Easy money ? Les paris en ligne dans la cour des grands
A un mois de la Coupe du monde de football, les paris sont loin d’être clos chez les bookmakers. Le Brésil a toutes les faveurs de la place « londoffshore » : sa cote oscille entre 3,5 et 4. Un temps handicapée par la blessure du joueur prodige de Manchester United, Wayne Rooney, l’Angleterre suit désormais, entre 7 et 8. Viennent ensuite l’Argentine et Allemagne, toutes deux à 9, puis l’Italie (de très nombreux paris ont été pris sur cette équipe au cours des dernières semaines), les Pays Bas, l’Espagne, et la France dont la cote ne cesse de se dégrader.
Sur ces bookmakers, bien des légendes et des contre-vérités circulent, alors même que derrière les leaders de ce secteur, on retrouve l’ancien groupe Hilton, mais aussi les grandes banques d’investissement européennes et américaines, sans oublier la Commission européenne, sommée d’unifier les législations nationales. Gros plan sur ce marché du jeu en ligne, qui connaît un taux de croissance record, inégalé depuis bientôt dix ans.
En 1996, alors qu’une trentaine de sites commençaient à opérer, les recettes étaient évaluées à 17 millions de dollars. En 2000, elles étaient estimées à 3 milliards par le Center for policiy initiatives et Datamonitor. Si l’on sous-évalue les recettes asiatiques et australiennes, elles atteignaient au moins 10 milliards en 2005 (plus vraisemblablement, la fourchette se situe entre 12 et 15 milliards). Pour 2006, il n’est pas déraisonnable de tabler sur 20 milliards de dollars. Les perspectives de croissance sont dopées par la montée en puissance du poker en ligne, et par la régularité des grands évènements sportifs (Jeux olympiques, Coupe du monde) qui drainent en masse de nouveaux clients, notamment asiatiques.
On estime aujourd’hui que 60% des joueurs en ligne vivent aux Etats-Unis, contre 80% il y a moins de 5 ans. Les compagnies américaines jonglent avec la globalisation économique, puisqu’un débat éculé domine toujours outre-Atlantique, profitant d’ailleurs grandement aux casinos des réserves indiennes. Dès lors, ces compagnies se sont tournées vers des centres d’opération offshore et vers les places européennes pour l’accès aux ressources financières.
Hyper régulé au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens, le marché y est finalement très fluide, ses acteurs disposant d’investisseurs institutionnels et de commissaires aux comptes ainsi que d’un système coûteux de licences et de provisions/cautionnements. Les places de Londres (AIM et LSE), Vienne, Francfort, Stockholm, Athènes, mais aussi d’Australie et de Malaisie affichent des cotations toujours plus nombreuses pour ces groupes porteurs d’un gigantesque potentiel de croissance.
En Europe, les jeux d’argent ont - comme par hasard - été exclus récemment de la directive service, mais la jurisprudence de la Cour de Justice pousse à harmoniser la législation communautaire pour unifier le marché et faire disparaître les entraves à la concurrence. Depuis l’arrêt Läärä notamment, les monopoles d’Etat (type Française des jeux) sont en sursis. Un consensus devra fatalement se dégager sur le fait qu’on ne peut imposer de restriction à l’accès d’un marché de services au profit d’un Etat qui en serait le seul opérateur et donc bénéficiaire. Très récemment d’ailleurs, en avril, la Commission européenne s’est tournée vers les Etats pour leur demander des précisions sur le fondement des restrictions à l’accès aux jeux d’argent. Les derniers monopoles pourraient céder en 2007 ou 2008, et les Français devraient alors voir apparaître dans leurs rues des boutiques "William Hill", "Ladbrokes", "BetandWin" ou "Unibet". Doit-on réellement s’en plaindre, quand on constate les cotes misérables offertes par la Française des jeux ?
Parallèlement, la recherche économique et financière a beaucoup progressé, tant sur les joueurs que sur le marché lui-même, comme l’attestent la nouvelle unité de recherche de l’Université de Notthingham ou celle de Canberra. La création d’un marché unique européen permettrait d’accroître l’efficience globale au profit des consommateurs - tout phénomène d’addiction mis à part - comme semble le montrer le rapport d’Europe Economics publié en 2004. En effet, le rapport montre l’impact positif sur les prix offerts, mais aussi sur le taux de redistribution aux joueurs.
Cet avènement des bookmakers est-il lié aux graves menaces pesant actuellement sur l’éthique sportive ? Les récents déboires extra-sportifs du club belge de Lierse (paris suspendus en cours de saison pour soupçons de corruption) pourraient accréditer cette thèse, bien qu’il faille pour certains plutôt chercher des éléments de réponse du côté du grand banditisme est-asiatique.
Les salaires des joueurs en vigueur posent tout autant de questions, ne serait-ce que pour la viabilité des clubs de football, mais si les bénéfices devaient échoir à leurs seuls actionnaires, on dirait sans doute alors que les salariés sont lésés...
Julius G. - Les Antifadas
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