Florange : avec son arme de dissuasion industrielle, Montebourg plonge la France dans la fange
Il devient urgent de sortir cet avocat nombriliste et carriériste de ce très stratégique ministère de l’industrie. L’image de la France auprès des investisseurs étrangers s’est effondrée depuis six mois. Il serait temps que le gouvernement socialiste comprenne qu’il n’y aura pas de salut sans apport de nouvelles activités dans l’économie nationale.
Lorsqu’il a composé son gouvernement, le Président de la République François Hollande a su manier son extrême habileté à la chose politique.
En nommant le représentant de la démondialisation (un terme qui ne signifie rien), Arnaud Montebourg, qui avait réuni 17% des sympathisants socialistes lors de la primaire d’octobre 2011, au poste crucial de "Ministre du Redressement productif", une appellation sans origine contrôlée, François Hollande comptait l’obliger à soit transiger soit s’évanouir dans le paysage socialiste. Il l’avait aussi astucieusement fait pour le Quai d’Orsay, en nommant deux contempteurs du Traité constitutionnel européen en mai 2005, Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve, aux postes stratégiques pour l’Europe, respectivement aux Affaires étrangères et aux Affaires européennes.
Cela avait deux objectifs pour François Hollande : d’une part, récupérer à son profit l’aile gauche du PS et son idéologie anti-européenne en l’impliquant dans les décisions gouvernementales ; d’autre part, intégrer une "forte gueule" qu’il valait mieux avoir au sein du gouvernement que contre lui, maintenant également la pression sur un autre grand espoir du PS, Manuel Valls.
Si l’on peut applaudir ces subtilités politiciennes présidentielles, il faut hélas reconnaître que l’intérêt de la France n’y a pas trouvé son compte. Alors que la politique fiscale a déjà écorné de manière très forte l’attrait de la France auprès de ceux, entrepreneurs étrangers, qui pourraient songer à y apporter leurs talents et leur créativité, le ministre Arnaud Montebourg n’a cessé de ridiculiser la parole de la France dans sa stratégie industrielle, ou plutôt, dans son absence de stratégie industrielle.
PSA et Mittal, deux malheureux épisodes
L’épisode de la fermeture de l’usine de Peugeot à Aulnay-sous-Bois avait déjà marqué les limites du verbe montebourgeois : on stigmatise ostensiblement ceux qui détiennent les richesses industrielles de la France (discours en direction des employés par simple clientélisme électoral, une façon de faire déjà connue sous Nicolas Sarkozy), et ensuite, rétropédalage, en se soumet totalement aux diktats du capitalisme sans même rien tenter de la part de l’État.
L’épisode de Florange, qui risque bien de finir comme celui de Gandrange, est, à mon sens, d’une portée bien plus désastreuse que celui de PSA car la communication est devenue internationale.
Traiter sans ménagement le patron d’une entreprise qui compte plus de vingt mille salariés français était déjà faire preuve de très peu de responsabilité par rapport aux impératifs économiques : si les méthodes de Mittal sont évidemment troublantes et même choquantes, il faut quand même bien admettre qu’un investisseur étranger qui serait intéressé à s’implanter en France ne serait jamais un philanthrope et viendrait en France parce qu’il y trouverait un avantage financier d’une manière ou d’une autre dans sa propre stratégie de développement international. En clair, les seuls qui seraient susceptibles d’investir en France seraient des "gros" qui manieraient naturellement leur "cynisme". Reste donc à ce que leur stratégie soit également compatible avec l’intérêt de l’économie de la France et de celui de ses citoyens et salariés.
Comment se débarrasser des investisseurs ?
Le sommet du masochisme gouvernemental a sans doute été atteint lorsqu’il a été question de nationaliser (même provisoirement !) le site de Florange. De quoi se frapper la tête contre un mur. Avec un tel discours, quel investisseur étranger serait-il assez masochiste pour envisager une seconde de s’implanter encore en France ? Comment faire confiance à un gouvernement qui manierait avec tant de célérité et de légèreté cette arme de dissuasion industrielle ? D’autant plus que la présence sur le marché européen pourrait se faire à partir d’un autre pays bien plus porteur (Allemagne, Grande-Bretagne par exemple).
Heureusement, face à un Président de la République visiblement hésitant et indécis, souhaitant louvoyer autour de tous ses alliés, et à un ministre uniquement du verbe industriel, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a su garder le cap du pragmatisme et rappeler l’essentiel dans sa déclaration du 30 novembre 2012 à Matignon : « Le gouvernement n’a pas retenu l’hypothèse d’une nationalisation transitoire, qui a pu être évoquée ces derniers jours. (…) La nationalisation (…) n’est pas efficace face à un problème de débouchés pour une entreprise ou face à un problème de compétitivité. ».
Heureusement, il a compris que l’État ne trouverait pas mieux des clients qu’une entreprise privée, qu’il ne réduirait pas mieux les coûts ou ne serait pas plus compétitif qu’une entreprise privée. En revanche, cette pagaille verbale a miné l’attrait industriel de la France, elle a assombri toutes les perspectives d’investissements étrangers sur territoire national. Car il a immiscé le doute, l’inquiétude, la peur d’une politique incohérente, sans vision, sans ligne directrice.
