annuel du PIB mondial devrait également être à peine de 3%. Ce constat, pour le moins glaçant, mérite, par delà les chiffres et les tendances à court terme, que l’on pointe une série de facteurs expliquant cette pression structurelle à la baisse sur la croissance.

 

Les devins de l’OCDE, la réalité et les chiffres

Dans un récent (et volumineux) rapport, l’OCDE pointe en tête des causes susceptibles d’expliquer ce ralentissement « les tensions autour de la politique commerciale, qui n’ont cessé de s’aviver depuis mai, [et] heurtent de plus en plus la confiance et l’investissement, accentuant les incertitudes liées à l’action publique »[1]. Autant le dire d’entrée de jeu, cette analyse conteste vigoureusement le postulat voulant que la montée du protectionnisme explique à elle seule le ralentissement de la croissance. D’un point de vue strictement empirique, l’inverse est, en réalité, davantage vérifiable.

 

La Grande Récession de 2008-2009 a constitué un vrai point de départ pour une remontée du protectionnisme. C’est ainsi qu’à partir de 2009, « les mesures protectionnistes ont dépassé celles de libéralisation à raison de trois pour une »[2]. Cette tendance s’est maintenue par la suite.

En 2014, soit trois avant l’élection de Donald Trump, 1.732 mesures protectionnistes avaient été adoptées contre 658 mesures de libéralisation du commerce mondial[3]. Depuis une décennie, 6.865 mesures de libéralisation du commerce mondial ont été adoptées contre 17.713 mesures protectionnistes. Ce bilan est particulièrement éloquent.

Le renouveau du protectionnisme à l’échelle mondiale n’a donc pas commencé avec l’élection de Donald Trump ni avec le Brexit. Depuis l’éclatement de la Grande Récession de 2008-2009, le nombre de mesures protectionnistes excède donc, et de loin, le nombre de mesures de libéralisation du commerce mondial. Sur une décennie, on compte, depuis l’année 2009, une moyenne annuelle de 624 mesures d’ouverture du commerce internationale contre 1.610 mesures visant, au contraire, à une fermeture des échanges commerciaux.

Au total, on dénombre chaque année, depuis 2009, 2.234 mesures de fermeture et d’ouverture au commerce international dans le monde. En moyenne, on compte donc chaque année, depuis 2009, 2,6 fois plus de mesures de fermeture que d’ouverture du commerce international. Cela fait donc belle lurette que le monde est davantage protectionniste que par le passé.

 

L’ombre déformante des populismes de droite

Pourtant, il est indéniable que des choses ont changé depuis l’avènement des populismes de droite au sein de grands pays industrialisés (spécialement, aux Etats-Unis). C’est ainsi que l’on constate une tendance des pays du G20 à épargner les Etats-Unis alors que ces derniers ont, sous la direction de Donald Trump, montré un visage indéniablement plus protectionniste (et agressif) que durant l’ère Obama.

C’est ainsi qu’au cours de l’année 2017, l’Inde, le Brésil et la Russie ont diminué leurs mesures de protection à l’égard des Etats-Unis. La Russie, par exemple, est le pays qui s’est le plus engagé sur la voie de la pacification des relations commerciales avec les Etats-Unis en abandonnant 10 mesures de fermeture à l’égard de Washington. L’Inde, le Brésil et la Turquie ont, en cette matière, adopté mutatis mutandis une attitude similaire à celle de Moscou[4].

La Chine et certains grands pays de l’OCDE se sont, en revanche, davantage fermés à l’égard des Etats-Unis. Pékin a, en 2017, commencé à renforcer son arsenal de protection à l’égard de l’Oncle Sam. Cette donnée tranche avec la relative ouverture qui avait prévalu durant les années Obama.

