Emprunts, crise mondiale et Europe : l’étau se referme sur la France...
... Rendez-vous à l’automne
L’annonce par Nicolas Sarkozy du lancement prochain d’un grand emprunt national, soi-disant pour financer les priorités d’avenir de la France, ne surprend pas vraiment. Il s’inscrit dans la droite ligne de deux des trois groupes qui l’ont fait président et qui contrôlent sa politique : à savoir les banquiers et Washington. ...
Comme les élites washingtoniennes et londoniennes l’ont fait pour leurs pays respectifs, il lance la France dans une fuite en avant désespérée, choisissant de faire peser sur les générations futures le coût de la crise actuelle, plutôt que d’y faire face par l’impôt (notamment sur les hauts revenus en faisant sauter le bouclier fiscal) et par un rééquilibrage de la dépense publique. On s’achemine donc vers un double appauvrissement français : appauvrissement présent avec un déficit public estimé à plus de 7% pour 2009 (et probablement plus proche de 10% in fine puisque la situation économique va continuer à se détériorer) ; et appauvrissement des générations futures via cet emprunt dont on peut déjà parier qu’il servira à boucler les fins de mois de l’état (comme toujours quand l’état n’a plus un sou en poche).
Bien entendu, la dégradation des services publics va s’accentuer. Le chômage va augmenter. D’ici six mois, les premières vagues de chômeurs en fin d’indemnisation vont commencer à toucher le tissu social du pays. Et l’état va se trouver pris dans l’étau, coincé entre l’absence de moyens financiers et l’instabilité sociale croissante. L’austérité sera bien au rendez-vous, comme les hausses d’impôts, car nos stratégies parisiennes ont toujours un train de retard sur la crise. L’emprunt servira surtout à engraisser les établissements financiers qui vont s’en occuper. Il sera incapable d’aider le pays à faire face au « trou noir budgétaire » qui se profile fin 2009. Coupes sombres dans les dépenses publiques et hausses tous azimuts des taxes et impôts seront inévitables … sur fond de durcissement sécuritaire. L’étau va être particulièrement douloureux pour les classes moyennes et défavorisées.
A la différence de l’Allemagne ou des Pays-Bas, notre politique fiscale irresponsable, perpétuation du modèle ultralibéral désormais effondré aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, qui prétend que les très riches font la richesse d’un pays[1], va également entraîner la France dans une double crise techno-politique nationale et européenne.
Déjà, du président de la Cour des Comptes au gouverneur de la Banque de France, la haute administration française commence à publiquement s’inquiéter du risque d’un affaiblissement durable de l’état[2]. Demain, c’est l’Union européenne, et la zone Euro en particulier, qui va exprimer ses doutes croissants sur le cours de la politique française. On s’approche ainsi semble-t-il d’un moment « à la 1983 », quand François Mitterrand avait dû choisir entre une politique économique idéologique de hausse du pouvoir d’achat malgré un contexte de crise économique et la sortie du Système Monétaire Européen (du fait des déficits français croissants)[3].
Ce moment-là pour Nicolas Sarkozy se situe au début de l’automne 2009. Il impliquera de lourdes révisions d’alliances parmi ceux qui l’ont fait élire et/ou qui lui permettent d’exercer son pouvoir. On peut imaginer une scission entre d’un côté les clans banquiers/Washington ; et de l’autre les clans industriels/hauts fonctionnaires.
Cette période sera déterminante pour l’avenir du pays et de l’Europe. En effet, soit Nicolas Sarkozy choisit, à l’inverse de ce qu’avait fait François Mitterrand en 1983, son option idéologique, et maintient un cap ultralibéral et « occidental »[4] ; soit il entreprend une remise en cause complète (bouclier fiscal compris) de son début de quinquennat et choisit la voie européenne.
Dans le premier cas, la France prendrait le risque de la rupture de l’Euro : phénomène aux conséquences catastrophiques pour tout notre continent, et qui condamnerait la France à devenir une annexe secondaire du camp occidental, en y inscrivant durablement un modèle socio-économique ultralibéral. La France suivrait ainsi les Etats-Unis et le Royaume-Uni dans la direction d’une société tiers-mondisée, faite d’une minorité de très riches, d’une vaste majorité de très pauvres et d’une classe moyenne efflanquée.
Dans le second cas, la France renforcerait l’UE et la zone Euro, tout en donnant au continent européen les moyens de développer son propre modèle socio-économique, en rupture définitive avec le modèle ultralibéral.
Que ceux qui pensent que le choix devrait être évident se détrompe. L’actuel président français a été placé au pouvoir. Il n’a pour l’instant démontré aucune aptitude à se libérer de ses maîtres. Il est donc tout-à-fait capable de choisir la voie tragique pour notre pays, son avenir et celui de l’Europe.
Gardons en mémoire qu’il a été capable, lors du récent Congrès à Versailles, de se référer au programme du Conseil National de la Résistance (CNR) pour décrire sa vision d’avenir, alors même qu’une partie des forces qui le soutiennent ont pour objectif avéré la destruction pure et simple de cet héritage.
Or, parmi l’héritage du CNR, on trouve pêle-mêle l’engagement pour un modèle socio-économique équilibré faisant une grande place au social (création de la Sécu), l’indépendance de la presse par rapport aux puissances d’argent et à l’état, le refus des monopoles contrôlés par des intérêts privés, le projet européen, … Toutes choses qui ne sont pas exactement au cœur des priorités du pouvoir actuel en France.
Donc le pire est hélas possible !
Frédéric Bourdel
Reims, France
Mise en forme : www.newropeans-magazine.org
1] Alors qu’en fait, la plupart d’entre eux se moquent complètement de la notion de pays … et ne s’intéressent qu’à l’accroissement de leur richesse. Ce qui d’ailleurs est très humain comme réaction et ne devrait surprendre personne.
[2] Peut-être ne commencent-ils que maintenant à comprendre que l’essentiel des forces qui ont mis Nicolas Sarkozy au pouvoir ne visent in fine que ce but là : affaiblir la France et l’Europe.
[3] Source : http://www.mitterrand.org/1983-affronter-la-crise.html
[4] Les « occidentalistes », dont le Quai d’Orsay est désormais infesté au plus haut niveau avec des gens comme Bernard Kouchner ou Pierre Lellouche prétendent en effet que la France est avant tout une composante du « camp occidental », aux côtés des Etats-Unis et d’Israël en particulier. L’Europe n’est qu’une « province » de ce camp ; et l’Union européenne, surtout la zone Euro, est assimilée à un « problème » au sein de ce camp car menaçant son intégrité, puisque remettant en cause le leadership américain
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