Gagner moins a dit le PDG d’IBM très tendance. Un krach salarial ?
IBM vient de décider une réduction des revenus de ses commerciaux pour faire face à la crise. Plus précisément, la part fixe est amputée de 20%. Est-ce une exception confirmant la règle de stabilité des salaires ou bien le signal d’une baisse généralisée des revenus du travail ?
Le capitalisme fordien avait pour principe d’augmenter les salaires des travailleurs pour qu’ils puissent acheter un jour les produits qu’ils fabriquent. En réalité, ce n’est pas si simple mais force est de constater que ce type de principe visant à permettre une élévation matérielle de tous a fonctionné au tout début du 20ème siècle, notamment aux Etats-Unis. C’était une époque folle. Tout semblait possible aux aventuriers de l’industrie, comme Howard Hugues. Mais la grande dépression est arrivée. Une maladie assez grave de l’économie. Après le jeudi noir, la bourse dévisse pendant deux ans et le plus fort de la dépression se situe en 1932. Roosevelt est élu. La machine économique mettra dix ans à se remettre. Pour un nouveau round selon le principe anti-fordien. Ceux qui ont vu Gimme Shelter auront sans doute remarqué le problème des organisateurs. Où garer toutes ces automobiles ? C’était en 1969. Ford avait réussi son pari.
Dans les années 1980, puis 1990, un infléchissement se produit. Nous sommes passés dans un capitalisme anti-fordien. L’élévation des niveaux de vie devient très sélective. Aux Etats-Unis, toujours en avance, les classes supérieures ont engrangé beaucoup de revenus alors que le salaire médian n’a pas suivi la courbe du PNB. Ce dispositif du siphonage des revenus dure depuis 25 ans. La pression augmente. Avec la compétition, l’ouverture des marchés. Le système est bancal. En 1987, 1993, 1999, 2002 et maintenant 2009, des secousses. Deux évolutions s’entrelacent.
D’une part la captation des profits associée à la constitution de grandes fortunes et de liquidités phénoménales capables de déstabiliser les économies. En 1993, la solidité du SME n’a pas résisté. La lire s’effondre. Maintenant, l’euro empêche les marchés de jouer sur les monnaies. Mais la livre déguste. Ce qui est logique. D’autant plus que le Royaume-Uni ayant construit un capitalisme de finances et services est plus lourdement touché que l’Allemagne, forte de son dynamisme industriel, la France aussi. Quant à l’Espagne, son dynamisme passé dans l’immobilier la rend plus vulnérable. Et Warren Buffet fait ses emplettes à Wall Street, examinant les soldes intéressantes.
D’autre part, le capitalisme anti-fordien fonctionne en mettant la pression sur les salaires. Que n’a-t-on pas évoqué le dumping social, le chantage à la baisse. Le phénomène n’est pas récent. Ceux qui se rappellent de 1986 ont le souvenir de ces entreprises se mettant en déficit. Dégraissage, licenciement des salariés avec ancienneté, les plus coûteux. Puis, un ou deux ans après, embauche de salariés avec moins d’expériences, mais aussi formés aux technologies nouvelles et surtout, payés moins chers. La réduction de la masse salariale du monde industriel s’effectue doublement, par une pression à la baisse et par le jeu des licenciements, de l’intérim, de la sous-traitance. Au final, plus d’argent dans les comptes bancaires de l’hyper classe et moins dans la poche des salariés. Et un cercle vicieux puisque les capitaux jouent sur les matières premières, l’immobilier, ce qui réduit d’autant les revenus disponibles des travailleurs qui engloutissent de plus en plus pour le loyer, l’essence, la bouffe. Et tout ce beau monde qui continue de faire des profits.
La décision prise par IBM a été jugée comme un précédent par le Figaro titrant sur IBM qui lance la controverse. Autant dire que cette mesure va être largement commentée dans les milieux économiques et surtout, syndicaux et politiques. La mesure prise par IBM a quelque chose de symbolique. C’est un peu comme si la Reine d’Angleterre vendait ses bijoux. Le sujet de sa majesté penserait alors que quelque chose de grave se prépare. Cela dit, si IBM avait opté pour un plan de réduction, cela serait passé inaperçu. Un dégraissage parmi les centaines que vont effectuer les grandes entreprises en 2009. Le signal reste fort. La question de la relance relève d’une thérapie de bobologie eu égard à l’amputation sociale en vue. C’est comme si on plaçait un sparadrap pour arrêter une hémorragie.
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