Financer la transition énergétique sans alourdir la « dette abyssale » de l’Etat, est-ce possible ?
Selon l’Insee, la dette publique de la France a atteint 2739,2 milliards d’euros fin mars 2021. Pour atteindre les objectifs de la transition énergétique, l’Ademe et l’OFCE estiment que l’investissement annuel supplémentaire devrait se situer entre 43 et 62 milliards d’euros par an, qu’il faudra financer si l’on ne veut pas alourdir la dette publique, déjà « abyssale ».
Des sommes non négligeables qui se chiffrent en milliards d’euros, ce qui ne manquerait pas d’alourdir la dette si aucune mesure de financement spécifique n’est prise
La Cour des comptes européenne estime, sur la base des travaux du HLEG (High Level European Group), à 11 200 milliards d’euros le coût de la transition énergétique à l’échelle de l’Union Européenne entre 2021 et 2030, soit 1120 milliards euros par an. Le poids économique de la France en Europe (sur la base du rapport des PIB) étant de l’ordre de 13%, le coût national pourrait être estimé à 145 milliards d’euros par an, dont les deux tiers pour les transports, un quart pour le secteur résidentiel et tertiaire, 7% pour les réseaux et 1,7% pour l’industrie. Mais cette première évaluation, bornée de surcroît à l’horizon 2030, semble très élevée au regard des autres chiffrages disponibles.
Selon l’Institut de l'Économie pour le Climat (I4CE) qui est une association experte de l'économie et de la finance.proche de la Caisse des dépôts et de l’Agence française de développement ( AFD ), les investissements nécessaires, en supplément de ce qui existe déjà, se situerait dans une fourchette de 45 à 75 milliards d’euros par an. Les investissements (publics et privés) actuellement tournés vers la transition énergétique étant évalués à 20 milliards d’euros par an, le coût total serait donc, selon I4CE, de 65 à 95 milliards d’euros par an.
Pour rappel, la dette publique de la France atteint des sommets.
Cette dette qui, conformément au traité de Maastricht, devait se limiter à 60% du PIB de chacun des Etats, atteint désormais un niveau record historique en France. Face à la pandémie, alors qu’il fallait en urgence soutenir l’économie et aider les entreprises et les salariés grâce au système dit « chômage partiel », le président de la république avait déclaré « quoi qu’il en coûte »… Et ce fut également une avalanche de milliards d’euros sur l’automobile, dont Peugeot- Citroën et Renault, l’aviation et tant d’autres secteurs. Au pires heures de la pandémie de ridicules « concerts de casseroles » du « bon »peuple à la gloire « des héros du Covid », orchestrées par certains médias et des politiques qui se donnaient « bonne conscience », afin de faire oublier que quelques mois auparavant on avait refusé de répondre aux multiples revendications du personnel hospitalier, dont la satisfaction n’aurait coûté, au plus, que deux ou trois centaines de millions d’euros. C’est ainsi que dans la foulée de déclaration du président de la république, le gouvernement avait annoncé, entre autre, fin mai 2020 que la dette publique atteindrait 117,2% du PIB fin 2021, après 115,1% un an auparavant. Or au fin Mars 2021, c’est à dire seulement à la fin du premier trimestre, elle atteignait 118,2 % du PIB.
Fin 2019, avant la crise du Covid-19, la dette publique française s'élevait à 97,6% du PIB. Après avoir baissé de 23,7 milliards d'euros au quatrième trimestre 2020, elle a augmente nettement de 89 milliards d'euros au premier trimestre 2021. Mais toujours, selon l’Insee, du fait de la constitution de trésorerie, principalement par l'Etat et la sécurité sociale, la dette publique nette n’a augmenté que de 48,3 milliards d'euros. Ce qui est loin d’être insignifiant.