De façon plus surprenante, on remarquera que la première année du mandat de Donald Trump s’est davantage caractérisée par une montée de la fermeture commerciale de la part de grands pays industrialisés membres de l’OCDE à l’égard des Etats-Unis. A cette époque, la France, l’Allemagne, le Japon et l’Italie ont adopté des mesures additionnelles de protection à l’encontre des Etats-Unis. C’est ainsi que, l’Allemagne adoptait, en 2017, 5 mesures protectionnistes supplémentaires à l’égard des Etats-Unis, le Japon 3 et l’Italie 8[5]. A vrai dire, cette poignée de mesurettes ne constituait qu’un fort modeste prologue à la véritable guerre commerciale qui s’annonçait depuis la campagne victorieuse de Donald Trump.

Les deux années suivantes de la présidence de Donald Trump ont, en effet, porté un cran plus haut les orientations protectionnistes. Et c’est avec un autre grand pays du G20, en l’occurrence, la Chine, que la bataille s’est déroulée durant ces deux années. A vrai dire, il n’y a depuis deux ans plus qu’une seule bataille commerciale, à savoir celle qui oppose les Etats-Unis et la Chine. Pour donner une idée de l’ampleur de cette épreuve de force entre Pékin et Washington, on relèvera que d’après Roberto Azevêdo, le directeur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), « les mesures restrictives (surtaxes et autres barrières) ont coûté 481 milliards de dollars en 2018, dont 350 milliards uniquement pour les Etats-Unis et la Chine »[6]. Le PIB mondial était en 2018 de 85.910 milliards de dollars[7]. La perte imputable à la guerre commerciale entre Pékin et Washington est donc de l’ordre de 0,4% de la production annuelle dans le monde. Elle ne peut, dès lors, être pointée comme une cause de premier plan du ralentissement économique mondial.

L’annonce récente d’une trêve entre Washington et Pékin devrait atténuer les craintes de l’OCDE. L’année 2020 sera marquée par une accalmie puisqu’ « à défaut d'avoir obtenu la fin de la guerre commerciale, les autorités chinoises ont atteint leur premier objectif : il n'y a plus d'escalade. La Chine obtient un cessez-le-feu qui devrait durer au moins jusqu'à la présidentielle américaine »[8]. C’est donc en 2022 que la phase 2 de l’accord commercial USA-Chine devrait commencer. D’ici là, les droits de douane touchant les produits « Made in China » ne seront pas annulés par la Maison Blanche. Cela dit, on observe qu’un climat de relative pacification prévaut entre Pékin et Washington depuis quelques mois déjà. En juin 2019, on notait, à la faveur de la rencontre du G20 au Japon, un tournant conciliant de la part des Etats-Unis. Cette réorientation de la part de Donald Trump s’est, par ailleurs, confirmée lors du G7 de Biarritz puisqu’à la conclusion de ce sommet, le président américain annonçait urbi et orbi que le processus de négociation avec la Chine avait redémarré[9].

Bref, les perspectives d’accalmie sur le front du commerce international sont notables depuis la fin du printemps 2019. Comment, dans ce contexte, un rapport daté de novembre 2019 peut-il insister à ce point sur les tensions commerciales pour fonder un diagnostic concernant les tendances de l’économie en 2020 ? De surcroît, on note une nette diminution des mesures de protection au niveau mondial entre 2018 et 2019. Durant cet intervalle, le nombre de mesures de fermeture commerciale est, en effet, passé de 2.165 à 1.054 (soit le niveau le plus bas depuis 2009). La généralisation d’une guerre commerciale ne se profilait donc guère à l’horizon même s’il est vrai que le nombre de mesures de libéralisation avait chuté, durant le même temps, à un niveau historiquement bas de 259.

