Et si c’était déjà trop tard ?
La bataille qui fait rage actuellement pour savoir qui du FMI, de la BCE ou de l’Union Européenne est le plus coupable est une bataille stérile, car en réalité il est trop tard et les dégâts trop importants : nous ne pouvons déjà plus revenir en arrière.
La preuve en est que même les économistes « autorisés » -les plus courtisés pour leurs analyses- commencent discrètement à déserter les plateaux de télé pour retourner qui à ses études, qui à ses donneurs d’ordres (les banquiers)…
C’est qu’il leur devient difficile de continuer à répéter les mêmes mensonges sans discontinuer, car nous sommes tous aujourd’hui capables de les confronter à la réalité : s’ils disaient vrai, ça se serait vu !
On peut bien désormais allonger la durée des cotisations, baisser les salaires , investir ou licencier c’est tout pareil : les changements qui auraient dus être faits pour sauver le capitalisme sont devenus obsolètes, même pour ceux qui le voulaient vraiment protéger.
La croissance ne repartira pas, car la crise ne va pas s’arrêter miraculeusement, pas plus que nos gouvernants n’écouteront la voix des peuples. Ce système va s’effondrer parce que c’est inévitable, ce qu’aujourd’hui même la science économique – toute éloignée qu’elle est des réalités-, ne peut que confirmer « malgré elle ».
Aujourd’hui nous assistons donc à la prise de conscience collective que « quelque chose » est en train de se produire, sans que toutefois nous n’ayons aucune prise sur ce « quelque chose ». Et pour cause, nos gouvernants, si attachés qu’ils sont au service « de l’Etat », préfèrent continuer de nous faire croire qu’il n’y a pas d’alternative plutôt que de d’admettre le vide idéologique dont ils sont pleins.
La démoralisation générale qui s’ensuit atteint maintenant jusqu’aux plus « alternatifs » de nos économistes (les Jorion, Lordon, Berruyer, Todd, Delamarche, Leclerc…), dont le fatalisme exprime le mieux la réalité : ils savent de quoi ils parlent, et le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne sont pas très optimistes…
En plus donc de tous les mouvements qui périclitent sur le web et ailleurs, il devient évident que les plus lucides sont en même temps les plus inquiets.
Car s’ils s’y entendent pour décrire les mécanismes de la crise, ses causes et ses conséquences économiques ou mêmes sociales, à franchement parler il n’en est pas un qui soit en mesure de proposer une « solution » économique crédible, et pour cause : le modéle ne fonctionnant pas, comment s’appuyer sur celui-ci pour développer des solutions sérieuses ?
Cette situation peut paraître anxiogène, ou même désespérante si l’on considère que même les « meilleurs » sont perdus, mais cela ne devrait pourtant pas :
maintenant que nous savons que le système ne marche pas, et qu’il ne peut plus non plus être sauvé (au moins dans sa manière actuelle), maintenant que nous avons compris que nos gouvernants sont corrompus par la finance à laquelle ils ont fait allégeance, que nous nous rendons compte que nos pires économistes ne sont au mieux que des incompétents tandis que les meilleurs sont totalement démunis, il ne nous reste que deux solutions : subir, ou inventer.
Le suicide collectif n’étant bien sûr pas la réponse attendue (encore que le sacrifice d’un demi-milliard d’individus -ou plus- est certainement « rentable » d’un point de vue économique), il ne nous reste donc qu’à inventer. Et force est de constater qu’il y a là du travail pour tous et encore plus : tout est à repenser, et le champ des possibles n’est limité que par notre propre imagination.
L’intérêt de cette sombre période historique est que s’ouvre dès aujourd’hui une sorte de fenêtre « spatio-temporelle » d’incertitude encore suffisamment favorable à des changements inimaginables il y a ne serait-ce que 15 ou 20 ans : et que de futurs potentiels, de systèmes nouveaux, d’opportunités formidables si nous regardons le côté positif des choses !
Car si on fait l’état des lieux de notre vaste monde, il est tout à fait permis d’envisager pour nos descendants un nouveau modèle de société dans laquelle la technologie ne servira pas le profit individuel mais la satisfaction de l’intérêt général. Ce n’est pas rêver que de croire qu’en supprimant l’argent comme valeur de référence primordiale on puisse développer des médicaments « universels » bien moins rentables que les actuels, ou des énergies gratuites et illimitées, propres et qui ne font rien gagner aux exploitants, des brevets qui seraient partagés pour le bien de tous et pas d’un seul, ou encore une démocratie participative réelle qui, grâce aux usages internet et peut-être même au « Big Data » ne servira pas des intérêts commerciaux mais des besoins humains…
Il n’est peut-être même pas osé de rêver de robots réduisant la pénibilité de certains emplois ou de certaines tâches, ou de supercalculateurs qui, au lieu de « prendre des positions » au millionième de seconde pour la bourse, serviraient à mettre en relation les besoins et les ressources pour ne laisser aucun enfant mourir de faim….
Tout est ouvert devant nous, tous les futurs s’offrent à notre regard… c’est maintenant qu’il faut créer, rêver, inventer. Nous en avons encore le droit, mais c’est en réalité un devoir, car comme disait Antoine de Saint-Exupéry, « nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants ».
Il faut désormais cesser de se préoccuper du champ économique devenu stérile pour semer dès à présent les graines idéologiques qui produiront leurs effets non pas pour nous mais pour nos enfants. Il est peut-être trop tard pour nous, mais pas encore pour eux.
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
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