Euro et planche à billets : ce qui bloque
Si l'on met un peu de côté le fait que l'on a un peu coulé le bateau en faisant rentrer n'importe qui dans la zone Euro, il ne faut pas oublier que cette monnaie commune est un très bel outil économique. Un rêve américain réalisé, la Rolls des monnaies... qui s'est retrouvée vite fait au placard ! Non, j’exagère, on a confié les clefs à un jardinier mais il ne s'en sert pas beaucoup parce qu'il a peur de la casser (un grand économiste s'est bien proposé gracieusement dernièrement sur France Inter d'envoyer "L'économie pour les nuls" à Trichet mais ce dernier n'a pas du avoir le temps de le lire avant de partir !).
Faisons un peu le point sur pourquoi nous en sommes arrivés là. Parce que la monnaie et la banque centrale sont des concepts si abstraits que nous sommes à l'heure actuelle privés de vrais débats. Les politiques eux même un peu dépassés, ne sont en effet pas interrogés par les journalistes qui auraient grand besoin d'une mise à jour sur la création monétaire.
Lorsque nous étions au Franc, nous regardions jalousement les américains qui, grâce au dollar, monnaie de référence, finançaient leur déficit par la simple création monétaire : en clair, "j'ai une dette ? J'imprime des billets pour la payer". Les USA continuent aujourd'hui mais la faiblesse de leur monnaie ne leur permet plus de le faire aussi massivement (un des effets pervers du remède étant la dévaluation).
*Ayant un Euro trop fort (vive l'effet pervers donc !), pourquoi la BCE ne fait-elle donc simplement pas elle aussi marcher la planche à billet ? Parce qu'elle n'en a pas le droit, comme le précisait récemment l'excellent magazine Alternatives Economiques. Fichtre, c'est la vérité, on a signé ça dans les traités, avec d'autres couleuvres, un canon dans le pied !
Pourquoi est-on allé mettre ça dans les statuts de la BCE, et pourquoi l'Allemagne refuse de revenir dessus est la question centrale qui va décider de l'explosion de l'Euro.
Les 3 raisons sont :
-Parce que c'est la porte ouverte à n'importe quel abus : problème sur le point d'être réglé puisqu'il est en projet d'interdire par un abandon de souveraineté qui interdirait les budgets ayant trop de déficits.
-Parce que l'Allemagne a une population vieillissante qui ne veut pas voir la monnaie se dévaluer, de peur de perdre du capital. On est aussi toujours sur l'ineptie de la légendaire désinflation compétitive, résumée à l'époque par Mitterrand : "nous avons remarqués que les pays forts avaient une monnaie forte, donc il est important de garder une monnaie forte"). Fichtre une 2ème fois ! J'ai personnellement remarqué que les riches avaient des Mercedes, donc je cours en acheter une, ça va me rendre riche ! Comment à ce niveau là peut-on gober des trucs pareils ? Le court de la monnaie est le résultat de la performance économique d'un pays, pas la cause !
-Parce que ça créerait de l'inflation, et c'est sur ce point qu'il est nécessaire de s'approfondir.
Les théories monétaires, presque centenaires, nous disent que lorsque l'ont créé plus de monnaie qu'il n'y a de bien produits, cela fait augmenter les prix. Dit comme cela ça a l'air imparable, si le vendeur n'a qu'une voiture en stock et que plusieurs clients ont les moyens de l'acheter, il va forcément augmenter le prix. Ça parait simpliste aujourd'hui mais cela représente plutôt bien l'économie... telle qu'elle était il y a 100 ans...
En économie, ce genre de concept est vrai "toute chose égale par ailleurs", c'est à dire si les données ne changent pas. Mais cela ne gène pas Angela Merckel de raisonner comme il y a 100 ans, l'Allemagne restant traumatisée par l'inflation galopante d'avant-guerre.
Pour reprendre notre exemple, ce qui a changé aujourd'hui, c'est que
-Nous sommes dans une économie ouverte, ce qui fait qu'une bonne partie de l'inflation créée serait en fait exportée en Chine ce qui, on ne va pas s'en plaindre, arrangerait notre compétitivité.
-La production est énormément plus flexible maintenant qu'il y a 100 ans. Donc le vendeur plutôt que de gonfler les prix de sa Logan dirait dirait certainement plutôt à ses clients : si vous être d'accord pour attendre quelques semaines, je vais vous commander votre Logan rêvée !
-La dette des états n'est pas faite que d'achats de Logan, elle est faite aussi de vrais investissements (recherche, infrastructures, éducation) qui permettent d'augmenter la production (et pour revenir à notre équation, si augmentation de la production = création monétaire, pas d'inflation). Enfin annuler partiellement la dette des états à coups de billets fraîchement imprimés, ce n'est pas filer une augmentation à tous les fonctionnaires, c'est simplement payer les salaires qui de toutes façons devaient être payés assurer qu'ils le seront à l'avenir.
Il y a 2 poisons en économie. L'un est de la considérer comme une science, ce qui revient à suivre des théories comme des lois, voire en faire des lois comme c'est le cas dans la construction européenne. Le 2ème est la passion qui anime les économistes. Celle-ci est le moteur de leur travail, est utile. Mais passion n'est pas lucidité, recul et sang froid, qualités indispensables en politique.
Espérons que ces poisons ne seront pas mortels.
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