G20 : le marché des illusions
Les maîtres du monde nous ont donc annoncé qu’ils allaient le sauver et les média, les nôtres du moins, leur ont emboité le pas et ont déversé sur nous un concert de louange digne de la Pravda des belles années et du bilan globalement positif... et sans doute tout aussi méritée.
Car enfin qu’a t-on fait ?
On a dressé une liste des paradis fiscaux et promis de faire pression pour les faire renoncer à leurs pratiques douteuses. Il était plus que temps et cela compliquera – un peu – la vie des mafia mais cela n’aura aucun effet sur la crise. C’est aux États-Unis qu’elle est née, sous l’oeil vigilant de l’Internal Revenue Service et ce qui s’est passé aux Îles Cayman n’a eu qu’un effet très limité sur son développement.
D’ailleurs, en parlant des Îles Cayman, c’est jusqu’à nouvel ordre un territoire britannique et le représentant de sa très gracieuse majesté a un droit de véto sur les lois locales. Pourquoi Gordon Brown a-t-il attendu un G20 extraordinaire pour promettre de remettre de l’ordre dans son arrière-court ? Et pendant qu’on y est, pourquoi la France n’a-t-elle pas fait pression sur son vassal de principule monegasque pour qu’il fasse preuve d’un peu plus de transparence. Elle sait très bien le faire lorsqu’il s’agit de ses impôts à elle.
On a promis de réguler un peu plus les marchés financiers et de mettre un terme aux excès spéculatifs, sans dire, d’ailleurs comment on comptait s’y prendre. Ce n’est pas une mauvaise chose même s’il ne faut pas se faire trop d’illusion. Les États-Unis vivent au dessus de leurs moyens et pour qu’ils puissent continuer à le faire il leur faut attirer les capitaux des autres et cela ont ne le fera pas avec des lois anti-spéculation. Déjà des voix s’élèvent pour prédire que la prochaine bulle se construira sur des bons du trésor – et forcément uniquement ceux des États-Unis.
Et puis un capitalisme sans spéculation c’est comme un communisme sans marché noir, cela n’existe pas. Il suffit d’ouvrir un livre d’histoire économique pour s’en rendre compte. Comme disent les informaticiens : it’s not a bug, it’s a feature.
Enfin on a dégagé de l’argent, beaucoup d’argent, pour le FMI et l’OMC, tous deux censés prêter quelques milliards aux pays en faillite afin qu’ils organisent la politique de relance que les « grands » ont promis de mettre en place chez eux. Ce n’est pas stupide. Les crises boursières, lorsqu’elles débordent sur l’économie réelle, sont avant tout des crises de liquidité. Il suffit de remettre de l’argent dans le système – ou d’accélérer la circulation de celui qui y est déjà – pour que les choses se remettent en place.
Le problème c’est que ce n’est pas qu’une crise boursière.
Il y a eu de nombreuses bulles spéculatives depuis la débâcle de1929 et elles ont toutes explosé sans que l’économie se sente obligée d’en faire de même.
Tout le monde est d’accord, aujourd’hui du moins, pour dire que vendre des maison à des gens qui ne peuvent pas les payer est une mauvaise idée, mais il semble que ce soit le choc pétrolier qui ait fait de cette bulle spéculative somme toute assez ordinaire la bombe que l’on sait.
Pour citer l’économiste James Hamilton :
s’il n’y avait pas eu de choc pétrolier, nous aurions pu dire que l’économie américaine croissait lentement en 2007 Q4 – 2008 Q3, pas qu’elle était en récession.
Le problème c’est que ce choc pétrolier n’est pas dû à une nouvelle querelle israelo-arabe, ou aux ambitions contrariées de quelque satrape oriental. Elle est due à la quasi-stagnation de la production depuis 2004. On peut discuter à l’infini pour savoir si cette stagnation cache le fameux peak oil ou si elle n’est que le début d’un long plateau de production. Il n’en reste pas moins qu’elle a presque certainement des causes géologiques.
Et si tel est le cas les plans de relance du G20 sont pires qu’inutiles.
S’ils réussissent à relancer la croissance, si l’économie mondiale, noyée sous les subventions comme un vieux moteur dans l’huile, repars, la demande de pétrole repartira avec elle. Les mêmes causes produiront les mêmes effets. Pour citer à nouveau James Hamilton :
On doit attirer l’attention sur le fait qu’il s’agisse fondamentalement d’un problème de long terme qui a été résolu, pour l’instant, de manière plutôt spectaculaire par l’effondrement de l’économie mondiale. L’effondrement économique se révèlera cependant, on peut l’espérer, une solution de court terme pour le problème de la trop forte demande d’énergie au niveau mondial. Si la croissance dans les pays nouvellement industrialisés reprend à son rythme précédent, il ne se passera pas plus que quelques années dans le même genre de situation qui a engendré notre problème actuel.
Ce qu’Hamilton ne dit pas, parce qu’il est un économiste et pas un géologue, c’est que si les pessimistes ont raison, la production de pétrole – ainsi que de charbon, de gaz et d’uranium, d’ailleurs – ne fera pas que stagner : elle diminuera, ce qui signifie que chaque reprise se heurtera à un plafond de ressource plus bas que la précédente. Le XXIème sera alors l’image inversée du XIXème : une longue série de crises entrecoupées de périodes de rétablissement temporaire.
D’ailleurs peut-on vraiment parler de crise lorsque celle-ci devient la norme ?
Le seul mot qui convienne à ce genre de situation c’est celui de déclin. C’est ce déclin que nous devons préparer et amortir, mais cela implique de reconnaître sa réalité, de renoncer au mythe désastreux du progrès et de la croissance, de rejeter les utopies et la chasse aux boucs-émissaires tout en sacrifiant ce qui doit l’être, à commencer par la mondialisation.
Le plan de relance du G20 ne va pas vraiment dans ce sens.
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