En Grèce, la vérité des chiffres serait-elle un mensonge perpétuel ?
Un scandale concernant de nouvelles manipulations statistiques du déficit public risque de mettre un coup à la déjà très faible légitimité du gouvernement grec, et cela peu avant l’annonce de grandes mesures d’austérité qui seront difficiles à faire accepter à la population.
Décidément l’Etat grec et les statistiques ne font pas bon ménage. Après avoir cacher le véritable montant de sa dette publique pour respecter les critères de Maastricht et rentrer dans la zone euro, pratique qui perdura jusqu’en 2009 avec l’aide de la banque Goldman Sachs, un nouveau scandale impliquant l’Etat et des manipulations de statistiques vient d’éclater. Il risque de ne pas rester sans conséquences dans un pays où le climat social et politique est actuellement si tendu.
Il y a quelques jours, Zoi Georganta, ex-membre du conseil d’administration de l’Institut national de statistique duquel elle vient de démissionnée, a accusée l’allemand Walter Rademacher, directeur général de Eurostat, organisme chargé de l’information statistique à l’échelle communautaire, ainsi que Giorgos Papakonstantinou, ministre de l’Economie de l’époque, et Andrea Georgiou, président du conseil d’administration de l’Institut national de statistique, d’avoir déroger à certaines règles relatives au calcul du déficit public, et cela dans le but de le faire artificiellement augmenter. En effet, Andrea Georgiou a subitement décidé en 2009, sans demander l’accord, ni même informer son conseil d’administration, de comptabiliser dans le calcul du déficit public certains organismes et entreprises publiques qui ne l’avaient jamais été auparavant, et cela dans aucun autres pays européens, excepté la Norvège. D’après ces révélations, l’objectif était de faire passé le déficit de la Grèce au dessus de celui de l’Irlande, à savoir 14%, afin que ce soit elle qui joue le rôle du maillon faible de l’Europe. Ainsi le déficit grec est passé cette année là de 12% à 15,4%, et la Grèce est depuis dans une rude cure d’austérité.
Zoi Georganta considère que le gouvernement grec a agi ainsi car il s’est soumis à la volonté de l’Allemagne et de Eurostat, et qu’il a mis en scène une situation plus dramatique qu’elle ne l’est en réalité. Elle a tentées d’alerter le Premier ministre, Georgios Papandréou, et le Président de l’Assemblée nationale, Filippos Petsalnikos, mais ses appels sont évidemment restés sans réponses. Ses propos ont depuis été relayés par un autre membre du conseil d’administration de l’Institut national de statistique, M.Skondras, dans une lettre qu’il a écrit à la commission des finances de l’Assemblée. Tous les membres de ce conseil vont, suite à son président, être appelés à témoigner devant cette commission. Giorgos Papakonstantinou, ministre de l’Economie de l’époque, a également des chances d’être convoqués suite à la demande de trois partis politiques ; le KKE (parti communiste), le SYRIZA (extrême-gauche), et le LAOS (extrême-droite). Cette demande sera prochainement votées à l’Assemblée et requiert deux cinquièmes des voix pour être appliquées.
Enfin, lundi a été publié un mail de Andrea Georgiou, président de l’Institut nationale de statistiques, a destination de Paul Thomsen, le chef de mission du Fonds Monétaire International pour la Grèce, dans lequel il lui décrit ses relations conflictuelles avec les autres membres du conseil d’administration, qui n’appréciaient pas d’avoir été mis à l’écart du traitement statistique de la dette. Suite à cette publication prouvant ses liens étroit avec celui qui est aussi le représentant permanent de Eurostat en Grèce, Andrea Georgiou n’a pas fait de déclaration, en revanche il a porter plainte contre X au Service des crimes éléctroniques. Cette affaire risque de nourrir la défiance de la population à l’égard de son gouvernement, ainsi que d’entretenir le sentiment très répandu chez les grecs selon lequel ils vivent sous la dictature des institutions européennes et du FMI.
Après deux plans d’austérité, et peu avant un troisième, la situation sociale en Grèce s’est radicalement dégradée. Au delà des manifestations et des grèves récurrentes, l’expansion de la pauvreté engendre des phénomènes nouveaux pour le pays. Le nombre de SDF a augmenter de 30% en deux ans, le taux de suicide de 40%. On peut voir dans tout Athènes des personnes âgés de plus de 60 ans sortir le soir pour faire les poubelles, espérant que la nuit atténuera leurs sentiment de honte. Les héroïnomanes se sont multipliés, et le fait que la durée moyenne d’attente pour rentrer dans une cure de désintoxication soit de 7 ans parait irréelle au regard de l’étendue du problème. La dégradation de la situation n’est malheureusement toujours pas à son paroxysme, et pourtant la contestation sociale n’est pas loin d’atteindre le sien. C’est peut-être ce à quoi l’on aboutit quand on a la possibilité de faire dire tout et n’importe quoi aux chiffres, et que l’on choisi de leurs faire dire n’importe quoi.
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