Emplois : Réductions immédiates, un acheté égal un offert
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Jusqu’à présent j’étais convaincu comme tout le monde pour d’évidentes raisons que les hommes et les femmes politiques n’allaient pas eux-mêmes faire les courses en supermarché. Seulement voilà, en regardant d’un peu plus près les dispositifs d’aides aux entreprises je commence à exprimer quelques doutes. Peut-être fréquenteraient-ils les grandes surfaces plus souvent qu’on ne le croit ! Explications :
En parcourant les nombreuses allées de nos supermarchés j’observe comme tout un chacun un certain nombre de produits faisant l’objet de promotions, de réductions, d’offres spéciales ou de packaging particulier :
- 2 produits achetés = 1 produit offert
- 30% de remise immédiate en caisse
- 50% de produit en plus
- 30 centimes d’euro offert sur l’achat d’un autre produit identique
- Et la palme pour le jambon : 4 tranches + 1 tranche offerte (c’est la moindre des choses vu l’épaisseur des tranches)
- Etc…
Voyez-vous où je veux en venir ? Eh bien, aux offres promotionnelles gouvernementales.
Depuis longtemps, avec la montée ininterrompue du chômage, les politiciens ont fait preuve d’une grande ingéniosité en lançant de nombreuses offres en direction des entreprises afin de les encourager à acheter massivement certains produits à prix très attractifs. Parmi ces produits il en est un qui se nomme « emploi ». Un produit évidemment incontournable et majeur dans notre système productif, qui prend une dimension toute particulière en période de crise et de fermetures d’usines.
Rappelons quelques unes de ces offres promotionnelles :
- Allégement de charges pour les bas salaires. Voici un élément de synthèse repris sur le site du ministère du travail (incomplet car je vous offre seulement 50% de réduction)
Les salaires versés inférieurs à 1,6 fois le SMIC ouvrent droit à un allègement des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales et des allocations familiales. Accessible à toutes les entreprises, ce dispositif …
A noter que cette offre généreuse est une véritable trappe à bas salaires. Quel patron satisferait une demande légitime d’augmentation de salaire exprimée par un salarié dévoué, sérieux et compétent, rémunéré à un niveau proche de 1,6 smic. Il subirait alors la double peine en accordant dans un premier temps l’augmentation désirée et plus tard en subissant l’augmentation du niveau des charges par l’effet pervers d’un franchissement de seuil ! En France on aime bien les effets de seuils, il en existe plusieurs milliers dans notre système fiscal !
- Emplois d’avenir. 75% de remise pour l’employeur. Voir conditions dans votre magasin « Aide-Market » proche de chez vous.
- Contrat intergénérationnel. Pour un jeune acheté, vous avez un vieux offert ! Bon, je plaisante. C’est à priori une idée intéressante car elle permettrait aux jeunes de bénéficier de l’expérience des plus âgés et assurerait ainsi la transmission du savoir, du savoir-faire et savoir-être entre générations. Cela a bien sûr ses limites, car dans le domaine de l’informatique et des nouvelles technologies, je serais tenté d’affirmer que c’est plutôt le jeune qui formera l’ancien. Mais l’ancien à la faveur de son expérience et des nombreuses connaissances accumulées est mieux à même de développer des stratégies gagnantes et d’éviter de nombreuses erreurs d’appréciation sur des sujets variés.
- Subventions des heures supplémentaires. Voir modalités et formulaire d’inscription chez « Aide-Marcket »
- Etc.
A l’image des enseignes de supermarché, l’état ne manque pas d’imagination. Les entreprises n’ont que l’embarras du choix sur l’étalage des dispositifs de soutien à l’emploi. Il n’y en aurait pas moins de 6000 ! J’ignore qui a eu la bonne idée de les compter !