Face au rouleau compresseur trumpiste, les Européens ont, pour leur part, vite rangé leurs velléités protectionnistes de 2017. Après que Donald Trump ait menacé d'imposer des droits de douane supplémentaires sur les voitures européennes au nom de la sécurité nationale, la réaction des Européens a surtout consisté à relancer les négociations commerciales entre Bruxelles et Washington. Les mesures de rétorsion adoptées en 2018 par les Européens en pleine guerre de l’acier avec Washington furent, en effet, particulièrement anecdotiques dans la mesure où elles portaient sur des produits, somme toute, peu stratégiques pour les exportations américaines (les motos Harley Davidson, les jeans ou le bourbon)[10]. Il est vrai que Donald Trump a le chic de rappeler aux Européens leur dépendance structurelle à l’égard de l’OTAN financée principalement par les Etats-Unis. Les capitales européennes semblent donc prendre leur mal en patience en attendant un éventuel changement de locataire à la Maison Blanche en janvier 2021. On notera, à ce sujet, la récente opposition entre les Etats-Unis et l’Europe au sujet des subsides accordés à Airbus.

Dans un rapport de conclusion sur ce litige vieux de plus de 15 ans entre Boeing et Airbus, l’Organisation Mondiale du Commerce a, en effet, estimé que les Airbus A380 et A350 continuent à bénéficier de prêts gouvernementaux et subventions constituant une entrave « réelle et substantielle aux règles de la concurrence »[11]. Suite à ce rapport, l’OMC a autorisé les Etats-Unis à surtaxer des produits européens en guise de riposte dans le cadre du litige sur les subventions au secteur aéronautique. Cette décision de l’OMC était attendue depuis juillet 2019[12].

Dès cette époque, il était question de permettre au gouvernement américain de taxer à hauteur de 7,5 milliards des produits européens. Début octobre, « l'Office du représentant américain au Commerce (USTR) a [donc] annoncé (…) l'entrée en vigueur dès la mi-octobre de droits de douane de 10% pour les avions et de 25% pour d'autres produits industriels et agricoles importés de l'UE »[13]. Dès l’annonce des sanctions américaines, des représailles ont été évoquées par les dirigeants européens pour contrer Washington.

En effet, l’Union européenne pourrait être autorisée, cette année, par l'OMC à taxer des produits américains, les Etats-Unis ayant subventionné, dans le passé, Boeing. Rien n’indique, cependant, que ces sanctions seront appliquées. Les Européens redoutent, en effet, une montée au créneau de Washington qui pourrait menacer en retour le secteur automobile allemand. C’est, d’ailleurs, ce type de menaces qui a conduit les Européens à enclencher une procédure dénonçant l'Iran en raison de violations de l'accord sur le nucléaire iranien de 2015. L’année dernière, Trump a, en effet, menacé Paris, Berlin et Londres d'imposer des taxes à l’entrée de 25% sur les automobiles européennes si le mécanisme de règlement des différends (MRD) de l'accord international sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015 n’était pas actionné par les Européens[14].

Bref, les pressions sur le secteur automobile européen, cela paie pour Washington. On peut, par conséquent, raisonnablement exclure une montée de la pression protectionniste entre l’Europe et les Etats-Unis dans un proche avenir. Or, l’Union européenne reste le premier partenaire commercial des Etats-Unis. Les chiffres sont clairs. Le commerce des biens et services entre la Chine et les Etats-Unis était de 737,1 milliards de dollars en 2018 alors que les échanges commerciaux transatlantiques entre Washington et le Vieux Continent représentaient 1.300 milliards de dollars à la même époque[15]. Les récentes menaces de Donald Trump, à l’occasion du Forum de Davos, indiquant qu’à l’avenir, les importations de voitures européennes aux Etats-Unis pourraient être taxées à hauteur de 25%[16] doivent être ramenées à leur juste proportion. Le commerce transatlantique de l’automobile représentait, en 2017, 60 milliards de dollars[17], c’est-à-dire à peine 0,07% du PIB mondial.

Mettre l’accent sur un péril pour le commerce mondial afin (de tenter) d’expliquer un étouffement progressif de la croissance semble, au vu de cette batterie de chiffres, particulièrement hasardeux, pour ne pas dire périlleux…

 

Derrière une certaine baisse de taux…

Le rapport de l’OCDE sur la croissance mondiale ne se borne toutefois pas à énoncer un lien de causalité, peu établi au demeurant, entre les tensions commerciales et l’étiolement de la croissance. Au contraire, il faut souligner le fait que l’OCDE relève que « le ralentissement en cours de la croissance mondiale a aussi un retentissement sur les marchés financiers et les prix des matières premières. Les taux d’intérêt à long terme sur les emprunts d’État ont ainsi baissé ces derniers mois »[18].

