Du mur de Berlin au mur du Dollar

Des opinions diamétralement opposées à propos des États-Unis.
Pour les uns, ce sont les States qui présentent le principal point de faiblesse actuel. Ils annoncent ainsi la fin de l’hégémonie américaine. Dans les prévisions du GEAB l’année 2012 sera celle du grand basculement géopolitique mondial. Après l’effondrement du Mur de Berlin en 1989, ils annoncent celui du « Mur Dollar » sur lequel est assise la puissance des États-Unis. « L’été 2011, avec la dégradation de la note de crédit des USA par l’agence S&P a marqué un tournant historique et a confirmé que l’ « impossible » était bien en train de se concrétiser. » Ils s’appuient pour fonder leur thèse de la faiblesse américaine sur une série de données très inquiétantes sur la situation économique et sociale du pays. Dans cette perspective, la Dette de l’État américain, qui fin 2011 a dépassé les 15.000 milliards de dollars (la Grèce, c’est 300 milliards !) et ne se finance que par le fonctionnement de la planche à billets sera de plus en plus au cours des années qui viennent le point névralgique autour duquel va se centrer la crise internationale. Sur son site, Olivier Berruyer a publié la traduction d’un article de The Economic Collapse présentant 50 chiffres incroyables sur l’économie américaine. Et c’est relativement saisissant. Dans cette perspective, il existe donc tout un groupe d’analystes pour lesquels ce qui nous attend en 2012 – outre un approfondissement de la récession économique mondiale – c’est l’éclatement de la crise du Dollar.
Sur son site, un économiste libéral qui ne mâche pas ses mots (Son site s’intitule la faillite de l'État), Charles Gave allume un contre-feu en tentant de justifier son conseil d’investir dans l’économie réelle aux États-Unis : « Dans la balance des paiements américaine, publiée tous les trimestres, il existe une ligne qui donne la différence entre ce que les Américains payent aux étrangers qui ont investi chez eux et ce qu’ils touchent sur les investissements fort nombreux que leurs sociétés ont fait en dehors des USA. Si les États-Unis étaient le pays le plus endetté du monde, ce solde devrait être négatif. Or il est positif de 270 milliards de dollars par an et est en progression constante. Ainsi le pays soit disant le plus endetté du monde a un cash flow positif vis a vis de l’étranger. Derrière ce grand mystère, une réalité toute simple : Les États-Unis empruntent à 2 % en émettant de la dette et placent cet argent à l’extérieur a 15% dans des actifs productifs. Les USA sont donc un peu comme un immense « hedge fund » empruntant à bas coût et investissant là ou la rentabilité est la plus forte. »
J’ai réagi récemment en signalant que la crise financière actuelle n’a rien à voir avec la balance commerciale. La Grèce n’est pas en faillite parce qu’elle importe plus qu’elle n’exporte. Ce n’est pas la Grèce qui est en faillite, c’est l’État grec. Voici donc une nouvelle forme d’échappatoire : les États-Unis ne sont pas en crise, parce qu’il y rentre plus d’argent qu’il n’en sort. Ce qu’il faut tenir à l’œil, c’est la balance des paiements. Et ma réponse sera la même : ce ne sont pas les États-Unis qui sont au bord de la faillite, c’est l’État fédéral américain. Or la dette abyssale de l’État américain est aujourd’hui le socle, la fondation sur laquelle repose le Mur du Dollar.
La crise de l’euro a bon dos
Dans ce contexte, on peut faire une lecture totalement différente de la crise actuelle en Europe. J’ai déjà dit, et je le redis, avec bien d’autres – contre ceux qui se centrent sur des images-choc pour public crédule – il n’y a de ce point de vue pas de crise de l’euro mais tant les États européens que l’État américain s’accordent bien pour tenter une diversion : la crise financière internationale ne serait pas due à leur endettement mais à celle de la monnaie européenne. La solution résiderait tout bonnement dans une plus grande structuration de l’Europe comme un État, avec la surveillance des politiques financières et fiscales des uns et des autres.
Mais dans les détails les analyses des uns et des autres divergent du tout au tout. Selon les uns, le développement de la crise de l’euro (son extension au Portugal, à l’Espagne, l’Italie et la France) doit provoquer un affaiblissement de la monnaie européenne (actuellement au-dessus de 1$30) en la faisant descendre sous la parité avec le dollar : 1€=0,90$. Selon les autres, les États-Unis, après avoir amené depuis les années quatre-vingt un abaissement forcé des taux d’intérêt (jusqu’à geler le taux d’escompte de la Fed à 0,5% pour plus d’un an encore) se sont engagés dans une politique d’affaiblissement irréversible du dollar, en fonction de laquelle celui-ci pourrait dériver jusqu’à une parité de 1€=1$75 dans le courant de cette année, entraînant par là même le refus de plus en plus marqué de leur devise par les pays exportateurs (la Chine notamment). Ce refus d’engranger des réserves en une monnaie en perpétuelle dévaluation, à défaut d’un accord qui semble de plus en plus impossible sur une nouvelle monnaie de réserve internationale, ouvrira alors une nouvelle phase de la Crise internationale, l’ère de la Grande Récession.
Jusqu’ici les deux tendances se sont contrebalancées, chaque « crise de l’euro » faisant remonter la devise américaine, chaque répit lui faisant reprendre sa dérive naturelle. Si l’on veut évaluer le phénomène d’ensemble, il suffit de se poser par rapport au Franc Suisse ou au Yen… et on verra à quel point la monnaie européenne accompagne la crise du Dollar. Montrer que faillite d’un État européen n’a aucune répercussion sur la stabilité de l’Euro est sans doute une des préoccupations actuelles de nos dirigeants dans la question grecque. La dernière chose qui les empêche est sans doute le discours qu’eux-mêmes ont tenu depuis un an… il n’y a que l’imbécile qui ne change pas d’avis !!!
MALTAGLIATI
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