General Motors : une politique commerciale peu cohérente
La nouvelle a dû laisser indifférents la plupart d'entre nous.
Elle n'a suscité que quelques entrefilets dans la presse spécialisée : GM annonce le retrait de Chevrolet du marché européen...
Ce dernier avatar dans l'histoire tourmentée du géant américain montre à quel point le système capitaliste est incohérent et contradictoire.
GM, comme chacun le sait, c'est General Motors, le monstre américain numéro un mondial de l'industrie automobile, né il y a plus d'un siècle de l'association de plusieurs constructeurs américains. Chevrolet est la plus importante de ces marques, créée au début du XXe Siècle par un pilote automobile suisse, Louis Chevrolet . Les autres marques connues du groupe sont (ou ont été) Cadillac, Pontiac, Oldsmobile, Buick, GMC.
En Europe, GMC détient Opel et Vauxhall, et a détenu Saab.
Je ne reviendrai pas sur toute l'histoire de GM , sur les marques achetées, vendues, détruites, sur les investissements risqués et les incohérences de stratégies commerciales.
On pourrait parler d'EV1 la première voiture électrique de série que la firme sortit en 1996 et dont elle détruisit tous les exemplaires en 2001 malgré les listes d'attente de clients.
L'histoire de Saab , petite marque Suédoise de prestige que GM a selon certains volontairement poussée à la faillite en 2010 est aussi un exemple.
Il ne fait pas bon s'associer au géant américain, beaucoup devraient se souvenir d'alliances désastreuses.
Je rappelle aussi que la firme américaine s'est elle même placée sous la protection de la loi américaine sur les faillites en 2009.
L'état américain sauvera l'entreprise en apportant 61 milliards de dollars pour le démarrage d'une nouvelle entité en contre partie d'une nationalisation provisoire comportant de lourdes contraintes et en particulier le plafonnement des émoluments des dirigeants.
Le « libéralisme » finit en général ainsi, quand les caisses sont vides à cause des gabegies et de l'incompétence des « décideurs » par l'appel aux fonds publics et à la charité de contribuables.
Pourquoi en était on arrivé là ? En premier sans doute par l'incapacité à s'adapter aux données nouvelles après les chocs pétroliers, face à une invasion de véhicules japonais (en particulier Honda), moins gourmands en énergie et mieux finis. ( Je me souviens d'avoir conduit il y a quelques années une Pontiac Grand'Am de location, dont le revêtement intérieur était fixé aux montants par de grosses agrafes...)
Pour compenser ses pertes, l'entreprise avait largement réduit ses investissements , fermé de nombreuses usines et licencié plus de cent vingt mille personnes. Ses ventes avaient chuté de 5 à 2 millions de véhicules sur le marché américain. Son endettement était colossal sans rapport avec ses actifs et bien entendu en cette période de subprimes, lié à des créances pourries.
Dans le cadre de ses divers plans de sauvetage, GM a fermé Oldsmobile en 2004, et en 2008 décida de se séparer de cinq autres de ses marques dont Pontiac, Saab et Opel. On sait ce qu'il est advenu des deux premières, quand à la filiale allemande du groupe, la direction revint sur sa décision de la vendre.. Dans un premier temps l'état allemand autorisa la cession au groupe canadien Magna international et mit 4,5 milliards d'euros de prêts dans la corbeille de mariage …
Les revirements brutaux sont courants chez GM, et subitement la maison mère américaine changea d'avis, provoquant la colère des allemands.
Opel continua sous la coupe de Général Motors, mais parallèlement les dirigeants du groupe se souvinrent qu'ils venaientde racheter la marque coréenne Daewoo qui fabriquait de médiocres véhicules bas de gamme et qui se trouvait en faillite. D'où l'idée de profiter de l'usine Daewoo en Corée du Sud pour lancer Chevrolet à la conquête du monde...
Sans doute n'était ce pas une mauvaise idée, mais à mon avis elle se trouva entachée de deux tares originelles, au moins en ce qui concerne l'Europe.
Dans un premier temps Chevrolet se contenta de rebadger à son nom en les affublant du prestigieux nœud papillon de la marque, les véhicules Daewoo de médiocre réputation, entachant ainsi son image d'une réputation de véhicules coréens bas de gamme que ne manquèrent pas de souligner les détracteurs, y compris lorsque furent présentés de vrais véhicules Chevrolet.
En second lieu l'éloignement du lieu de production et la nécessité de recourir à des moyens de transport au long cours interdisaient toute souplesse dans l'approvisionnement, et lorsque la demande s'accroissait les délais de livraison s'allongeaient de façon dissuasive.
Le premier véhicule véritablement Chevrolet apparut en 2009. Il s'agit de la Cruze, berline agréable, bien équipée et sans problèmes, je le sais j'en ai eu une.C'est une voiture véritablement internationale, certes assemblée en Corée, mais conçue aux USA , entraînée en Diesel à ses débuts, par un moteur italien de Via Motori, mise au point en Allemagne, et équipée d'un châssis et de nombreuses pièces d'origine Opel. Elle fut suivie de la Spark , citadine à la bouille originale et sympathique et d'une compacte l'Aveo.
Dès lors une politique commerciale agressive, liée à un aspect moderne et une décoration intérieure plutôt américanisée entraînèrent un certain engouement. Les véhicules plaisaient mais ne pouvaient s'affranchir d'une réputation lowcost bien entretenue par les médias spécialisés.
La direction de GM reproche donc à Chevrolet de n'avoir jamais dépassé les 200 000 véhicules vendus en une année sur le territoire européen alors qu'on misait sur un million à l'horizon 2017. Elle reproche aussi à sa marque d'avoir empiété sur les plates-bandes d'Opel.
Il n'y a rien d 'étonnant à cela. Les marques Opel et Chevrolet bénéficient le plus souvent des mêmes salles d'exposition dans les concessions, et l'oeil du visiteur est bien plus souvent attiré vers la frétillante américaine que vers l'austère et fade allemande. D'autant que les prix lui font parfois aussi de l'oeil !
Tout cela va donc finir et la nouvelle volte-face de GM donnera, ou pas, raison à ses promoteurs. Suffira t il d'éliminer le trublion pour que les brebis égarées reviennent l'air penaud se réfugier dans les jupes de la belle délaissée ? Rien n'est moins sûr.
A moins qu'un nouveau revirement...
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