Pour financer la transition énergétique, tous les pays européens sont concernés par le même problème
Tous les pays européens ont le même problème : les investissements pour la transition énergétique sont incontournables et même s’ils s’avèrent rentables à terme, personne n’a l’argent pour les financer dans l’immédiat. S’ils veulent éviter le recours à toujours plus d’emprunts et à leurs factures à charge des contribuables, les Etats devront envisager de faire des économies sur certains postes budgétaires et imaginer de nouvelles recettes.
Pour la France, les seuls intérêts et frais financiers qui s’ajoutent au remboursement de la dette l’alourdissent annuellement d’environ 40 milliards d’euros. Ce qui signifie que des dizaines de milliards d’euros d’emprunts supplémentaires pour financer la transition énergétique, s’ajoutant à une dette »abyssale » ne peuvent que faire courir le risque de conduire le pays vers les abîmes, comme ce fut le cas pour la Grèce ...
Pour rembourser la dette, l’État fait en toute légalité une sorte de « cavalerie »
l’État fait « rouler sa dette ». C’est à dire qu’il rembourse le capital venant à échéance en contractant de nouveaux emprunts. L’État rembourse aux créanciers des sommes colossales en leur réempruntant les mêmes sommes avec en sus des intérêts à payer. Et ainsi de suite. Faire comme si ce mécanisme était insignifiant est problématique. Aujourd’hui plus de 65 % des emprunts publics sont utilisés pour rembourser le capital et payer les intérêts et les frais financiers. Une dette qui s’emballe pour ne servir qu’à elle-même et à en enrichir certain(e)s grâce à la généreuse contribution fiscale des Français. Mais jusqu’où cela peut-il aller ?…
Au bonheur des banques privées et des marchés financiers pour les emprunts d’État
Les États ont besoin des marchés financiers comme ces marchés ont besoin des investissements dans la dette d’État. Plus largement, le taux auquel l’État se finance servant de référence pour les entreprises d’un pays, les investisseurs institutionnels investissant largement dans les dettes d’État, l’épargne des ménages comme celles des entreprises, c’est l’économie qui d’une manière générale a besoin d’une relation État-marchés–banques fonctionnant correctement. Mais qu’arrive-il quand la machine se grippe, quand le vase déborde et que les Etats ne peuvent plus emprunter sur les marchés financiers, comme ce fut le cas pour la Grèce ?...
Certes, depuis 2011, le coût de la dette française ne fait que diminuer. Cette réduction est le résultat de la baisse des taux d’intérêt auxquels emprunte la France. À l’heure actuelle, ces taux s’avèrent même négatifs pour certaines obligations de moins de cinq ans. Si bien qu’on estime que l’État français paie plus ou moins en moyenne 2% du PIB d’intérêts annuellement et que la tendance devrait continuer à la baisse, selon la Banque de France. Mais à y regarder de plus près, 2% du PIB d’intérêts payés, c’est tout de même la modique somme d’environ 40 milliards d’euros qui vont chaque année dans les poches des créanciers. Une somme d’argent qui pourrait être investie ailleurs en améliorant, par exemple, l’état des services publics parfois déliquescents, faute de financement suffisant…Ainsi que contribuer à atténuer la charge de la transition énergétique…
Par exemple : Quand on sait que les banques privées empruntent à taux 0 % voire négatif auprès de la banque centre Européenne (BCE) et que les Etats, tel la France, même à taux très faibles pour des emprunts annuels de centaines de milliards d’euros à ces mêmes banques privées, via les marchés financiers, on a de quoi s’interroger. Mais il est vrai que c’est l’article 123 du traité de Maastricht qui interdit aux Etats d’emprunter directement auprès de la BCE et des banques centrales.
Il faut toutefois retenir que malgré tout, le lien entre les emprunts obligataires souverains et les banques qui avait rendu le secteur financier européen particulièrement vulnérable à des mouvements de vente massifs sur les marchés de la dette s'est détendu depuis quelques années, grâce aux achats massifs de titres de la Banque centrale européenne (BCE).