Commençons par clarifier certaines données. Les taux sur les emprunts d’Etat définissent ce que l’on appelle les taux d’intérêt à long terme. Ces derniers se forment en fonction de l'offre et la demande sur le marché obligataire où les banques centrales n'agissent pas. Plus la demande pour les obligations à long terme est forte, plus leur prix augmente et plus le prix d’une obligation augmente, plus son taux d’intérêt diminue. Lorsque ce type d’évolutions se produit, c’est que les investisseurs manquent de confiance en l’avenir. Ils cherchent des actifs sûrs. Cette aversion au risque correspond à des anticipations pessimistes au sujet de la croissance.

Le FMI ne disait pas autre chose dans un rapport d’analyse de la conjoncture datant du mois de juillet de l’année dernière. Ce rapport pointait notamment « une augmentation prolongée de l'aversion au risque qui expose les vulnérabilités financières qui continuent de s'accumuler après des années de faibles taux d'intérêt »[19]. La juxtaposition factuelle entre baisse des taux d’intérêt de long terme sous-tendue par une aversion grandissante au risque et une diminution des taux de croissance mérite d’être posée. Cela dit, il convient encore d’expliquer le mécanisme à l’œuvre derrière cette configuration particulière. Pour cela, on convoquera utilement une autre variable relative, cette fois, à l’évolution des taux de profit.

Avant de livrer des données brutes, on prendra toutefois soin de préciser certaines données. Le taux de profit auquel il est fait référence dans les développements qui suivront concerne le secteur non-financier. Autrement dit, les industries. C’est ce secteur qui dicte sa dynamique au reste de l’économie. C’est à lui que le secteur financier prête des capitaux en période d’expansion et c’est également à partir de la valeur dégagée au sein des industries que les banques réalisent leurs profits. Les grands épisodes de récession économique aux États-Unis ont été systématiquement précédés d’une diminution du taux de profit dans le secteur non-financier. La crise constitue alors le point de départ pour une restructuration de la production de façon à rétablir les bénéfices.

En consultant les bases de données disponibles, on s’aperçoit que le taux de profit des entreprises non-financières US s’est profondément dégradé durant la Grande Récession en passant de 15% en 2006 à 9% au plus fort de la crise en 2009. De 2009 à 2012, les profits vont être rétablis et stabilisés de 2012 jusque 2015. En 2015, les marges bénéficiaires des sociétés non financières américaines ont culminé en 2015 à 15,2% de la valeur ajoutée brute et sont tombées à 10,9% au dernier trimestre 2019. Aujourd’hui, les entreprises américaines font donc près de 11 cents de bénéfices pour chaque dollar de valeur ajoutée[20]. Ce taux se situait, à la fin de l’année 2019, au même niveau qu’au premier trimestre 2008 alors que l’économie US s’acheminait vers une situation de profonde récession.

Cette dégradation est, certes, notable depuis 2016 et elle finira bien, un jour, par déboucher sur une récession de l’économie américaine. Jusqu’à présent, la politique en trompe-l’œil de Donald Trump est parvenue à colmater les brèches tant bien que mal.

En effet, la réforme fiscale de 2017 (entrée en vigueur en 2018) a fondamentalement consisté en une diminution de la progressivité de l’impôt pour les ménages les plus aisés ainsi qu’une baisse de la taxation des sociétés. De surcroît, la réforme fiscale trumpiste permet aux multinationales américaines de rapatrier les bénéfices réalisés à l'étranger contre un taux d’imposition réduit. Il a résulté de cette politique une économie d’impôts pour les 6 plus grandes banques états-uniennes de l’ordre 32 milliards de dollars depuis l’entrée en vigueur du Tax Cuts and Jobs Act (TCJA) de 2017[21].

