Grâce à la Française des Jeux, certains se sont enrichis
Je veux dire « grâce à la privatisation de la Française des Jeux ».
Les particuliers...
Comme environ 500 000 personnes, j’avais souscrit en novembre 2019 à la privatisation de la Française des Jeux. En décembre, j’en avais parlé lors d’un dîner de famille et je me souviens d’yeux écarquillés lorsque j’avais expliqué que cela devait me rapporter environ 20 % en 18 mois ( 2 % de décote à l’achat, attribution d’une action pour 10 au bout de 18 mois et hausse raisonnable du titre ).
J’étais très loin du compte. En voyant à quelle vitesse le cours a monté, je n’ai pas tardé à comprendre.
Un exemple en quelques chiffres :
- Souscription à 117 titres suite à la réservation maximale par un particulier : 2 282 €,
- Dividende moins retenue fiscale : 37 €
- Soulte lors de l’attribution gratuite de 11 actions supplémentaires : 32 €
- Revente le 25/05/2021 des 128 actions ( dont 11 attribuées gratuitement ) : 5 771 €.
Les détails peuvent varier légèrement mais l’ordre de grandeur est le bon.
La revente entraîne une plus-value taxable, de 30 % au maximum. Cela consiste à appliquer la « flat tax » instaurée par Monsieur Macron (vous savez, celui qui « se fout » d’être appelé le Président des riches (1)), c’est à dire, en parlant en Français, une limitation considérable à l’imposition des super-bénéfices boursiers.
Dans cet exemple, l’impôt dû pourrait faire quelque chose comme 1 068 €, à payer plus tard.
Donc 2 282 € placés 18 mois auront rapporté, net d’impôts, 2 490 € supplémentaires.
Cela correspondrait à un taux d’intérêt du placement de plus de 60 %/an. Pour rappel, la caisse d’épargne verse en ce moment 0,50 %/an.
500 000 souscripteurs ( je parle des particuliers ), quel triomphe ! Monsieur Le Maire a parlé de « succès spectaculaire » (4). Un engouement qualifié de « populaire », d’ailleurs, puisque certains des souscripteurs ( quoique probablement pas très nombreux ) n’avaient pas droit à l’appellation contrôlable de « riches » (6). 500 000 souscripteurs qui sont bien contents et remercieront, nombreux, le président des r... en votant pour lui.
Je ferai exception, mais vous l’aviez deviné.
… et les financiers
D’après un article de presse (2), Monsieur Le Maire aurait dit que de nombreux « investisseurs » avaient fait part de leur intérêt pour cette introduction en bourse. Selon un autre article (4), la demande aurait émané à concurrence de 10 milliards des institutionnels ( banque assurance, fonds de placement, etc. ) et à concurrence de 1,6 milliard du grand public.
Donc il y avait aussi les « investisseurs », et ils étaient très gourmands.
Cette demande a été loin d’être entièrement servie. Comment cela s’est-il réparti ? Autant les pouvoirs publics et les médias ont été prolixes et dithyrambiques sur ce grand succès soi-disant « populaire », autant ils ont été discrets sur ce qui concerne la part des « investisseurs » (cf. la fin de (2)).
Il n’est pas facile d’y voir clair.
Le communiqué officiel (3) mentionnait 40,2 millions d’actions aux personnes physiques et aux détaillants, 44,6 millions aux institutionnels, mais aussi une « surallocation » de 11,4 millions d’actions, sur laquelle le communiqué était vague ; cette dernière semblait concerner les institutionnels.
On peut trouver quelques données sur le site institutionnel de FDJ (5).
A la page 57 du « Rapport financier et extra-financier 2020 », on voit que 5,06 % du capital appartenait à Predica, 3 % à « Société/Soficoma », mais qu’il y avait un contentieux devant un tribunal, et 39,07 % à ceux qui détenaient chacun moins de 5 %. Il y avait aussi l’état français, un ou des organismes d’anciens combattants et un fond de salariés.
Plus intéressant, le « slide » n° 11 de la « Présentation du Groupe FDJ novembre 2020 » comportait une ventilation à la date du mars 2020 où on voit notamment le pourcentages approximatifs suivants :
- État Français : 22 % ( c’était avant qu’il distribue une action pour 10 à des actionnaires individuels et on peut envisager que le pourcentage actuel se situe en-dessous de 21 % ),
- Institutionnels internationaux : 19 % ( tiens, il n’y a pas que des Français qui en aient profité ),
- Autres institutionnels français : 17 %,
- Predica : 5 % ( comme c’est un institutionnel français, on est aux alentours de 22 % pour cette catégorie dans son ensemble )
- Actionnaires individuels : 18 % ( c’était avant que soit distribuée une action pour 10 à des actionnaires individuels mais il semble aussi qu’un certain nombre d’entre eux aient vendu avant l’expiration du délai de 18 mois ).
- etc.
Je ne sais pas expliquer les divergences entre ces différentes sources, qui correspondent d’ailleurs à des dates différentes. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a eu nettement plus d’actions pour la finance que pour les particuliers.
Les financiers n’avaient pas eu droit à deux avantages réservés aux particuliers : décote de 2 % et actions gratuites au bout de 18 mois. Mais ils auront quand même bien apprécié la différence entre un prix d’acquisition de 19,90 € l’action, et le cours boursier ( plus de 45 Euros l’action au 25/05/2021 ), augmenté en outre d’un dividende.
Quand aux impôts qu’ils payeront ou non, va savoir ! Combien sont domiciliés en Irlande ou au Luxembourg ? Combien ont racheté des sociétés dont des pertes accumulées étaient la seule véritable richesse ? N’étant pas spécialiste de l’évasion fiscale, je suis bien incapable de faire des hypothèses, mais je fais quand même celle qu’ils auront payé en moyenne bien moins que le taux de la « flat tax ».
Si on multiplie par une cinquantaine de millions d’actions, le bénéfice de la finance, largement au détriment de l’état français, est probablement proche du milliard.
L’état français, à la différence du grand public, disposait de toutes les informations et de moyens d’analyse puissants. Il aurait pu fixer un prix de souscription nettement plus élevé
...s’il l’avait voulu.
(1) https://fr.news.yahoo.com/macron-annonce-d%C3%A9cisions-difficiles-ne-105708398.html
(5) https://www.groupefdj.com/fr/actionnaires/nos-publications.html ( documents téléchargés le 03/06/2021 ).
(6) Risquons-nous à donner une définition qui n’a rien de canonique de l’objectivement riche : quelqu’un qui se trouve dans les 5 % les plus élevés nationalement quant à, selon les cas, sa fortune personnelle ou la fortune de son ménage divisée par le nombre d’unités de consommation. Des subjectivement riches, il n’y en a pas puisque, c’est bien connu, pour être riche il faut avoir dix fois plus que celui qui s’évalue.
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