Dubaï au bord du gouffre
Dubaï paie chèrement les conséquences de la crise mondiale du crédit. Du reste, les Emirats Arabes Unis sont sur le point de mettre en application un plan destiné à soutenir non seulement les banques locales ayant pratiquement cessé tout prêt mais également des conglomérats détenus par l’Etat de Dubaï. Les établissements bancaires principaux d’Abu Dhabi ont ainsi bénéficié tout récemment d’injections de liquidités de l’ordre de 4.4 milliards de dollars destinés à amortir une partie de leurs pertes dans un contexte de contagion globale.
En fait, c’est principalement l’émirat d’Abu Dhabi qui dirigera ces mesures d’urgence et de sauvetage destinées aux sept émirats composant les Emirats Arabes Unis qui subissent actuellement un ralentissement économique prononcé. Abu Dhabi étant la puissance dominante des Emirats Arabes Unis du fait de ses réserves pétrolières massives et de son fonds souverain qui est le plus riche du monde, Dubaï est le deuxième plus important émirat de l’Union grâce à ses infrastructures financières situées au coeur du Golfe Arabo-Persique. Les émirats d’Ajman, d’Umm al Qaywayn, de Ras al Khamah, de Fujayrah et de Sharjah étant de moindre intérêt.
C’est les secteurs financiers mais également commercial, immobilier et touristique qui ont conféré à Dubaï sa notoriété âprement négociée du reste au fil des années avec les autres pays de l’Union - et principalement avec l’émirat dominant Abu Dhabi - puisque la famille régnante Al Maktoum de Dubaï occupe les postes très convoités de Vice-Président de l’Union, de Premier Ministre et de Ministre de la Défense. La Présidence des Emirats Arabes Unis, elle, est détenue par les Al Nahyan d’Abu Dhabi et ce depuis la création de l’Union en 1971. Cette distribution des rôles et des portefeuilles parmi ces deux familles dominantes a réellement stabilisé cette Union tout en jetant les bases d’une prospérité économique et financière ayant permis à cet Etat de se transformer en pourvoyeur crucial de liquidités à travers ses investissements internationaux.
La crise financière a toutefois bouleversé la donne pré existante car l’équilibre entre Abu Dhabi et Dubaï semble aujourd’hui appartenir au passé : le sauvetage de ses banques démontre certes qu’Abu Dhabi est touchée par la crise mais c’est véritablement Dubaï qui est aujourd’hui sinistrée du fait de son exposition évidente aux marchés internationaux. La crise du crédit mondiale a en effet précipité l’éclatement de l’immense bulle spéculative immobilière de Dubaï célèbre pour ses projets et constructions pharaoniques et parfois grotesques, le manque de transparence - habituel dans cette région du monde - ayant conduit l’agence Standard & Poor’s à abaisser la notation des plus importantes sociétés détenues par l’émirat parmi lesquelles l’opérateur portuaire international "Dubaï Ports World" et " Emaar Properties", promoteur des projets les plus coûteux en ville de Dubaï...D’autres acteurs importants de la vie économique de Dubaï étant sur le point de subir la même humiliation quant à leur rating comme "Dubaï Electricity and Water Authority", " Jebel Ali Free Zone " ou encore " International Financial Center Investments", tout nouveau centre financier créé il y a quatre ans...
L’émirat de Dubaï est certes riche de 90 milliards de dollars d’actifs mais les bilans opaques de ses fleurons laisse planer le doute quant à la capacité de ces entreprises à réaliser ces actifs rapidement afin de couvrir leurs engagements. C’est dans cette conjoncture financière pour le moins délicate que Dubaï s’est enfin résolue à demander assistance au grand concurrent - Abu Dhabi - et ce eu égard aux implications politiques inévitables que seront les effets secondaires des aides consenties par Abu Dhabi !
Les recettes pétrolières ne sont certes plus ce qu’elles étaient au plus haut des prix du Pétrole durant l’été 2008 mais Abu Dhabi, qui a - contrairement à Dubaï - toujours maintenu une stratégie financière très prudente, bénéficie de réserves massives : Son fonds souverain doté de 325 milliards de dollars lui permettrait ainsi de sauver ses propres entreprises en même temps que celles de Dubaï.
Dubaï est parfaitement consciente aujourd’hui de sa dépendance vis-à-vis des liquidités d’Abu Dhabi, tout comme elle l’est du reste des arrières pensées politiques que les dirigeants de cet Etat ne manqueront pas de monnayer. C’est ainsi que, dans l’objectif de noyer cette aide dans le contexte plus général de l’Union, Dubaï plaide pour un stimulus économique sur le plan national qui lui permettrait d’éviter le face à face fatidique avec Abu Dhabi. L’autre atout de ce plan national étant l’influence considérable de l’émirat de Dubaï sur le Gouvernement des Emirats Arabes Unis. Dubaï a néanmoins peu de chances de parvenir à ses fins car elle est le seul émirat de l’Union à être dans le besoin, Abu Dhabi étant par ailleurs le seul à disposer des ressources suffisantes pour financer ce plan.
Les prétentions de Dubaï étant très vraisemblablement condamnées à être fortement revues à la baisse du fait de ces besoins immédiats en liquidités, les relations bilatérales mais également l’ensemble des relations des émirats de l’Union pencheront désormais en faveur d’une domination disproportionnée d’Abu Dhabi au sein des Emirats Arabes Unis. En fait, Abu Dhabi pourrait même prendre des participations majoritaires parmi les entreprises fleurons de Dubaï si les besoins de cette dernière sont aussi urgents et leur danger de défaut aussi imminent que le laissent pressentir les rumeurs. L’équilibre des forces semble donc rompu au sein des Emirats Arabes Unis, une friction entre Dubaï et Abu Dhabi et leurs familles régnantes respectives étant inévitable à l’avenir, avec toutes les implications géopolitiques et économiques que l’on imagine.
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