Ce joli coup de pouce fiscal, en permettant aux banques US de bénéficier d’un volant additionnel de liquidités, a eu pour effet de relancer les prêts aux entreprises non-financières. Ces derniers avaient diminué, en proportion du PIB, du deuxième jusqu’au quatrième trimestre de l’année 2018. Ils étaient, à cette époque, passés de 74,8 à 74,4% du PIB. Les apports en liquidités consécutifs au TCJA ont permis de rebooster le crédit aux entreprises non-financières qui a atteint la barre des 75% du PIB des Etats-Unis au deuxième trimestre 2019[22].

Ce constat est confirmé par les professionnels du secteur aux Etats-Unis. « La réforme fiscale aidant à stimuler l'expansion de nos affaires, les banques se sont mobilisées pour répondre à la demande accrue de prêts des entreprises de toutes tailles »[23]. Ces propos sont éloquents.

A cette époque, les prêts aux entreprises non-financières, après avoir repris de plus belle, ont donc battu un record historique, et ce, au moment où la croissance outre-Atlantique apparaît particulièrement faiblarde. La croissance du PIB aux Etats-Unis a été, lors du dernier trimestre 2019, de 2,1%, c’est-à-dire « moins que les 2,4% de moyenne du deuxième mandat de Barack Obama »[24]. Cette conjonction d’un fort endettement des entreprises et d’une croissance historiquement faible pour les Etats-Unis doit poser question. En effet, des éléments de nature structurelle viendront bloquer ce soutien aux entreprises via le crédit et les mesures en faveur des banques. Pour l’heure, l’octroi de crédits permettant un refinancement permanent et soutenu des dettes privées masque cette donnée importante qu’est la détérioration du taux de profit. Il viendra, cependant, bien un temps où les profits, si leur chute continue, ne permettront plus de sécuriser les organismes prêteurs.

De surcroît, le rapatriement des profits garanti par le TCJA finira bien un jour par épuiser ses effets. Donald Trump a clairement survendu à l’opinion publique américaine les effets de sa réforme en promettant le rapatriement de 4.000 milliards de dollars de profits détenus outre-mer par des multinationales US. Il se trouve que 54% des actifs détenus à l’étranger par des firmes transnationales américaines se présentent sous forme de cash. Les 46% restants sont beaucoup moins liquides. Il est, par conséquent, difficile d’envisager un rapatriement sans conclure au préalable des opération, toujours délicates, de revente d’actifs. En outre, le montant des avoirs détenus à l’étranger semble avoir été surévalué par l’administration Trump. Au lieu de 4.000 milliards de dollars, il faudrait plutôt tabler sur une masse d’actifs de 1.500 à 2.500 milliards[25]. Or, les compagnies américaines ont déjà rapatrié 1.000 milliards de dollars d’avoirs liquides aux Etats-Unis[26]. Ces rapatriements ont été de 477,7 milliards en 2017 et 523,3 milliards en 2018[27]. Le temps où cette source de liquidités mobilisables se tarira semble donc approcher à grand pas.

 

Epilogue

En cas de poursuite de la dégradation des taux de profit, le secteur financier US se retrouvera, par conséquent, dans une fort délicate posture. Le court-termisme de l’administration Trump ne fera alors plus guère illusion. L’odyssée de l’angoisse de l’économie mondiale pourra alors commencer.

C’est que la situation de taux d’intérêts nuls voire négatifs qui prévaut, aujourd’hui, au sein des pays membres de la trilatérale (Japon, Union Européenne et Amérique du nord) constitue un encouragement évident à la prise de risque et a, dès lors, posé les bases d’une déflagration financière à venir. Ce comportement particulier des acteurs financiers, puisqu’il se produit dans un contexte d’endettement massif des ménages et des entreprises, est susceptible, en cas de retournement majeur de la conjoncture, de poser les bases d’une crise comparable à celle qui a éclaté dans les années 30 du siècle dernier.

