J.K. Galbraith : la mort d’un grand penseur de l’économie
J.K Galbraith restera un penseur de l’économie au service de l’homme, il a toute sa vie lutté contre les fausses idées économiques, bref il a fait de cette discipline un art de déjouer les fictions ou les fables de la pensée officielle, et à cet égard, il mérite d’être lu à nouveau.
Ne me pleurez pas, mes amis,
Ne me pleurez pas, jamais,
Car je ne vais plus rien faire pour l’éternité
Epitaphe d’une femme de ménage cité par Keynes et J.K .G
Une théorie des fictions économiques
J.K Galbraith (J.K.G), le plus célèbre des économistes américains, vient de disparaître à 97 ans. Après une carrière de professeur, journaliste, ambassadeur, conseiller politique, son testament intellectuel s’achève sur une théorie des fictions économiques, tel est le message de son dernier livre : Les mensonges de l’économie. Il montre par quelques exemples comment les systèmes de représentation de l’économie n’entretiennent que peu de rapports avec la réalité. Ainsi, le terme capitalisme ne serait plus utilisé par la sphère politico-médiatique, remplacé depuis quelques années par l’expression économie de marché, plus neutre, qui ne rend pas compte de la dimension politique du pouvoir de l’économie ; bref elle efface toute dimension dans laquelle les rapports de force sont coextensifs à l’économie pour ne mettre en avant qu’un processus neutre, sinon bienveillant, qui daterait de l’invention de la monnaie par les Lydiens au VIIIe siècle avant J.C : le marché !
Penser un au- delà du PIB...
Dans un deuxième exemple J.K Galbraith interroge la notion de PIB concue comme l’alpha et l’oméga du progrès social : cette production brute de richesses laisse de côté la culture en ce qu’elle nous donne de meilleur comme trace de civilisation : des réalisations artistiques, littéraires, religieuses et scientifiques majeures dans des pays où le PIB peut être faible ! Bref, il donne la culture comme facteur essentiel de richesse sociétale. Quant au travail, il considère la manipulation de cette notion avec circonspection .
Le travail ambigü
Ce concept est le plus souvent utilisé de la même façon pour décrire des états de fait très différents : un travail pénible, répétitif, exténuant, ou un travail qui procure épanouissement et plaisir. D’où les représentations dans l’imaginaire social de la nécessité d’un travail pour les pauvres, et de l’affranchissement de son caractère pénible pour les riches ! La notion de travail non définie est pour Galbraith une fiction. Quant aux rôles des directeurs dans les plus grandes entreprises, il est sérieusement mis à mal par notre économiste. Celui-ci considère que la plupart du temps, les chefs d’entreprises "s’autorémunèrent" de façon indue. Leur autorité ne leur sert que trop souvent à détourner des fonds, et dans ce cadre, les assemblées générales d’actionnaires ou de leurs représentants ne sont que parodie de pouvoir : un pastiche de "cérémonie religieuse".
Le pouvoir comme technostructure
Le pouvoir dans l’entreprise appartient à la direction, comprise comme bureaucratie qui contrôle les tâches et se fixe ses propres rémunérations. Bref, la notion de rationalité économique pour les meilleurs salaires est une fiction de la théorie économique. Quant au rôle de la Banque centrale, qui a pour objectif de limiter le chômage ou la récession, son bilan serait pour J.K .G "insignifiant ". La Banque centrale américaine n’a pas jugulé l’inflation après la Première Guerre mondiale, ni les spéculations et crises économiques des années vingt et trente aux Etats-Unis .. D’un point de vue historique, son rôle est donc fortement déconsidéré, malgré les discours lénifiants à son sujet. Le rôle des banques centrales dans les politiques économiques serait fictionnel.
La guerre comme échec humain décisif
J.K Galbraith vous parlera aussi avec une clarté pertinente du "mythe des deux secteurs, de la politique étrangère et militaire, du monde de la finance... " Et pour conclure, il nous dit : "Les problèmes économiques et sociaux, comme la pauvreté de masse et la famine, peuvent être réglés par la réflexion et l’action . Ils l’ont déjà été. La guerre reste l’échec humain décisif." Faute de nous indiquer si la mort de l’esprit est fiction ou réalité, il nous laisse espérer en l’action ici-bas.
(A lire : J.K Galbraith, Les mensonges de l’économie, Grasset 2004)
Deux autres articles sur le décès de Galbraith publiés sur AgoraVox :
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