Au delà du prolongement de la crise sanitaire et des mesures d'endiguement qui ont contribué à faire gonfler l’endettement « abyssal » de la France, il faudra bien financer la transition énergétique
Alors que se pose la question : comment pourrait-on financer en France les investissements de la transition énergétique sans alourdir le budget de l’État, dont la dette est déjà « abyssale » ? Ce qui signifie que pour éviter de nouveaux emprunts excessifs et se dispenser de « faire rouler la dette », avec les risques qui peuvent en découler à terme, il n’y a pas d’autres solutions que réaliser à la fois des économies budgétaires et de trouver de nouvelles recettes.
Au chapitre des économies à réaliser :
- Il faut stopper les politiques natalistes qui coûtent cher et repenser les actuelles prestations familiales
Rompre avec une politique familiale qui repose toujours sur une dynamique nataliste devient en France une urgence écologique, au regard de l’impact de l’homme sur la planète par son nombre et son système économique, auquel la France contribue activement. Plus nombreux c’est toujours plus de besoins énergétiques, avec des coûts toujours plus élevés pour le budget de l’État, donc le recours à la « générosité » des contribuables... En France, on peut imaginer un système beaucoup plus simple qui évite l’écueil nataliste, en réduisant de façon importante les charges budgétaires afférentes.
En France, ce n’est pas parce que les prestations familiales ne représentent qu’un peu moins de 10 % de l’ensemble des prestations sociales, soit 7 milliards d’euros, qu’il n’est pas nécessaire de les réformer par un système plus juste et moins onéreux. Pour rappel : le coût des prestations sociales dépasse les 70 milliards d’euros par an.
La France doit imaginer d’autres dispositifs pour aider les familles en lieu et place des actuelles prestations familiales.
On pourrait, par exemple, pour les familles bénéficiant des prestations familiales, en lieu et place, dès le premier enfant et quel qu’en soit le nombre, tout en veillant à ne pas aggraver la situation des familles en difficulté, attribuer une seule allocation forfaitaire. Ont pourrait ainsi réaliser une économie de plusieurs milliards d’euros (3/4 milliards). A lire également : https://www.rue89lyon.fr/2019/02/03/demographie-responsable-limiter-la-taille-de-la-population-mondiale/
- Des économies substantielles doivent être faites également sur les seuls coûts de gestion de la protection sociale
Réduire les coûts de gestion de la protection sociale devrait se traduire par de fortes économies à réaliser. La Fondation iFRAP est parvenue à l’évaluation suivante : les coûts de gestion réels de la protection sociale représentent au moins 42 milliards d’euros, dont 6,9 milliards de frais financiers et au moins 4,1 milliards de frais liés aux prestations de l’État et des collectivités locales (http://www.ifrap.org/emploi-et-politiques-sociales/protection-sociale-faire-baisser-les-42-milliards-de-couts-de-gestion). Aujourd’hui, par la maîtrise des frais de gestion, toujours selon la Fondation iFRAP, il est possible d’économiser de 5 à 9,5 milliards d’euros sur les coûts de gestion à l'horizon 2025.
Parmi les recettes à créer
Si l’on considère que impôt sur les bénéfices des sociétés est passé en Europe en moyenne de 45% en 1985 à 20% aujourd’hui. Il conviendrait de créer au niveau de l’UE une taxe de 5% sur le bénéfice des sociétés. Cela devrait rapporter 100 milliards d’euros à l’Europe, soit environ 13 milliards d’euros pour la France. Les sommes importantes ainsi dégagées ne pourraient pas être engagées si on les considère comme une dépense et non comme un investissement pour la transition énergétique, car elles seraient alors bloquées par la règle de calcul des déficits publics qui sont bornés à 3% du PIB pour chacun des Etats de l’UE.
