« Ils sont 8 nous sommes des milliards » était notre slogan face au G8, ce
vestige surané du siècle passé mais qui se prétendait directoire de la planète. Nicolas Sarkozy a bien tenté de le ranimer pour la photo en juin dernier, mais sans succès. Ces 3 et 4 novembre, c'est à Cannes qu'il accueille les chefs d'Etat et de gouvernement des 19 pays membres du
G20, auxquels s'ajoutent les représentants de l'Union Européenne, des institutions financières internationales et de quelques pays invités.
«
Passer de 8 voleurs à 20 voleurs, c'est peut-être une démocratisation du club des voleurs, mais ce n'est pas une véritable démocratie mondiale » nous disait Vinod Raina, militant altermondialiste indien qui a vu son pays intégrer ce club très select (citation tirée de la vidéo
G8-G20 : Les peuples d'abord pas la finance). Pour Naomi Klein, le G20 est un «
club social sans légitimité démocratique », qui fait en sorte, sans le montrer, «
que le coût de la crise économique soit assumé par les personnes les plus vulnérables ».
Business as usual
Pour Pablo Solon, ancien ambassadeur de la Bolivie à l'ONU, «
les pays ont absolument le droit de se réunir par groupe de pays ». «
Cela devient problématique quand ce qu'ils discutent a des effets sur tous les pays et toutes les populations de la planète et que tous ces pays ne sont pas à la table des négociations ». «
C'est une véritable séquestration de la démocratie », ajoute-t-il, alors que «
l'heure de la démocratie globale est arrivée ». Une démocratie où des milliards d'habitants de la planète, les 99 % évoqués par le mouvement
Occupy Wall Street, pourraient enfin décider de leur avenir, et reprendre pouvoir sur leur vie.
A cette aune, le G20 est un obstacle. Un obstacle qui promeut le
business as usual et les mêmes recettes que celles qui ont conduit à la crise financière, économique, sociale et écologique que nous connaissons. Suppression des paradis fiscaux, régulation et taxation de la finance internationale, réduction des bonus des traders, encadrement des activités spéculatives bancaires, autant de déclarations de bonne intention qui ne sont jamais suivies d'effet (voir ce
rapport d'Attac France).
Priorité aux institutions financières internationales et aux marchés financiers
Le G20 a remis sur selle le Fonds Monétaire International. Avec la Banque Mondiale, le FMI est pourtant responsable des politiques d'ajustement structurels imposées depuis les années 1980 aux pays du Sud ayant plongé dans la pauvreté des centaines de millions de personnes. Ces mêmes politiques d'austérité sont aujourd'hui exigées des pays européens, Grèce, Italie, Espagne et Portugal en premier lieu. Aux mêmes causes les mêmes effets : en faisant payer aux classes moyennes et populaires la dette publique accumulée au bénéfice de la finance et des populations les plus riches, ce ne sont que chômage, précarité et accroissement des inégalités qui pointent à l'horizon.
Officiellement, le G20 dit vouloir « consolider les fondements d'une croissance forte et durable ». Mais là où il faudrait débloquer les investissements nécessaires pour répondre aux défis sociaux et écologiques que nous connaissons - politique de transition énergétique et d'accès à une éducation de qualité par exemple - le G20 promeut un modèle socialement injuste et écologiquement insoutenable qui fait la part belle aux marchés financiers. Ainsi, une des rares annonces portant sur le domaine énergétique et environnemental, à savoir la suppression des plus de 50 milliards de dollars par an alloués par les pays riches aux énergies fossiles (dégrèvements d'impôts aux multinationales notamment) n'a jamais été suivie d'effets. Par contre, lorsque le G20 parle climat, il préconise de s'en remettre aux marchés financiers pour trouver les 100 milliards de dollars nécessaires a minima d'ici 2020 pour que les pays pauvres puissent faire face aux conséquences des dérèglements climatiques.
Un sommet des Peuples face à cette farce diplomatique
Pour ce G20, Nicolas Sarkozy avait de
grandes ambitions : «
réformer le système monétaire international, renforcer la régulation financière, lutter contre la volatilité des prix des matières premières, soutenir l'emploi et renforcer la dimension sociale de la mondialisation, lutter contre la corruption, agir pour le développement ». Dire qu'on en sera loin au soir du 4 novembre est un doux euphémisme. Au mieux, Nicolas Sarkozy pourra annoncer une taxe sur les transactions financières acceptée par un tout petit groupe de pays pionniers. Et quelques vagues annonces non contraignantes, juste ce qu'il faut pour sauver la face. Et en tout cas rien qui ne pourrait remettre en cause la prééminence des marchés financiers sur nos sociétés.
Face à cette farce diplomatique, un sommet des peuples se tient du 1er au 4 novembre à Nice, malgré les très
nombreuses entraves politiques, juridiques et administratives déployées par les autorités. Après une manifestation festive et dynamique le mardi 1er novembre, et avant une action le jeudi 3 novembre matin visant à rappeler que Monaco, véritable paradis fiscal, n'a pas disparu comme par magie, place à deux jours de forum pour donner à voir et mettre en débat les véritables solutions aux défis démocratiques, sociaux et écologiques. Taxation de la finance et suppression des paradis fiscaux, contrôle public des activités bancaires, audit citoyen de la dette, transition énergétique, définition d'un socle de biens communs de l'humanité à protéger et promouvoir, respect des droits des populations, souveraineté alimentaire, liberté de circulation, véritable démocratie mondiale et réforme de l'ONU, normes sociales et environnementales véritablement contraignantes et supérieures au droit commercial et des investisseurs, etc... (voir
les propositions clefs portées par les organisations de la société civile).
Pour aller plus loin :
Egalement co-auteur du livre d'Attac "Au mépris du monde : G8-G20 et peuples en lutte", Les Liens qui Libèrent, Paris.