Feu vert de l’Elysée pour les licenciements et l’emploi précaire
C’est un signal fort qu’a adressé Nicolas Sarkozy aux patrons : saisissez le prétexte de la crise financière pour licencier les salariés et embauchez des personnes en contrats aidés ou en CDD ! La décision élyséenne de créer 100 000 contrats aidés a été prise unilatéralement et sans l’avis des syndicats, sauf celui du Medef qui applaudit l’initiative. Et pour cause les raisons avancées de ce soi-disant plan de l’emploi ne sont pas les vraies raisons...
C’est l’effet d’aubaine de la crise ! Le gouvernement en profite pour assouplir le licenciement !
Car si le gouvernement avait réellement voulu mener une politique d’aide à l’emploi, d’aide aux chômeurs, il l’aurait fait depuis longtemps. S’il avait voulu développer les contrats aidés, il l’aurait fait très tôt aussi. Mais il a fait tout le contraire en supprimant 25 000 contrats aidés dans le budget 2009 par rapport à celui de 2008. Il y a quelques jours encore, des ministres et des élus UMP rappelaient leur farouche opposition au principe du contrat aidé. Alors pourquoi cette subite décision ?
La première raison est de faciliter le licenciement. Le recours aux contrats aidés aurait pu se planifier depuis longtemps tant la courbe du chômage le justifiait, mais c’est par opportunisme que la décision intervient à ce moment précis. Les Français ont été conditionnés par la crise financière, préparés à l’idée que cette crise allait s’étendre à l’économie réelle et faire de la casse sociale. C’est donc le bon moment pour mettre à la porte car ils seront résignés à voir les entreprises licencier et leur pardonneront plus facilement. C’est pour leur faciliter la tâche que le président Sarkozy a annoncé la création de 100 000 contrats aidés de plus que ce qui était prévu au budget 2009.
Sarkozy n’a pas précisé si les 100 000 nouveaux contrats budgétés seront signés prioritairement dans le secteur non-marchand (Contrats d’avenir et Contrats d’accompagnement dans l’emploi - CAE) ou dans le secteur marchand (CI-RMA, contrat initiative emploi - CIE). Une forte proportion de contrats dans le secteur marchand serait la preuve que l’argument avancé ci-dessus est juste.
La deuxième raison de cet interventionnisme de l’Etat est d’enfoncer le clou de la déréglementation du droit du travail. Sarkozy a ainsi rappelé sa volonté de développer le travail du dimanche, et il a demandé aux parlementaires d’examiner sans délai ("maintenant") la proposition de loi qui est prête. De même, il a incité les employeurs à recourir aux CDD sans limite.
"C’est une mesure pragmatique", a déclaré le président Sarkozy. Non ! C’est une mesure opportuniste car voici tout à coup qu’il trouve que "les contrats aidés ont une utilité", utilité sociale qu’il leur a pourtant toujours déniée ! A moins qu’il ne pense à une autre utilité, celle qui consiste à offrir aux patrons l’occasion inespérée de préparer les charrettes de licenciements avec son aval et en toute bonne conscience : "c’est la faute à la crise financière, vous le savez bien... ! Bah ! Il y a les contrats aidés !"
La troisième raison est budgétaire. "C’est cher, mais moins que d’avoir des gens au chômage ; c’est un investissement", a justifié Nicolas Sarkozy. Là, c’est plus clair, on veut faire des économies budgétaires par ce moyen. Quant à l’investissement, il ne sera pas du côté des bénéficiaires de contrats qui n’offrent pas de formation et qui débouchent rarement sur des emplois.
Pour que Sarkozy prenne le risque de se voir accuser de piquer à la gauche ses idées, de renier sa politique d’hier, de réutiliser de vieilles recettes qu’il avait pourtant rejetées, de refaire ce qu’il avait défait, il fallait qu’il y ait des raisons suffisamment fortes. Elles existent : il s’agit de canaliser la crise sociale et les désordres qu’elle peut provoquer en montrant que l’on prend le chômage au sérieux, et en mettant de l’huile dans le licenciement, en le légitimant par avance.
Bien sûr, le chef de l’Etat a, comme à son habitude, tancé quelques méchants à la cantonade pour menacer de ses foudres tout le monde en général et personne en particulier. Après les mauvais financiers, les mauvais parachutes dorés et les mauvais paradis fiscaux, c’est le tour des mauvais patrons qui utiliseraient "la crise ambiante pour justifier des réductions d’effectifs". "Je n’accepterai pas les stratégies cyniques et opportunistes (...) le gouvernement sera intraitable". Il "surveillera personnellement ceux qui ne jouent pas le jeu." "Intraitable", "personnellement" ! Ce qui est excessif n’est-il pas insignifiant ? Voilà encore des menaces qui prêteront à ricanements du côté du patronat et qui n’impressionneront absolument personne, comme d’habitude, tant chacun sait qu’elles seront sans suites et que dès demain l’omniprésident sera passé à tout autre chose, à autre dossier "urgent" qu’il tiendra à traiter "personnellement", à un énième avion à prendre, très loin de ces préoccupations passagères.
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