- Aides à l’emploi
- Baisse des charges sociales
- Aides fiscales
- Prêt à taux bonifiés
- Garanties de prêts
- Avances remboursables
- Aide à la recherche
- Etc…
Il faut prendre conscience de l’aberration de ce phénomène qui a tendance à s’amplifier. L’état pratique une politique pénalisante envers les entreprises en comparaison de certains pays qui essayent d’améliorer la compétitivité grâce à une fiscalité raisonnable, et en retour pour calmer la douleur fiscale (on pourrait même parler d’hernie fiscale !), il déploie tout un attirail d’aides compensatrices souvent sujettes à polémique. Il est toujours intéressant d’avoir en tête la loi des rendements décroissants ; il arrive souvent qu’un phénomène dépendant de plusieurs facteurs que l’on cherche à amplifier pour en accroître les effets, se trouve limité par un seul des facteurs. Il devient alors inutile et contre productif d’agir davantage sur les autres.
Dernièrement, le gouvernement a annoncé une opération des trois tiers, à valeur de 30 milliards d’euros en vue de réduire le déficit public ; 10 milliards d’impôts supplémentaires pour les particuliers, 10 milliards pour les entreprises, et 10 milliards de réduction de dépenses pour l’état. Quelques semaines après, ce même gouvernement annonce le CICE (crédit impôt compétitivité et emploi). De fait, comme souvent, il donne d’une main ce qu’il reprend de l’autre. L’état va déployer une fois encore des dispositifs coûteux, contraignants et complexes dans leur mise en œuvre pour des opérations qui tendent au final à s’annuler. Il serait si simple de diminuer le niveau global des prélèvements. Ce type d’ajustement est simple, peu coûteux et rapide dans sa mise en œuvre.
Mais que deviendraient nos ministres et nos députés si les ajustements se faisaient uniquement par les taux, les paramètres et les variables qui régulent nos processus. Ils préfèrent les ajustements par la complexité, par la superproduction textuelle, par de nouveaux dispositifs ou de nouvelles lois qui porteront leur nom ; ces fameuses lois éponymes que tout le monde retient (loi Duflot, dispositif Scellier, loi De Robien, etc…).
Mon article se veut bien entendu un peu ironique, mais loin de moi l’idée de suggérer l’inutilité des aides ; Il ne faut surtout pas les bannir ; elles sont nécessaires pour aider certaines catégories de chômeurs à retrouver un travail, pour aider certaines entreprises ou secteurs d’activités conjoncturellement en situation délicate ; mais elles devraient revêtir à mon sens systématiquement les caractéristiques suivantes :
- Etre cohérentes et bien ciblées avec un périmètre clairement défini.
- Etre compréhensibles et simples dans leur application
- Etre temporaires, le temps de passer la période difficile
- Accompagner des mesures qui s’attaquent aux causes du problème et non pas à ses effets
- Eviter les effets d’aubaine (ou tout du moins les limiter).
- Etre soumises à contreparties pour les entreprises qui en bénéficient.
J’ai bien l’impression qu’on est loin de ce schéma là. Les gouvernements peuvent donner l’image d’une volonté à toute épreuve avec une telle production intellectuelle, mais il est difficile d’en apercevoir les contours. On ne peut indéfiniment répéter les recettes éculées. L’obstination est la face sombre de la volonté. Il faut nécessairement innover dans un monde balloté par des changements toujours plus rapides. Ce monde accéléré exige une réactivité qui suppose souplesse et simplicité de nos structures.
Multiplication des aides, inflation réglementaire, propension de l’état à complexifier les systèmes et en particulier la fiscalité, un code du travail qui atteint les 3000 pages, etc. Tout cela peut entraîner une forme de rigidité ou d’étouffement dans notre activité économique.
Alors, nos ministres seraient-ils inspirés par les offres en magasin et se seraient-ils transformés en incorrigibles adeptes des promotions ? En tout cas les promotions 2013 sur notre feuille d’impôt se font encore attendre ...
Alain Desert
Voici un graphique qui montre l’évolution du montant des allégements de cotisations sociales.
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