Cela dit, l’importance à un niveau clairement descriptif des facteurs financiers menaçant la stabilité de l’économie mondiale ne doit cependant pas occulter le caractère plus fondamental à un niveau davantage explicatif de l’évolution du taux de profit des entreprises privées non-financières. Ces considérations, bien qu’elles puissent paraître ne se rapporter que de manière très périphérique à l’objet de cette analyse (à savoir l’évolution de la conjoncture économique mondiale), sont, de notre point de vue, fondamentales.

Elles permettent, en effet, de rompre avec un certain ronron intellectuel (néolibéral) dominant. Ainsi en va-t-il de la tentative d‘explication du ralentissement économique mondial par les tensions commerciales. Bien entendu, ces dernières ne font qu’ajouter des difficultés alors que la croissance mondiale bat déjà de l’aile. Mais pour comprendre pourquoi ce « sauve-qui-peut » généralisé prévaut de nos jours, il faut regarder du côté des taux de profit. Ceux-ci constituent, en effet, un indicateur fiable pour déterminer si s’opère de façon effective l’accumulation de capital.

Soit le mode normal de fonctionnement social sous le capitalisme. Ni plus ni moins…

 

[1] OCDE, Perspectives économiques de l'OCDE, Volume 2019/numéro 2, novembre 2019.

[2] Le Figaro, édition mise en ligne du 13 mars 2012.

[3] Global Trade Alert, Global Dynamics Database, 2020 Url : https://www.globaltradealert.org/global_dynamics. Date de consultation : 11 janvier 2020.

[4] Simon J. Evenett, Johannes Fritz, Will Awe Trump Rules ? The 21st Global Trade Alert Report, Centre for Economic Policy Research, 2017, p.11.

[5] Simon J. Evenett, Johannes Fritz, ibid.

[6] Le Temps, édition mise en ligne du 2 avril 2019.

[7] Banque mondiale, décembre 2019.

[8] Les Echos, édition mise en ligne du

[9] The Washington Post,,édition mise en ligne du 27 août 2019.

[10] Challenges, édition mise en ligne du 14 octobre 2018.

[11] L’Usine Nouvelle, édition mise en ligne du 3 décembre 2019.

[12] La Libre Belgique, édition mise en ligne du 16 juillet 2019.

[13] La Tribune, édition mise en ligne du 4 octobre 2019.

[14] The Guardian, édition mise en ligne du 16 janvier 2020.

[15] Office of the United States Trade Representative, Url : https://ustr.gov/. Date de consultation : 17 janvier 2020.

[16] La Tribune, édition mise en ligne du 22 janvier 2020.

[17] The Observatory of Economic Complexity (OEC), janvier 2020.

[18] OCDE, Perspectives économiques de l'OCDE, op.cit.

[19] International Monetary Fund, World Economic Outlook, July 2019.

[21] Bloomberg, 16 janvier 2020.

[22] Federal Reserve Bank of St. Louis Datbase, Total Credit to Non-Financial Corporations, Adjusted for Breaks, for United States, Url : https://fred.stlouisfed.org/series/QUSNAM770A. Date de consultation : 21 janvier 2020.

[23] Citation de James Chessen, chief economist de l’American Bankers Association, ABA Banking Journal, 21 février 2019. Url : https://bankingjournal.aba.com/2019/02/quarterly-banking-profile-shows-strong-bank-performance-in-q4/. Date de consultation : 10 janvier 2019.

[24] Joseph Stiglitz, The Truth About the Trump Economy, Project Syndicate, 17 janvier 2020.

[25] Bloomberg, édition mise en ligne du 20 juin 2019.

[26] Bloomberg, édition mise en ligne du 19 décembre 2019.

[27] Bureau of Economic Analysis, U.S. International Transactions, 4th quarter and Year 2018, 27 mars 2019.

