Du projet Hirsch au RSArkozy system
Martin Hirsch imagina le RSA (Revenu de solidarité active) en avril 2005. Aujourd’hui, que reste-t-il de son projet initial ? Pourquoi le gouvernement veut-il aller vite sans attendre le résultat des expérimentations menées sur trois ans dans quinze départements ? L’activisme ne risque-t-il pas de nuire à l’activation (des minima sociaux), mesure pourtant utile ? Toutes ces questions méritent un examen particulier.
Les minima sociaux seront-ils enfin activés ?
La question se pose en effet à la lumière du précédent du RMA (Revenu minimum d’activité) qui n’a pas remporté un franc succès. Pourtant, l’idée d’alors était là aussi de rendre actifs les minima que sont le RMI, l’ASS (Allocation de solidarité spécifique) et l’API (Allocation de parent isolé). Mais on connaît la suite : les décrets traînèrent à sortir, les départements rechignèrent à appliquer le RMA. Aujourd’hui, l’idée du RSA est de combattre les "trappes à l’inactivité". Elle est louable car l’aspiration à travailler est forte chez les populations pauvres parfois injustement stigmatisées pour leur immobilisme alors que leur réticence à travailler s’explique souvent par la perspective de voir baisser leur niveau de revenus, de perdre des avantages annexes (comme la CMU complémentaire, l’exonération de taxe d’habitation), ou de devoir assumer des frais supplémentaires (garde d’enfant, transport). Sans parler des complications de la vie quotidienne qui en résultent. Le RSA a donc pour objectif de permettre aux bénéficiaires de minima sociaux de retourner à l’emploi sans baisse de revenu.
Que reste-t-il de l’idée d’origine de dépasser le seuil de pauvreté ?
Lorsqu’il lança l’idée du RSA, Martin Hirsh, alors président d’Emmaüs, avait pour visée de permettre aux salariés de franchir le seuil de pauvreté. Si la philosophie reste bien celle-là, on constate que le projet de loi vise restrictivement les bénéficiaires du RMI et de l’API, et laisse au bord de la route les bénéficiaires de l’ASS et l’AAH (Allocation handicapés). Sont aussi ignorés les jeunes de moins de 25 ans vivant sous le seuil de pauvreté et qui, faute d’atteindre cet âge, n’ont pas droit au RMI non plus. Le texte est également muet sur les travailleurs pauvres, pour des raisons sans doute de coût des mesures qui seraient nécessaires. Mais le gouvernement ne dit rien pour ces catégories, rien de ce qui serait fait dans l’avenir pour les aider.
Des effets négatifs attendus :
Le premier effet négatif pourrait être "la dualisation de pauvres entre ceux qui auront droit à un RMI dopé et ceux qui n’entreront pas dans le cadre du RSA" (UNIOPSS).
Une autre critique est exprimée : cette incitation au travail ne saurait se passer d’un accompagnement par une politique efficace de l’emploi, sans quoi la mesure restera sans effet dans des régions lourdement touchées par le chômage.
La précipitation peut également nuire à la bonne volonté du législateur. Le gouvernement veut mettre en place le RSA fin 2008 parce que c’est une date symbolique (les 20 ans du RMI). Mais la mise en place alors reposera sur une expérimentation insuffisante. Le premier département expérimentateur est l’Eure depuis le 1er juin (seul département autorisé initialement par l’article 142 de la loi de finances pour 2007 à appliquer le RSA au RMI). L’expérience va être étendue à quinze autres départements et devra durer trois ans. Le respect de l’échéance fixée pour la généralisation du système va donc court-circuiter l’évaluation des résultats des tests.
Peut-être même des menaces sur l’emploi ?
"Il ne faudrait pas que ce dispositif se fasse au détriment d’emplois normaux", avertit Jean-François Veysset, vice-président de la CGPME. Les patrons pourraient être tentés de créer des emplois à temps très partiel pour que les salariés obtiennent l’aide. Ils pourraient refuser à ces derniers des augmentations de salaire en brandissant le risque de perte d’une partie de leur RSA.
En conclusion, si ce projet est unanimement reconnu pour sa philosophie et pour les effets positifs qu’il produira (retour à l’emploi facilité, stabilité des revenus dans ces cas puisque le RSA est garanti trois ans), il ne faudrait pas que son esprit d’origine soit trahi ni que l’efficacité attendue soit gâchée par une trop grande précipitation, une évaluation insuffisante. Il ne faudrait pas non plus que le "chef d’orchestre" Sarkozy se dispense d’une concertation de tous les acteurs concernés.
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