Pire : pour éviter la démission du ministre Arnaud Montebourg (démission peu probable car il n’aurait plus aucun parachute politique et serait vite isolé dans le paysage politique), Jean-Marc Ayrault et François Hollande ont laissé entendre, le 1er décembre 2012, que l’évocation d’une nationalisation n’avait qu’un seul but, celui de faire pression sur Mittal pour mieux négocier : « C’est une menace dont on savait qu’elle était très difficile à utiliser mais qu’il fallait brandir et donc étayer. » (François Hollande dans le "Journal du dimanche").
Mais de deux choses l’une, ou Mittal y a cru sérieusement, et dans ce cas, les éventuels investisseurs étrangers y croiront tout autant sérieusement, ou Mittal n’y a jamais cru et a noué son accord avec le gouvernement de manière très légère, à savoir, sans envisager de le respecter.
Ce serait plutôt cette seconde hypothèse qui pourrait être prise en compte. Jacques Attali a même déclaré qu’il ne fallait pas lui faire confiance puisqu’il n’a jamais honoré ses anciens engagements. L’arrêt prochain des deux hauts-fourneaux à Florange (prévu vers avril 2013) signerait la fin définitive de la "filière chaude". Dans ces conditions, comment ne pas envisager qu’à terme, un plan social ne soit pas un jour ou l’autre décidé ? C’est comme arrêter de fumer ; le fait de promettre de ne pas faire de plan social ne dure qu’un temps. Mais dans six mois ? Serait-ce comme la non-augmentation de la TVA et de la CSG durant tout le quinquennat ?
Entre canards boiteux et filières d’avenir
Comme pour le secteur automobile, la question est finalement de savoir quel est l’avenir du secteur de l’acier en France. Il n’y a sans doute pas de réponse très claire sur le sujet mais la réflexion mérite de déboucher sur des choix courageux et sur cette question : le gouvernement doit-il systématiquement, pour des raisons de clientélisme électoral, d’absence de vision à long terme et d’incapacité profonde, engager des milliards d’euros dans des secteurs qui, d’une manière ou d’une autre, ne renaîtraient jamais ou faudrait-il plutôt tout miser sur de nouvelles activités, encourager les initiatives, débloquer la créativité et l’esprit entrepreneurial des Français ?
L’effondrement de pans entiers de l’industrie française depuis trente ans est un désastre social (qu’il faut traiter également au niveau social), mais ces "morts", aussi malheureuses soient-elles, sont normales dans la vie, dans l’économie, il y a des cycles de produits, des activités qui arrivent à terme, des écrans plats qui remplacent les écrans cathodiques etc. et il faudrait plutôt anticiper les fins de cycles et surtout encourager à démarrer de nouveaux cycles industriels, à lancer de nouvelles filières, et à les accompagner de formation continue pour les reclassements.
Imaginer de nouvelles sources de richesse
C’est peut-être la différence avec les pays anglo-saxons ; au lieu de miser l’argent public pour relancer la machine économique par de nouvelles activités, la France cherche avant tout à s’accrocher à des activités qui ne seront de toute manière plus pérennes. Le chômage n’est pas grave s’il ne dure que quelques mois. Le système français sécrète du chômage de longue durée par une méconnaissance de l’économie de ses gouvernants.
Car ce qu’il faut, justement, c’est de la flexibilité, de pouvoir changer de filière, laisser celles qui vont mourir et relancer les prochaines qui vont s’épanouir. Une flexibilité qui ne doit évidemment pas se faire sur le dos des salariés (c’est avec le système actuel qu’on crée la précarité et une véritable fracture sociale entre ceux qui ont un emploi et ceux qui en cherchent).
Aux États-Unis, une faillite est considérée comme une expérience et valorisable tandis qu’en France, c’est synonyme de honte sociale, si bien que peu de personnes prennent le risque d’échouer alors qu’entreprendre, c’est pouvoir échouer. Les souhaits des étudiants se retrouvent essentiellement dans les emplois de fonctionnaires aujourd’hui. Pourtant, seule la création de valeur, donc, la prise individuelle de risque peut enrichir notre pays, lui faire retrouver la croissance, réduire les déficits et la dette, et garantir la protection sociale.
En ne prenant pas conscience du principe de vie et de mort des activités, de cette respiration inévitable, les gouvernements français, depuis plusieurs décennies, ne sont plus que des greffiers qui notent amèrement les actes de décès (avec des emballages politiques plus ou moins chatoyants) sans savoir susciter les actes de naissances. À l’État justement de favoriser ces naissances et ces redynamisations de l’économie par un assouplissement en faveur des entreprises et une meilleure prise en compte de la sécurité des salariés dont la probabilité de réaliser toute leur carrière dans la même entreprise (ou dans la même filière) est de plus en plus faible.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (4 décembre 2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Discours de Jean-Marc Ayrault sur Florange du 29 novembre 2012 (texte intégral).
Un clown à l’Élysée.
La conférence du rétropédalage.
Bilan du précédent quinquennat.
Arnaud Montebourg contre les moulins marseillais.
Montebourg en primaire.
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