Et si la Chine perdait son triple A ?
La crédibilité d’un pays se mesure aussi à son état sanitaire.
Si l’interminable feuilleton sur la crise de l’endettement nourrit les peurs, depuis ma lucarne chinoise, je m’offre une lecture nuancée.
L’œil rivé sur les comptes, les agences de notation traduisent en termes crus la défiance des investisseurs inquiets devant des accumulations de dette. Sont-elles seulement bien inspirées ? A ne s’en tenir qu’à de seules considérations financières, elles négligent un paramètre, la crédibilité d’un pays se mesure aussi à son état sanitaire.
A contrario, un pays où celui-ci est préoccupant représente un risque élevé. Célébrée pour ses remarquables finances, la République Populaire de Chine mérite un triple A. Mais derrière la manne, une redoutable lézarde trompe cette certitude. A telle enseigne, comment expliquer que nombre de notables et de familles aisées cherchent obstinément à envoyer leurs enfants à l’étranger avec souvent l’objectif d’y acquérir la nationalité ? Comment comprendre le projet de s’établir dans des pays souvent exsangues financièrement ?
La réponse vient de la détérioration de l’environnement en Chine. Celle-ci n’est plus théorique ou sujette à débat. Tel un couperet, elle frappe chaque famille, les hôpitaux débordant de malades. Longtemps beaucoup n’admettaient pas l’origine du mal. Désormais les langues se délient, le ciel sulfureux est pointé du doigt comme ces derniers jours à Pékin. Sur Weibo, le twitter chinois, plus personne ne croit en rien. Coupables : outre la pollution de l’air, une chaîne alimentaire gorgée de métaux lourds, l’utilisation de produits dangereux dans l’habitat, le tout augmenté par la passivité des autorités locales. Les journaux chinois foisonnent d’incidents sanitaires. Tel jour du mercure détecté dans une boisson gazeuse tel autre de la mélamine dans du concentré de protéine de riz. Certes les autorités sont conscientes de la situation mais elles hésitent à prendre des décisions qui compliqueraient l’indispensable relèvement du niveau de vie d’une partie de la population toujours déshéritée. Déjà bousculée par les conséquences de la décélération de la croissante mondiale, celle-ci est à cran. Du coup, les autorités privilégient les effets d’annonce. Ici, une charte environnementale pour les entreprises exportatrices. Là, la construction d’Eco villes. Souvent des trompes l’œil. Elles restent timorées car le coût du nettoyage en règle de la Chine serait astronomique. Pire ! Elles tolèrent l’impensable comme l’autorisation récemment donnée par le Ministère de la Santé de la présence du staphylocoque doré dans des produits congelés de consommation courante, comme le riz ou la pâte à cuire. Ainsi la facture de l’endettement sanitaire s’aggravera encore pour les générations futures.
Quoi de plus normal alors que des chinois cherchent dans un instinct de survie à s’en échapper ? Pourquoi leurs enfants devraient-ils payer (de leur santé) ce dont ils ne sont pas responsables ?
Cette question devrait nourrir la réflexion des agences de notation. Alors que cet Eté, tout le monde prédisait le pire concernant l’abaissement de la note des Etats Unis, ce pays emprunte aujourd’hui à des taux bas. Les investisseurs n’auraient-ils pas reconnu que, tout compte fait, les Etats Unis proposeraient un environnement sain ? Si donc l’Europe prenait le chemin d’un renforcement de ses institutions vers plus de démocratie et d’efficacité, ajouté à cela une nature plutôt protégée, plus rien ne devrait incommoder des investisseurs par trop pusillanimes. Et si ces derniers se font encore tirer l’oreille, un indice devrait attirer leur attention. Même si les comptes de leur pays battent de l’aile, rares sont les européens qui envisagent de plier bagage. Malgré tout, se maintient dans les esprits l’idée que l’Etat de Droit existe, que la contestation démocratique est possible et surtout qu’il y fait plutôt bon vivre.
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