D’autres recettes existent ou pourraient être mises en place. Il y a bien sûr la taxe carbone, dont la contribution en 2022 devrait se situer à 10,8 milliards d’euros et qui augmentera au fil du temps, à condition que son produit soit intégralement réinvesti dans la transition énergétique. Actuellement il est impossible de suivre précisément l’usage qui est fait des recettes de la CC du fait du principe de non affectation des budgets et du fait de la nature même de la composante carbone. Il serait urgent de prendre les dispositions utiles pour résoudre ce problème. Selon un sondage OpinionWay pour l’Ademe, 84 % des chefs d’entreprise français y sont favorables.
On pourrait aussi taxer le kérosène, ce qui représenterait une ressource potentielles de 3 milliards d’euros par an, ainsi que supprimer toutes les aides aux énergies fossiles qui représentent entre 8 et 10 milliards d’euro par an. Ces réductions se présentent actuellement essentiellement sous forme de réduction, voire d’exemption de taxes, où d’abattement fiscal de la TICPE sur le diesel.
Afin de dissuader l’achat de gros 4X4 ou de véhicules surdimensionnés, particulièrement énergivore et à fort rejet de GES, la seule façon est de Taxer davantage les véhicules émettant plus de 173 g/km. Mais aussi, pour des véhicules dont les dimensions : largeur, hauteur, longueur sont supérieures à une voiture « citadine » commune, créer« une taxe gabarit » par centimètre de dépassement par hauteur, largeur, longueur. Le montant à appliquer pourrait être celui qui est actuellement appliqué à la tonne de CO2, soit 46,4 euros. Si l’on considère que 12 millions de véhicules serait concernés pour pour un dépassement total (hauteur+longueur+largeur) de 30 cm, les recettes annuelles devrait se situer autour de 17 milliards d’euros.
Pourquoi pas l’instauration d’une contribution solidarité richesse (CSR) ?
S'il ne s'agirait pas de rétablir l'impôt sur la fortune (ISF) sous sa forme initiale, il serait toutefois souhaitable de permettre aux très riches de faire un effort de solidarité fiscale supplémentaire et d'établir ainsi une contribution solidarité richesse (CSR). Excepté les contrats d’assurance vie et les droits de propriété industrielle (brevet, marque), littéraire ou artistique, elle réintégrerait les biens somptuaires qui ont été exclus avec le transfert de l'ISF à l'IFI (Immobilier hors résidence principale, placements financiers, yachts, jets privés, chevaux de course, voitures de luxe, lingots d'or...) ainsi que la suppression de la dispense des prélèvements sur les dividendes des actions. Il faudrait toutefois simplifier la procédure de calcul, éviter l'évasion fiscale en recréant un boucler fiscal avec un plafonnement à 60 ou 70 % des impôts sur le revenu et relever les seuils qui sont actuellement de 1,3 millions d'euros pour l'IFI à 3 millions d'euros sous la forme d'un prélèvement unique, par exemple de 1,25%. Tous les investissements, par mécénat associatif ou dans le capital des micros, petites et moyennes entreprises (créatives d'emplois) seraient déduits du montant à payer de cette contribution. Cette initiative Française devrait s’inscrire comme un exemple dynamique pour les autres pays Européens. Le montant de cette contribution solidarité par les très riches serait destinée exclusivement à la transition énergétique et selon les estimation, son montant pourrait se chiffrer autour de 3 milliards d’euros. Somme s’ajouterait aux recettes ou économies réalisées.
Pour conclure
Entre les recettes ainsi suggérées et la suppression des avantages fiscaux évoqués, cela représenterait environ plus de 50 milliards d’euros qui pourraient alléger de façon substantielle le budget de l’État au profit de la transition énergétique. Il y a certainement d’autres secteurs où des financements pourraient encore être dégagés pour couvrir les dépenses de la transition énergétique, soit par économie de dépenses, comme, par exemple, sur les intérêts et frais financier annuels de la dette ou encore par la création de recettes diverses, telle qu'une partie de la fiscalité à créer sur les robots qui vont se substituer à l’intervention humaine dans les entreprises, avec la nouvelle révolution numérique.
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