Globalisation : l’étape ultime
A première vue, il semblerait bien que les jadis prospère libre circulation des capitaux et commerce transfrontalier - apanages par excellence de la globalisation - soient réduits à la portion congrue dans le cadre plus général d’un protectionnisme présenté comme réaction inéluctable à la crise économique.
Il est vrai que développement et enrichissement d’une grande majorité de nations émergeantes étant redevable à ces flux de capitaux et échanges commerciaux intensifs, un réflexe protectionniste Américain ( et dans une moindre mesure Européen ) aurait pour résultante de casser à terme cette dynamique du développement. Par ailleurs, la globalisation semble également devoir être remise en question par la tentation grandissante de certains Etats à manipuler le cours de leur monnaie dans un souci de gain de compétitivité ou tout simplement afin de ne pas honorer leur endettement souverain.
En résumé, les forces rétrogrades du protectionnisme et les réflexes primaires anti globalisation semblent bel et bien à l’oeuvre aujourd’hui, suggérant que le retour à l’environnement où les forces du marché dictaient leur loi n’est pas vraiment d’actualité. Toujours à la recherche d’un bouc émissaire afin de détourner l’attention de leurs propres carences, nos responsables politiques favorisent en outre nos réflexes protectionnistes en invoquant l’écrasante responsabilité de la globalisation dans la crise actuelle.
Certes, tout le monde s’accorde sur ce que le visage - ou le masque - du monde capitaliste de demain ne ressemblera plus au contexte d’hier tout comme il semble assuré que la mobilité du travail devienne une composante majeure de ce futur environnement. De fait, c’est la mobilité de l’ensemble de la chaîne - capitaux, marchandises, entreprises, technologie - conjuguée à l’immobilisme des individus qui a contribué aux effets pervers de la globalisation. La dichotomie et la contradiction sont évidentes - et choquantes - entre la prospérité (d’un autre secteur ou d’un autre pays) entièrement redevable aux multiples arbitrages financiers et les tensions sociales (du secteur ou du pays) aux dépens duquel se font ces mêmes arbitrages.
Ainsi, les inégalités se créent-elles et se creusent-elles car les travailleurs ne peuvent (ou ne veulent) faire preuve de la même mobilité que les capitaux et marchandises : les entreprises investissent, vendent, délocalisent, prennent leurs profits dans une sorte de perpétuel mouvement centrifuge alors même que le travailleur semble comme paralysé par une force centripète.
Il est vrai que ce travailleur ne peut en l’état actuel que subir les conséquences de politiques économiques et monétaires qui le dépassent : Une politique monétaire laxiste dans un pays affecte ainsi systématiquement des allocations de capitaux dans un autre, un resserrement de taux d’intérêts dans un pays détermine la politique commerciale d’un autre, un stimulus fiscal dans un pays peut avoir des conséquences dramatiques sur son voisin dans l’incapacité de se montrer aussi généreux vis-à-vis de sa population, une inflation maîtrisée par une nation entraînera immédiatement sa supériorité économique par rapport à son voisin peu rigoureux, une monnaie manipulée dans un pays affectera la consommation dans un autre, une augmentation des exportations de ce pays sera forcément compensée par un accroissement des importations – et donc des dépenses - d’un autre, l’amélioration de la croissance dans un pays contribuera à l’aisance matérielle de ses citoyens alors que la contraction économique sévissant dans un autre pays entraînera l’appauvrissement de sa population...
Afin d’améliorer ses conditions de travail, le travailleur devrait donc idéalement être tout aussi mobile que le capital, c’est-à-dire être constamment mû par un souci de migrer vers le lieu le plus conforme à ses intérêts. Quitter le pays qui adopte la mauvaise politique, aller travailler dans celui susceptible de lui offrir de bonnes conditions de travail et de vie.
Ces mêmes nations qui mènent une lutte acharnée pour attirer capitaux et technologies se battront-elles un jour prochain avec la même pugnacité pour attirer les travailleurs ? Ce monde d’après la crise, ce monde de demain sera-t-il, au moins à ce point de vue, un monde plus globalisé ?
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