 


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5 réactions à cet article    


  • Clark Kent Séraphin Lampion 8 février 2020 09:29

    C’est cité dans les écritures


    • Florian LeBaroudeur Florian LeBaroudeur 8 février 2020 09:59

      Et oui le protectionnisme n’a pas attendu l’avènement du « monstreux populisme » pour se remettre en marche.

      Il est la conséquence de la fin de l’énergie bon marché et du tassement de l’économie réelle qui en résulte. Cet évolution ne peut mécaniquement qu’entrainer le repliement vers des chaines d’approvisionnement moins mondialisés, plus régionale et locale. 

      Sous cet angle, les évènements politiques, économiques et géopolitiques déroutants et surprenants de la décennie 2010 pour les esprits conventionnels sont en réalité des tentatives d’échappatoire ou d’adaptation de la part de ceux qui peuvent sentir à défaut de pouvoir entendre et de se faire entendre.

      Ce qui exige moins de conformisme et de complexe de supériorité morale de la part de ceux qui pensent en terme d’horizon indépassable. 


      • Eric F Eric F 9 février 2020 16:02

        On cherche toujours des « bonnes raisons » pour une récession (guerre commerciale, protectionnisme...), mais il y a surtout un phénomène d’essoufflement. La croissance chinoise qui tire le monde ne pouvait évidemment se poursuivre avec des taux à deux chiffres pendant des décennies, il va forcément y avoir une pause, car la croissance des moyens des « pays consommateurs » est plus faible que les capacités des « pays producteurs » (dont la consommation intérieure ne suffit pas).

        En parlant de la Chine, le stress conjoncturel de l’épidémie semble tétaniser le pays, et cela pourrait être un déclencheur de baisses en cascade (la bourse a dépassé son point de gonflement de bulle, le coup de sifflet de la débandade pourrait être viral -au sens propre-). Il y aura aussi des impacts sur les déplacements (tourisme, croisières...), des ruptures de stocks (*), etc. 

        Il existe également un stress environnemental, avec la « grande peur climatique » qui peut également tétaniser la consommation et faire couler des secteurs entiers (l’automobile par exemple, car l’électrique n’est pas généralisable avec des subventions pour le tiers de sa valeur ; le secteur aérien ; les biens de consommation jetables, etc.)

        (*) A propos des ruptures de stock ou pénurie de livraisons en provenance de Chine, la « dépendance » envers la Chine est gravement préoccupante  (médicaments, électronique...), il faut absolument rapatrier

        des productions stratégiques -demandons aux entreprises chinois de produire localement, comme ils l’avaient exigé de nos entreprises il y a 20 ans-. Ce n’est pas du protectionnisme mais du rééquilibrage élémentaire.


        • Ruut Ruut 9 février 2020 21:51

          A force de mal payer les travailleurs, ils ne consomment plus.

          A force de délocaliser les productions, il y a moins de consommateurs fautes d’employés correctement payés au niveau National.

          La mondialisation non régulée au niveau National, c’est juste la destruction des équilibres industriels et par inclusion des clients potentiels.


          • Eric F Eric F 10 février 2020 09:51

            @Ruut
            Concernant les revenus des travailleurs, il y a notamment le problème de la hausse des dépenses contraintes (logement, chauffage, assurances...) , qui représentent désormais entre le quart et le tiers du budget des ménages. L’éloignement croissant entre domicile et travail entraine aussi une hausse des dépenses de transports, etc.

            La question des salaires entraine un problème de quadrature du cercle : lorsque les salaires augmentent, les couts de main d’oeuvre sur les produits locaux et les services augmentent, donc la consommation se réoriente vers les produits importés (comme en 1981) ; ou alors le pouvoir d’achat réel stagne ou diminue par l’inflation. Un meilleur partage nécessite qu’il soit réalisé au niveau mondial, faute de quoi les entreprises délocalisent. Fermer les frontières de manière étanche n’est plus possible à notre époque, nul pays n’a les capacités à l’autarcie.

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